La radio, ancêtre de Facebook
Vincent Berdot, grand reporterL'exposition temporaire du musée des Arts et métiers “ Ouvrez grand vos oreilles ” agit comme un révélateur. En l'espace de soixante ans, la radio a développé les mêmes adjuvants libérateurs au sein de la société que les médias sociaux en quelques années. En 1921, les premiers postes de TSF désenclavent les régions les plus reculées. C'est une véritable révolution. Car en plus d'introduire un liant social, la radio porte déjà l'idée d'un média personnalisé. “ On ne s'adresse pas aux auditeurs, mais à un auditeur ”, lit-on sur les murs de l'exposition. Dans un premier temps, ce sur-mesure s'exprime dans des programmes ciblant des catégories socioprofessionnelles. Quarante ans plus tard, en 1967, la parole est donnée pour la première fois aux auditeurs et à leurs états d'âme. Au même moment, les jeunes découvrent leur propre émission : Salut les copains. L'ouverture au monde, le partage intergénérationnel, la personnification du message, l'accélération du temps, la réduction des distances, l'esprit de communauté… Tous ces schémas ont été reproduits et amplifiés par les réseaux sociaux. Mais leur similitude avec la radio ne se limite pas au seul lien social. Au cours de l'histoire, le parallèle est aussi devenu criant lors de conflits armés ou de révolutions, tels Radio Londres lors de la Seconde Guerre mondiale, comparé à Facebook et Twitter au cours du Printemps arabe, qui ont bousculé les fondements de l'ordre établi. Ensuite, de grandes figures de résistance ont émergé : Charles de Gaulle en 1940, et de nombreux blogueurs arabes, en 2011. Enfin, parce qu'ils relatent des événements en direct et se prêtent à une consommation mobile, les deux médias ont permis pour la première fois aux révoltés d'orienter leurs actions et de coordonner leur mouvement. Que l'action se situe place de la Casbah à Tunis, ou sur les barricades du Quartier latin en 1968, où rappelons-le, les transistors portables étaient aussi précieux que les pavés !
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