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Le déploiement de réseaux fibre jusqu'à l'abonné est le nouveau champ de bataille des opérateurs. Cette révolution fait cependant craindre le retour d'un nouveau Yalta des télécoms, après celui de la téléphonie mobile.
Une guerre de titans a débuté en 2007, année de la généralisation des offres de fibre optique jusqu'à l'abonné. Free investira à cette fin un milliard d'euros d'ici à 2012, et s'est emparé de l'opérateur cité Fibre. Orange déboursera 270 millions d'ici à fin 2008. Neuf Cegetel a racheté Media-fibre à Pau et Erenis à Paris, et va dépenser 300 millions d'euros d'ici à 2009. Plus discrètement, Noos-Numericable investira, de 2006 à 2008, 600 millions d'euros et a déjà raccordé 10 000 immeubles en fibre. Ces déploiements sont plutôt une bonne nouvelle pour les professionnels. Les abonnements à 29,90 euros par mois chez Free et chez Neuf Cegetel sont attractifs pour des débits de 50 Mbit/s symétriques. France Télécom propose 100 Mbit/s en réception et 50 Mbit/s en émission, au tarif plus élevé de 44,90 euros par mois. Un débit similaire à celui proposé par Noos, sauf en émission où ce dernier fait pâle figure avec 1 Mbit/s. ' Contrairement à l'ADSL, la fibre apportera un débit symétrique, un besoin fort chez les PME/TPE. Un architecte vous expliquera qu'il doit aussi envoyer ses plans au plus vite ', affirme Dominique Lancrenon, président de citéfibre chez Illiad (Free). Reste à définir de quelle façon seront servis les professionnels. Free réfléchit à un abonnement différencié. Neuf s'y prépare. ' Nous proposerons une offre spécifique pour TPE/ PME dérivée de notre solution 9pass ', assure François Paulus, directeur général de la division très haut débit chez Neuf Cegetel.
Des risques de monopoles
Mais, au-delà des effets d'annonces et des querelles sur les débits et les prix, se joue l'avenir numérique de la France. ' Il s'agit de passer de la boucle locale cuivre à la boucle locale fibre optique. La barrière à l'entrée que représentent les investissements nécessaires au déploiement des réseaux fibre pourrait ramener notre pays vers un marché des télécoms en situation de monopole ', expliquait le sénateur Pierre Hérisson, lors d'un colloque sur le haut-débit en mars dernier. En effet, le succès tant vanté de l'ADSL en France doit beaucoup à la boucle locale financée dans les années soixante-dix par les abonnés au téléphone, à l'époque où France Télécom était encore publique. Une boucle cuivre présentée comme l'une des meilleures au monde. Avec la fin du monopole, les autorités de régulation ont permis à tous les opérateurs d'utiliser cette infrastructure de qualité.Pour la fibre, tout est à refaire. Et, cette fois-ci, les investissements viendront d'entreprises privées peu soucieuses d'étendre leur couverture au plus grand nombre. Gabrielle Gauthé, membre de l'Arcep, a posé la question lors du colloque sur le haut-débit au Sénat : ' Les opérateurs vont-ils déployer plusieurs réseaux en parallèle au détriment d'une couverture plus large du territoire ? ' L'Arcep voudrait réguler ce déploiement, d'autant que l'opérateur historique semble être dans la position la plus favorable. Plusieurs questions techniques se posent à Gabrielle Gauthé : ' Comment garantir l'accès aux fourreaux [les conduits techniques souterrains, Ndlr] à tous les opérateurs ? Est-ce faisable ? Dans les immeubles, nous doutons qu'il puisse exister plusieurs réseaux : il y a un grand risque de préemption par le premier opérateur présent. Enfin, les différentes technologies facilitent plus ou moins le dégroupage. ' Free, par exemple, parie sur l'Ethernet actif jusqu'à l'abonné. Il utilise pour cela des commutateurs Ethernet et associe à chaque fibre un port Ethernet dédié à chaque abonné ou immeuble, ce qui rend assez facile le brassage d'une fibre tiers du n?"ud de raccordement jusqu'à l'abonné. FT mise sur le GPON (Gigabit Passive Optical Network), technologie où la bande passante d'une fibre est divisée au moyen d'un splitter, un équipement passif, pour distribuer le débit entre 32, 64 ou 128 fibres allant jusqu'aux abonnés. Neuf Cegetel, lui, devrait utiliser les deux technologies. France Télécom propose à ses concurrents de dégrouper son réseau GPON au pied de l'immeuble. Mais, ainsi, les opérateurs tiers ne pourront pas contrôler l'infrastructure physique de bout en bout, d'où de possibles problèmes de QoS. Noos est plus conciliant. Son directeur technique, Jean-Pierre Sother, se dit prêt à dégrouper son réseau GPON au pied de l'immeuble, à partir des splitters optiques, ou même de bout en bout en proposant aux opérateurs tiers d'installer leurs propres équipements optiques dans les n?"uds de raccordement. Hormis les problèmes techniques, le montant des investissements nécessaires au déploiement de ces réseaux pourrait inciter les opérateurs à se partager des réseaux ou des zones.Un futur Yalta de la fibre est-il en préparation ? Les opérateurs reconnaissent qu'ils vont devoir travailler ensemble, surtout en province. ' À Paris, les égoûts facilitent la pose de la fibre optique. Mais, en province, les difficultés techniques et les coûts sont sans comparaison ', nous explique Dominique Lancrenon. On verrait donc une saine concurrence à Paris, et une situation moins glorieuse en province, à l'image de l'ADSL aujourd'hui où les offres dégroupées de haut-débit (supérieures à 512 kbit/s) sont uniquement disponibles dans les zones à densité de population élevée. ' Les collectivités peuvent au minimum imposer le partage des infrastructures. Il faut construire des partenariats public-privé ', insiste Gabrielle Gauthé. N'oublions pas que 70 % des nouveaux répartiteurs ADSL dégroupés au troisième trimestre 2006 l'ont été grâce à des réseaux d'initiative publique.
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