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Le marché des outils de gestion de contenu connaît une concentration sans précédent. Les acteurs traditionnels de la gestion électronique de documents, un temps occultés par les éditeurs de solutions web, reprennent la main. Dans le même temps, les offres Microsoft et open source ont gagné en maturité.
On les disait dépassés, pas assez souples, ou incapables de s'adapter aux besoins des intranets et des portails web... Les systèmes de gestion électronique de documents (GED) semblaient devoir ne pas quitter le domaine du documentaire pur, alors que les solutions web, elles, assureraient la communication interne et externe de l'entreprise, la collaboration entre employés, etc. Aujourd'hui, après l'explosion de la bulle internet, force est de constater une redistribution des cartes.Les acteurs traditionnels, tels Documentum, Open Text et FileNet, qui ont mené des politiques d'acquisitions agressives, ne se positionnent certainement plus comme des acteurs de la GED, mais comme des spécialistes de la gestion de contenu d'entreprise (ECM, Enterprise content management). Leurs plates-formes ne gèrent plus seulement des documents, mais aussi les flux générés par les progiciels de gestion intégrés (ERP), les e-mails ou les fichiers de travail issus des plates-formes collaboratives. Certains éditeurs ont même dépassé la notion de workflow de publication pour se tourner vers de véritables solutions de gestion des processus métiers (BPM, Business process management).
Un marché en fin de consolidation
Documentum, numéro un du marché, récemment racheté par EMC, annonce avoir bénéficié de la crise, notamment grâce à la concentration des fournisseurs opérée par les grandes entreprises, son marché de prédilection. Avec une croissance de 20 % sur l'année 2003, sa performance impressionne. Elle s'effectue, pour une grande part, sur sa base installée, comme le confirme Pierre Bernassau, directeur marketing Europe du Sud : ' Le nombre de contrats est en baisse sur l'année, c'est vrai, mais leurs montants sont en hausse. On pratique de plus en plus la vente croisée, on propose des modules additionnels aux plates- formes en production. On pratique aussi beaucoup l'augmentation du montant de la commande (up-selling) : le nombre d'utilisateurs de nos solutions en entreprise est en forte croissance. Nous avons ainsi des portails chez nos clients qui comptent plusieurs dizaines de milliers d'utilisateurs. 'L'éditeur profite désormais d'une gamme très large, qui s'étend de la GED au portail, en passant par l'archivage, le collaboratif, la gestion de documentation technique... C'est notamment le cas chez Framatome-Cogema, où il est parti d'une application documentaire de type départementale pour assurer le système de documentation lié à la construction des centrales nucléaires. Un projet qui s'est étendu depuis à la gestion des procédés d'opérations liés à la maintenance et à la sécurité des centrales, pour prendre en charge l'intranet documentaire du groupe...Outre cette croissance organique, Documentum mise naturellement sur les synergies avec sa nouvelle maison mère, particulièrement dans le domaine de la gestion du cycle de vie de l'information (ILM, Information lifecycle management). ' Nous travaillons désormais sur une approche verticale de notre offre. Dès 2004, nous allons la proposer sous la forme d'empilement (stacks) comprenant une couche de gestion de contenu intelligente issue de Documentum, les logiciels Legato très complémentaires de notre offre et une couche stockage EMC. ' Aussi, pour faire face à FileNet qui mise sur le BPM, Documentum préfère s'appuyer sur son partenariat avec Adobe et l'intégration entre l'offre Documentum et Adobe Document Server. Une approche centrée sur les documents et la gestion de flux XML, plutôt qu'orientée processus et applications.
Des rachats en série pour se consolider
FileNet, de son côté, suit une route technologique différente, même si la course à la plus grande couverture fonctionnelle est de mise chez l'Américain, qui s'apprête à dévoiler FileNet Team Collaboration, son offre de plate-forme collaborative.Présent sur les marchés pharmaceutiques, de la finance, des assurances, du secteur public et de l'industrie, FileNet annonce que 40 % de ses clients développent des processus sur son architecture BPM, un domaine où Alain Le Corre, directeur marketing de FileNet France, s'estime mieux armé que les spécialistes issus du monde de l'intégration des applications d'entreprise (EAI) : ' Il n'y a pas de processus sans document, et ce que les acteurs de l'EAI n'incluent pas dans leurs offres technologiques, c'est l'aspect humain. Intégrer des personnes dans les processus métiers, c'est notre différenciateur. ' Avec la sortie de la version P8 de son offre, FileNet annonce une progression de son chiffre d'affaires de 40 % ?" une progression qui fait sans doute rêver les anciennes stars du Nasdaq.Avec le rachat d'Ixos Software, Open Text a achevé, à la fin de l'année dernière, une impressionnante série d'acquisitions. Eloquent, éditeur dans le domaine du marketing et du collaboratif, avait rejoint Open Text en avril 2002, suivi par Centrinity, éditeur en matière de messagerie d'entreprise, en septembre 2002, puis par Corechange, éditeur de portail, en février 2003, et Gauss Interprise, spécialiste de la gestion de contenu web, en août 2003. Ixos Software, spécialiste allemand de la gestion de contenu issu des ERP, a bouclé la série en décembre 2003.
Tous ne peuvent suivre
Les éditeurs venus du monde du web ont tenté de mener de telles stratégies, mais l'éclatement de la bulle internet a freiné leurs velléités de rivaliser avec les acteurs de l'ECM. Divine a dû céder une partie de ses offres de gestion de contenu issues notamment du rachat d'Open Market. Vignette, de son côté, a pu mettre la main sur Epicentric et doter son offre d'une solution portail performante, puis acquérir Intraspect Software, un spécialiste du monde du collaboratif. L'éditeur est ainsi mieux armé pour répondre à un marché qui s'est brusquement retourné : les grands projets web, pré carré traditionnel à l'origine de la renommée de l'éditeur américain, ont cédé le pas aux projets d'intranet où le retour sur investissement est roi. ' Nous avons entamé une vraie "progiciellisation" de notre offre, une approche intégrée de gestion de contenu privilégiant le paramétrage plutôt que les développements à partir de briques de haut niveau, qui permettent la mise en place d'équipes mixtes, experts métiers et informaticiens ', développe François Pichon, directeur marketing pour l'Europe du Sud de Vignette.Pour sa part, BroadVision suit une approche parallèle. C'est ce que souligne Gilles Humbert, directeur marketing et alliances de BroadVision France : ' Quand on regarde l'évolution des portails, on voit que les entreprises nous demandent d'intégrer de plus en plus de fonctions. Du portail fenêtre vers les différents intranets, on est passé à une notion de portail collaboratif, directement intégré au back-office de l'entreprise. '
Le best of breed est toujours présent
Une démarche qui amène tout naturellement cet ancien spécialiste du portail à se pencher sur des problématiques typiquement BPM. BroadVision s'apprête ainsi à dévoiler son projet Kona, annoncé pour mars 2004, une plate-forme de gestion des processus métiers. La plate-forme BroadVision va ainsi s'enrichir prochainement de ce moteur BPM, d'un atelier de création, et de processus prélivrés pour répondre aux besoins les plus courants.Des acteurs comme Tridion misent toujours, quant à eux, sur une approche best of breed (intégration de différents produits les ' meilleurs du marché ', par opposition au tout-intégré). Comme le précise Laurent Péron, directeur marketing : ' Nos clients ne nous demandent pas de tout faire. Il y a une véritable volonté de centraliser le contenu sur des solutions pérennes. Avec le support natif, XML nous permet une réutilisation des contenus, le point fort de notre offre. 'Spécialisé dans les applications orientées services client et commercial, Instranet mise sur l'intégration des contenus avec les processus métiers pour défendre sa position face aux généralistes, mais aussi remettre en cause la notion de référentiel de contenus unique de ceux-ci. ' Je ne connais pas d'application qui arrive à gérer un référentiel unique et à présenter des temps de réponse acceptables pour des applications de type centre d'appels, par exemple ', affirme Jean-Noël Grandval, cofondateur d'Instranet. Jacques Sotty, le p-dg de Dalysco, enfonce le clou : ' Il est déraisonnable de penser qu'une solution unique puisse tout faire. La GED, c'est avant tout du stockage, et elle doit rester en couche basse pour prendre en charge les aspects comptables et légaux du stockage. Plutôt que de nous positionner face aux acteurs de GED, nous préférerons miser sur la facilité d'implémentation de nos solutions et, surtout, sur la cooptation de l'outil gestion de contenu avec une vraie démarche orientée utilisateur. 'Paradoxalement, les acteurs mettent dos à dos les solutions open source et celles de Microsoft. Le géant américain est considéré avec méfiance, voire crainte, mais ces solutions sont encore jugées départementales et les multiples annonces faites autour des versions 2003 des outils de gestion de contenu et de portail ne semblent pas pour l'instant modifier cette perception du marché.
Les petits acteurs, entre le marteau et l'enclume
Les solutions open source sont elles aussi souvent considérées comme des solutions de niche, une acception contre laquelle s'insurge Stéphane Fermigier, président de l'Association française des utilisateurs de Linux (Aful), mais aussi fondateur de Nuxeo, une société qui a développé une offre de gestion de contenu web et de portail collaboratif basée sur la plate-forme open source Zope. ' Le plus connu de nos projets, l'intranet du ministère de l'Intérieur, nous l'avons mené avec Cap Gemini. Un intranet qui compte 85 000 utilisateurs. Prochainement, celui du ministère de la Culture ouvrira ses portes à 15 000 utilisateurs. ' Et Stéphane Fermigier d'assurer : ' Au niveau fonctionnel, nous n'avons aucun problème pour concourir sur des appels d'offres portail face à des Oracle, IBM et BEA, ou sur des projets plus orientés gestion de contenu face à Tridion ou Documentum. La différence ? Des prix qui ne sont pas du tout comparables ! 'Alors que les acteurs traditionnels ont repris la main sur le marché des grandes entreprises et que la concentration du marché a connu son apogée l'année dernière, il reste de nombreux petits acteurs sur le segment inférieur, avec des solutions extrêmement disparates. Pris entre le marteau et l'enclume, ceux-ci vont devoir faire face à des solutions Microsoft qui ont gagné en maturité et des solutions open source capables d'adresser de plus en plus de besoins.
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