La Silicon Valley vieillit mal
Yann Serra, grand reporterLa silicon Valley est en petite forme. Ça ne va pas. Le temps est plus gris qu'à Paris, la faute au réchauffement climatique, se lamente un ingénieur. La 101, l'autoroute qui interconnecte tous les centres névralgiques de la Valley, atteint son niveau critique d'embouteillages. Du coup, ce n'est plus aussi drôle d'aller travailler, soupire ce directeur marketing. A la télé, Fox News ? la chaîne nationale d'information en laquelle les Américains ont le plus confiance ? déclenche toutes les passions avec son nouveau show ultraconservateur : trois ennemis ? les Russes, qui sont en fait toujours communistes, les islamistes, qui sont les habitants du Moyen-Orient, et les Chinois qui sont 1,2 milliard ? ont un plan pour devenir les nouveaux maîtres du monde ! La Silicon Valley a peur. Elle qui arborait depuis trente ans un sourire carnassier à croquer la planète, se sent subitement impuissante, dépassée, ringarde. Ces symptômes ont tous le même mal : la Valley perd ses forces. Les immigrés, qui créaient il y a encore peu plus de la moitié des start up, rentrent aujourd'hui au pays. Avec la ferme idée que c'est désormais chez eux qu'ils trouveront de meilleures opportunités. Les plus actifs, les Indiens, sont même les premiers à partir. Pourquoi ? Parce que la masse salariale nécessaire pour développer leur innovation est moins chère ailleurs, bien sûr. Mais ce n'est pas tout. Malgré toutes les paillettes qu'ils mettent dans leurs arguments de vente, les fournisseurs californiens semblent démunis face au cloud. La Silicon Valley, empire de la technique, a mis au point les processeurs, les ordinateurs, les systèmes d'exploitation, les réseaux. Mais elle n'a plus rien d'original à proposer à des entreprises qui ne veulent plus acheter que du service, de l'usage, du zéro matériel. Il y a bien eu Google et Facebook. Mais, à San Francisco, on ne pense pas qu'on pourra aller bien plus loin. La Silicon Valley est vieille, maintenant.
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