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Le Web 2.0 s'oppose au client lourd Microsoft Vista-Office 2007. Avec Google Apps, toute votre messagerie et votre bureautique seront hébergées sur les cinq cent mille serveurs de Google. Un pari osé pour déstabiliser un Microsoft triomphant sur le poste de travail.
A peine les coupes de champagne rangées suite au lancement d'Office 2007, un nouveau concurrent vient s'attaquer à la vache à lait de Microsoft. Google Apps déboule comme l'offre en rupture avec le modèle Windows-Office. À la différence de Sun Microsystems, qui a tenté une concurrence frontale en rachetant la suite bureautique StarOffice, Google mise sur la vague Web 2.0 pour imposer une alternative à la firme de Redmond.Google Apps réunit le service de messagerie en ligne Gmail porté à 10 Go par utilisateur, Google Talk, Google Agenda, Google Page Creator pour la création de pages web, mais aussi les outils de bureautique Ajax Docs et Spreadsheets. L'américain a procédé à plusieurs rachats pour mettre en place cette offre : il s'est emparé, en 2005, de 2web, qui lui permet de lancer son tableur Spreadsheets, et, en 2006, d'Upstartle, l'éditeur du traitement de texte en ligne Writely, puis d'iRows pour étendre Spreadsheets. Des acquisitions qui en annoncent d'autres, la bureautique signée Google s'avérant encore bien primaire face à la débauche fonctionnelle d'Office 2007. Roberto Solimene, directeur de Google Enterprise Europe, défend son positionnement : ' 90 % des employés n'utilisent que 5 % d'Office. C'est à eux que nous allons proposer Google Apps for Enterprise, une vraie suite collaborative hébergée chez Google. '
Casser le coût de la boîte aux lettres
Une version de Google Apps a été lancée pour les PME et les universités en août 2006 sous le nom de Google Apps pour votre domaine. Celle-ci est gratuite car financée par la publicité. Une autre version, sans publicité et aux capacités de stockage élargies, destinée aux grands comptes, est en test, y compris en France. Google Apps for Enterprise sera commercialisée à partir de février 2007. ' Nous visons des déploiements sur plusieurs dizaines de milliers de postes en entreprise, précise Roberto Solimene. Les économies peuvent atteindre plusieurs millions d'euros concernant les licences pour Office, Lotus Notes ou Exchange, les antivirus, les serveurs, la maintenance des clients lourds, etc. Notre offre sera facturée à un tarif agressif, de l'ordre du dixième du coût d'une boîte aux lettres sous Exchange. 'Dans ce cas, on estime que le coût de déploiement d'une boîte aux lettres sera au final, c'est-à-dire coûts d'intégration et de conduite du changement inclus, divisé d'un facteur allant de quatre à cinq (une boîte aux lettres sous Lotus Notes ou Microsoft Exchange revient de 150 à 200 $ par an). Cette réduction drastique rend possible l'ouverture de boîtes aux lettres sur des terminaux en libre service pour les cols bleus qui n'en disposent pas encore.Les DSI français sont partagés sur l'accueil à réserver à cette solution. Beaucoup sont intéressés par l'approche de Google, à l'image de Claude Lambey, directeur du département Technologies de l'information et de la communication de la ville de Besançon : ' L'arrivée de Vista-Office va être l'occasion, pour beaucoup de directions informatiques, de réfléchir aux alternatives avant de se lancer dans l'acquisition de la nouvelle solution de Microsoft, explique-t-il. On peut rêver d'un PC allégé sur lequel il n'y aurait plus qu'un navigateur, aucun disque, et uniquement de la mémoire pour implanter les logiciels de base. Pour l'utilisateur, c'est plus simple. Et pour le gestionnaire informatique, c'est une économie en termes de coût de gestion. 'Yves Caseau, DSI de Bouygues Telecom, ajoute :' Le positionnement de Google Apps ?" comment mieux collaborer avec des outils plus simples ?" est intéressant. L'exemple de Writely est instructif. Il s'agit d'un traitement de texte simplifié, mais les fonctions de partage de documents sont puissantes et faciles à utiliser, en particulier grâce au mode d'hébergement. 'D'autres se montrent beaucoup plus réticents à voir leurs documents internes hébergés à l'extérieur, qui plus est aux États-Unis. Google souligne la sécurisation de ses serveurs et le recours au protocole HTTPS pour sécuriser les échanges avec sa plate-forme. En outre, l'américain s'est montré jusqu'à présent pointilleux sur l'accès à ses données internes, comme l'illustre le bras de fer qui l'oppose au ministre américain de la Justice, Alberto Gonzales.
Une fin de non-recevoir
Ce dernier a saisi le tribunal de San Jose afin que Google lui remettre les requêtes effectuées par les internautes en juin et juillet 2005, ainsi que les adresses des sites référencés par le moteur sur cette période. Le ministre a essuyé une fin de non-recevoir de la part de Google.Yves Caseau poursuit sa réflexion : ' Une fois les freins de la sécurité et de la qualité de service levés, l'utilisation de solutions hébergées est tout à fait envisageable, même s'il est difficile de répondre de façon générale. Je suppose que Google Apps, pertinent pour les petites entreprises, les indépendants et les professions libérales, est aussi adapté aux entreprises multisites. Un déploiement sélectif est envisageable, mais seulement pour quelques entreprises et pour un faible nombre de collaborateurs, à l'heure de la collaboration sous IP. Les entreprises recherchent aujourd'hui l'intégration au système d'information, le nomadisme et la mobilité, mais aussi l'excellence dans la production et le partage d'information. Et ces différents points s'associent mal avec l'approche d'une suite bureautique simple et hébergée. ' Le succès de l'externalisation et du site Salesforce.com semble prouver que les entreprises sont prêtes à voir leurs données gérées par un tiers. On pourrait toutefois imaginer que Google propose Google Apps embarqué dans un serveur, à l'image de ce qu'il a fait avec son moteur de recherche et les Google Search Appliance. Laurent Lasserre, directeur commercial en France de Google Enterprise, est clair sur ce point : ' Il n'y aura pas d'appliance Google Apps. Nous proposons une solution Web 2.0 et nous nous y tenons. En revanche, nous prenons avec nos clients un engagement en termes de sécurité des données. '
Pas de quoi déstabiliser Microsoft pour l'instant
Google fait donc le pari d'une solution software as a service pure, en vraie rupture avec les habitudes. Ce qui devrait lui barrer la route d'un certain nombre de sociétés. ' Nous envisageons une bascule progressive des entreprises au Web 2.0 à l'horizon 2008-2010 ', ajoute Roberto Solimene. Générant près de 12 milliards de dollars en 2006, la gamme Information Worker de Microsoft, qui inclut Office et SharePoint, suscite bien des convoitises. Avec son service Suitetwo.com, Intel semble préparer, lui aussi, un service en ligne (incluant blogging, wiki et flux RSS), mais rien d'équivalent pour l'instant à l'offre de Google, qui apparaît comme la plus mature face à l'écosystème Microsoft, même si l'interface n'a pas encore été francisée. Mais Google pourra-t-il briser le système du géant du logiciel ? Si, en termes de coût, Google Apps est une proposition séduisante, répond-elle vraiment à la demande des DSI ? Une étude menée par Forrester Research auprès de cent dix-huit dirigeants montre que 54 % d'entre eux privilégient l'innovation afin d'améliorer la productivité des individus plutôt que d'abaisser les coûts de licence (24 %). De fait, seuls 5 % d'entre eux recherchent activement une alternative à Office. De quoi rassurer Microsoft pour le lancement de la version 2007.
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