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L'Agence nationale de la recherche veut favoriser les partenariats public-privé. Un fonctionnement plutôt adapté aux TIC, mais qui suscite la méfiance des chercheurs, les grandes institutions perdant de leur autonomie.
Les faits
L'Agence nationale de la recherche (ANR) a organisé du 5 au 7 novembre le Grand Colloque STIC 2007. L'occasion de présenter les premiers résultats des projets lancés depuis sa création en 2005. L'ANR a également fait ses propositions de programmation dans les STIC (sciences et TIC) pour la période 2008-2010. Elle en a profité pour réorganiser ses programmes, qui passent de huit à cinq.
L'analyse
' La recherche industrielle est insuffisante en France, et dans le domaine des sciences et TIC (STIC), c'est encore plus criant. C'est pourquoi il y autant de mesures d'aide ', constate Bertrand Braunschweig, responsable de programmes à l'Agence nationale de la recherche (ANR). De création relativement récente (février 2005), l'ANR est censée combler ce manque. Elle finance des recherches sur la base d'appels à projets, qui sont mis en concurrence, faisant intervenir des partenaires publics et ?" ce que recommande l'ANR ?" privés. Entrent en compte la pertinence scientifique du projet, mais aussi son impact économique. A la différence des recherches financées par les grandes institutions (CNRS, Inria, etc.), la recherche sur projet prive les scientifiques du choix de leur sujet : c'est désormais l'Etat qui pilote les recherches. Ce qui n'est pas sans susciter des grincements dans la communauté scientifique.L'une des priorités de l'ANR était ' de donner des coups d'accélérateur à certaines thématiques émergentes ou identifiées comme prioritaires par la communauté scientifique, et insuffisamment financées car souvent multi-disciplinaires et, donc, trop éloignées du c?"ur de métier de certains organismes ', déclarait au nom de Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ?" excusée ce jour-là ?", Philippe Gillet, son directeur de cabinet, lors de l'ouverture du colloque STIC 2007. Et de citer l'exemple du projet Solipsis, un monde virtuel public fonctionnant en peer-to-peer sans serveur central, qui fait intervenir des informaticiens de l'Irisa et des chercheurs en sociologie des communautés de l'Université de Rennes 2. La plupart des Etats disposent de telles agences, comme la NSF américaine. Avec l'ANR, c'est donc le modèle de la recherche française, avec ses grands organismes indépendants, qui est remis en cause.Comme le reconnaît Gérard Roucairol, directeur scientifique de Bull, ' l'Etat est en droit de demander des comptes, même en recherche fondamentale '. Valérie Pécresse ne dit pas autre chose : ' L'ANR représente une partie de l'effort supplémentaire consacré à la recherche depuis 2005, et les pouvoirs publics ont toute légitimité ?" c'est même leur rôle ?" pour donner un cadre dans lequel ils souhaitent voir utilisés tout ou partie des moyens supplémentaires accordés. ' De fait, parallèlement à l'ANR, a été créée l'Aeres (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur), chargée d'évaluer les organismes de recherche, ANR y compris.
Une enveloppe de 100 M d'euros pour les appels à projets
Dans le domaine des STIC, l'ANR tient un rôle s'approchant des réseaux (RNTL, RNRT, etc.), qui fonctionnaient aussi sur le principe d'appels à projets. Ces réseaux ont intégré de facto l'ANR : ils se contentent de faire le lien entre les industriels et l'ANR, mais ils n'ont plus la maîtrise des appels à projets, ni de leur sélection. Pour 2007, l'ANR disposait d'un budget total de 955 M d'euros. Elle dispose d'une enveloppe annuelle d'une centaine de millions d'euros pour les différents programmes STIC, auxquels s'ajoutent une dizaine de millions d'euros pour les programmes ' blancs ', qui sont à l'initiative des scientifiques et ne relèvent pas d'un thème préconisé par l'agence. Le montant typique alloué à un projet va de 400 K d'euros à 2 M d'euros par an, pour une durée de trois ans. Dans les STIC, environ 25 % des aides vont aux entreprises et 75 % aux organismes de recherche, ce qui correspond aux objectifs de l'ANR. Pour les autres secteurs, les entreprises touchent 18 % des aides. Lesquelles financent 100 % des coûts marginaux des institutions académiques (le salaire des personnels non permanents, les frais d'achats d'équipements spécifiques au projet, mais pas les salaires des personnels permanents). Pour les industriels, l'enveloppe est comprise entre 30 % et 60 % du budget du projet, les PME bénéficiant de la fourchette haute.Si les recherches soutenues peuvent être fondamentales (10 ans en amont d'une application), industrielles (4 ans avant application), voire précompétitives (2 ans avant commercialisation d'un produit), elles suivent une programmation établie par l'ANR, prévue pour trois ans : ' Nous avons eu une démarche " bottom up ", à partir d'un groupe d'experts issus des institutions comme le CEA, le CNRS, l'Inria, la DGA, mais aussi d'entreprises comme Bull, Alcatel-Lucent, Thomson ', insiste Gérard Roucairol, par ailleurs président du comité sectoriel, en charge de l'élaboration de la programmation STIC à l'ANR. La version 2008 fait passer de huit à cinq le nombre de programmes. ' C'est une question de cohérence. Dans la programmation précédente, il y avait quelques redondances ', explique Bertrand Braunschweig. Figure en particulier un nouveau programme, Domaines émergents, consacré à la recherche fondamentale, dont les intervenants seront essentiellement les organismes institutionnels. Cette programmation 2008 se traduira concrètement par le lancement des appels à projets (AAP) fin 2007, début 2008. Entreprises et institutions auront alors trois mois pour y répondre. Les comités d'évaluation, constitués d'un rapporteur entouré d'experts, se chargent d'étudier les projets. Ils transmettent leur analyse aux comités de pilotage, comprenant des représentants de l'Etat, qui prennent en compte l'aspect stratégique des projets pour opérer leur classement. Ces comités de pilotage prennent, par exemple, en compte le fait qu'un projet provienne d'un pôle de compétitivité, un pôle pouvant apposer un label sur les projets. Dans les STIC, c'est environ 30 % des projets qui sont acceptés. Ainsi, en 2007, sur 400 projets déposés, environ 130 ont été retenus.
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