Le manque de candidats et la difficulté à embaucher des employés étrangers n'est pas un problème nouveau dans la Silicon Valley. Mais les ambitions de la Communauté européenne en matière d'embauche de travailleurs
étrangers hautement qualifiés pourraient entraîner une véritable pénurie.Résultat, la réponse du lobby high-tech américain ne s'est pas fait attendre après que la Communauté européenne ait annoncé, le 23 octobre dernier, son intention de créer un programme ' Carte
bleue ' pour faciliter le recrutement de scientifiques et d'ingénieurs étrangers hautement qualifiés. D'autant plus que
la France se lancerait d'ores et déjà dans des opérations ' d'immigration choisie '.
' La Communauté européenne va attirer les meilleurs et les plus intelligents des travailleurs si les Etats-Unis continuent à créer de nouveaux obstacles à l'embauche de ces personnes très
prisées ', a immédiatement réagi Ralph Hellmann, le vice-président de l'Information Technology Industry Council (ITIC), un organisme basé à Washington qui regroupe la fine fleur des compagnies high-tech américaines. Selon News.com,
les parlementaires américains songeraient ainsi à augmenter les frais des entreprises souhaitant faire appel aux visas de travail, dits H1-B. Pour l'instant, leur nombre est limité à 65 000 par an, un quota qui est épuisé en une seule
journée lorsque les inscriptions sont ouvertes.
Entrepreneurs inquiets pour l'innovation américaine
Dans la Silicon Valley, l'inquiétude est palpable. Après une carrière au sein de Sun et d'Interwoven, entre autres, Jack Jia a récemment lancé Baynote, une société qui développe une technologie de recommandation de produits sur
Internet basée à Cupertino.
' La politique d'immigration des Etats-Unis est nuisible à l'industrie high-tech, affirme-t-il.
Après les attentats du 11 septembre 2001, on a vu la disponibilité de
travailleurs étrangers chuter de moitié. En plus, l'éclatement de la bulle a fait fuir les étudiants des écoles d'ingénieurs. 'Jack Jia avance un troisième facteur pour expliquer la pénurie de main d'?"uvre étrangère dans son secteur.
' Les étudiants étrangers voulaient rester travailler aux Etats-Unis, mais maintenant leurs pays,
comme l'Inde et la Chine, offrent des possibilités d'emploi intéressantes. ' On estime que, dans les écoles américaines d'ingénieurs électriques et électroniques, 51 % de ceux qui reçoivent un master et
71 % de ceux qui obtiennent un doctorat sont étrangers.
' Ici, 30 % des postes en high-tech ne sont pas pourvus. C'est vrai pour Google, Yahoo! ou eBay. Tous mes collègues ont ce problème, ajoute Jack Jia.
Si on ne renverse pas la tendance,
cela pourrait être fatal à l'innovation américaine. 'Politique d'immigration inadaptée aux besoins des start-up
Jaideep Singh, le fondateur du
controversé moteur de recherche Spock, est d'origine indienne, comme beaucoup d'entrepreneurs de la Silicon
Valley. Arrivé aux Etats-Unis avec un visa étudiant, il a ensuite travaillé avec un visa de
permanent resident (la fameuse carte verte) avant de recevoir la citoyenneté américaine.
' C'était plus facile
dans les années 90. Maintenant, le processus [pour faire venir un travailleur étranger, NDLR]
prend six mois. Mais une start-up a besoin de gens immédiatement. 'Cela fait plus de deux mois que Spock a sept postes à pourvoir.
' Nous avons eu beaucoup de candidatures d'Inde, de France, d'Allemagne. Mais je ne peux pas embaucher ces gens, cela prendrait trop de
temps ', explique Jaideep Singh. Lorsqu'il travaillait pour Wind River, la société avait embauché des ingénieurs à Vannes.
' On les faisait venir un ou deux ans aux Etats-Unis pour les former, puis ils
retournaient en France. C'est plus difficile de faire cela maintenant. ' Il applaudit la décision de l'Europe.
' C'est malin de leur part. '
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