La robotique d'aide aux personnes dépendantes, une filière à développer en France

Entretien avec Gérard Giraudon, directeur du centre de recherche de l'Inria Sophia Antipolis-Méditerranée. Il considère que la France à une carte à jouer, notamment face aux Japonais, dans le domaine de la robotique de service aux personnes dépendantes.

Cette année, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans a dépassé 1 million en France. Selon les chiffres avancés par l’Insee, ce nombre atteindra 2 millions dans dix ans et 4 millions en 2040. Un véritable phénomène de société, qui va mécaniquement faire exploser le marché de la dépendance… et les coûts pour la Sécurité sociale. La robotique apparaît comme l’un des moyens qui va permettre aux personnes dépendantes de rester à domicile et d'accroître l’efficacité des hôpitaux et des maisons de retraite. Les Japonais ont dévoilé de multiples projets en ce sens, mais la France pourrait, elle aussi, tirer son épingle du jeu dans cette ruée vers l’« or gris ».
Objectif : créer un écosystème
Gérard Giraudon, directeur de l’Inria à Sophia-Antipolis, y croit. Il gère plusieurs équipes de recherche, notamment sur l’aide à la personne. « Compte tenu de notre écosystème et de nos forces, nous avons choisi de nous concentrer sur l’assistance à la personne. Nous poussons les recherches autour de cet axe, en tenant compte d'un aspect système. Il nous faut rassembler les compétences de plusieurs équipes et celles de plusieurs partenaires, il faut faire ça avec le corps médical, mais pas seulement. » Habitué à travailler avec des industriels tels que Thales Alenia Space ou Thales Underwater sur ses autres projets, l’Inria cherche à créer un écosystème dans ce nouveau domaine de la robotique. « Il y a quelques petites entreprises dans la région, mais cela reste difficile, reconnaît Gérard Giraudon. Nous avons monté un laboratoire commun avec une grosse PME de 130 personnes, MXM, un des leaders mondiaux d’implants cochléens. »
Des équipes qui travaillent sur plusieurs axes

« Nous avons beaucoup de travaux autour de l’aspect modélisation pour la médecine : imagerie médicale, neurosciences… Nous avons l’équipe Demar [déambulation et mouvement artificiel] à Montpellier, qui travaille depuis 2003 sur l’aide à la marche après des lésions médullaires. Ce groupe, très précurseur, a connu de grands succès. Nous avons aussi une démarche de maintien à domicile au travers de l’aspect réseau. Concernant la robotique, nous travaillons notamment sur les robots parallèles ou les robots à câbles, qui vont pouvoir aider les gens à se lever et déplacer les personnes en difficulté. »
Une approche qui tranche radicalement avec celle des chercheurs et des industriels japonais, qui misent, eux, sur des robots anthropomorphes ou même sous forme d’animaux afin d'assister les personnes âgées. « Pour répondre à ce problème, il y a plusieurs solutions possibles. Le choix dépendra de leur prix. Est-ce que tout le monde pourra s’offrir un robot à 150 000 euros ? »
Monique Thonnat, directrice scientifique, ajoute : « Ces robots seront réservés à très peu de personnes. Notre philosophie de travail, c’est d'être à l’écoute des besoins des personnes âgées tout en étant proche des industriels afin de proposer des solutions dont les coûts ne seront pas hors de propos. Prenons l’exemple du déambulateur intelligent. Nous avons adopté une approche système et, pour l'équiper à moindre coût, nous avons détourné un objet usuel au lieu de fournir un objet extérieur, qui aurait pu être difficile à appréhender par une personne âgée », conclut le chercheur.
Votre opinion