La Seine-Saint-Denis est le paradis français des datacenters

Le 93 dispose de bons atouts pour attirer les datacenters : facile d'accès, prix des terrains raisonnables, bon approvisionnement en électricité. Résultat : Saint-Denis, Pantin et Auberviliers hébergent une vingtaine de centres sur les 130 nationaux.
Les « data centers » fleurissent en Seine-Saint-Denis, devenue en peu d'années le centre névralgique du stockage numérique dans l'Hexagone. Ces « fermes de données » ont trouvé sur les terrains en friches de la banlieue populaire de Paris un terreau favorable à leur développement.
Dans ces « fermes »-là, pas de bovins ni de volailles mais des milliers de serveurs, dotés de capacités de stockage gigantesque, où sont conservés les milliards de mails, photos, recherches de voyages et autres vidéos que nous enregistrons chaque jour sur internet et où les entreprises stockent leurs données internes. « Ces dernières années, des sommes colossales ont été investies dans le secteur, de l'ordre de un à deux milliards d'euros », constate Florian Du Boys, directeur général de Zayo France, fournisseur d'infrastructures de fibre optique. « Comme il y a de plus en plus de données, il y a de plus en plus besoin d'espace ».
Au coeur du phénomène: la Seine-Saint-Denis, département populaire situé au nord de Paris. Et notamment trois villes de la petite couronne, considérées comme le « triangle d'or » du stockage de données: Saint-Denis, Pantin et Auberviliers, qui accueillent une vingtaine d'établissements sur les 130 recensés en France. Selon le site Data Center Map, l’Hexagone se classe au quatrième rang des pays en nombre de centres de données derrière les Etats-Unis (1267), le Royaume-Uni (210) et l’Allemagne (167).
De gros clients : Facebook, Google et des banques
« Beaucoup d'établissements sont aujourd'hui implantés sur ce secteur. Cette concentration est en train de faire de la Seine-Saint-Denis un +hub numérique+ », insiste Fabien Gautier, directeur marketing d'Equinix, l'un des principaux acteurs mondiaux de l'Internet. En mai 2012, le groupe américain a inauguré un bâtiment de 12.000 mètres carrés, pour un coût de 160 millions d'euros, sur l'ancien centre de tri postal de Pantin. Un site relié par « fibre noire » à l'autre grand centre d'Equinix, basé à Saint-Denis, neuf kilomètres plus loin.
« Nos clients peuvent stocker leurs données sur les deux sites à la fois », explique Fabien Gautier, en désignant derrière lui les colonnes de serveurs protégées par des cages métalliques, où clignotent des dizaines d'électrodes vertes et bleues. Parmi les « clients » de ce « bunker » hypersécurisé: les géants du web comme Google ou Facebook, mais aussi des banques et assurances, des sites de e-commerce ou bien des sociétés de jeux en ligne. Tous ont choisi d'héberger leurs données aux portes de Paris.
Facile d'accès depuis la capitale, le « 93 » dispose de vastes terrains, relativement abordables, mais aussi d'un réseau étoffé de lignes ferroviaires, d'axes routiers et de canaux, indispensables pour enfouir les câbles de fibre optique sans avoir à faire de gros travaux. « En Seine-Saint-Denis, il y a de l'espace et le foncier n'est pas très cher. Ce sont de grosses structures et il faut de la place », résume Thomas Neveux, analyste chez Clipperton Finance, société spécialisée dans les hautes-technologies. « C'est aussi une zone qui n'est pas inondable, une condition essentielle », fait-il valoir.
Des installations gourmandes en énergie
Pour les centres de données, le principal avantage du 93 tient cependant à son approvisionnement en électricité, héritage du passé industriel du département. « Les data centers sont gourmands en énergie. Or la Seine-Saint-Denis bénéficie d'une très bonne alimentation électrique », souligne Florian Du Boys. Ce regroupement de data centers, qui au final ne créent que peu d'emplois, n'est pas sans conséquences pour le département. Énergivores car ils doivent être réfrigérés pour ne pas dépasser les 60°C, les centres de données consomment en moyenne 30 mégawatts, soit l'équivalent d'une ville de 25.000 habitants.
Du côté des élus, on regarde néanmoins avec bienveillance l'arrivée de ces géants de l'internet. « L'emploi direct n'est pas très important. Mais les data centers entraînent beaucoup d'emploi indirect, car de nombreuses entreprises veulent s'installer à proximité », souligne Didier Paillard, maire PCF de Saint-Denis et vice-président de Plaine Commune en charge du développement économique.
En 2012, une formation spécifique a été créée à l'IUT de Villetaneuse (Paris XIII). Une façon d'offrir des débouchés d'ouvriers qualifiés aux jeunes du département, dans un territoire marqué par un taux de chômage élevé.
« En général, les datas centers sont bien accueillis là où ils s'implantent », assure Thomas Neveux, qui prédit une accélération de ces installations. « C'est de la technologie hightech, c'est l'avenir et c'est pérenne ».