Bernard Molland est expert en gouvernance opérationnelle du système d'information. Il explique pourquoi la création de la direction interministérielle des systèmes de communication et d'information de l'Etat va dans le bon sens.Nous avons tous à l'esprit des cas où la direction financière a “ signé ” un contrat de licence pour un ERP ou un système d'aide à la décision, sans avoir pris soin d'évaluer l'existence même des infrastructures informatiques qui supporteront ces nouveaux systèmes. Devant les difficultés d'intégrer leurs serveurs dans les centres de production de la DSI et de déployer le réseau pertinent pour supporter les trafics induits, ces nouveaux outils sont alors externalisés dans l'urgence, complexifiant d'autant leur intégration ultérieure dans le système d'information de l'entreprise. Cette complexité peut d'ailleurs s'accroître dans le temps, lorsque d'autres métiers en feront de même : la direction des ressources humaines dans le cadre de son propre SIRH, la direction des opérations, soucieuse de sécurité, qui adhérera à son tour à un système de gestion des accès aux différentes applications du système d'information… sans qu'à aucun moment ne soient pris en compte le service aux usagers ni les besoins d'intégration de tous ces systèmes !
Le risque d'absence de gouvernance
Ces décisions expriment souvent l'incapacité d'un management à intégrer les systèmes informatiques des business units au sein d'une même offre de services, proche des métiers et pilotée par une équipe responsable d'assumer leur interopérabilité et soucieuse d'accroître leur productivité pour en réduire les coûts. Ces exemples illustrent aussi l'absence d'une gouvernance qui formalise le rôle et les responsabilités de tous les acteurs et qui impose à la direction informatique de l'entreprise d'être attentive au besoin des métiers, de les aider à formaliser leurs budgets et à les transmettre à la direction générale pour consolidation, validation et décision d'investissement. Lorsqu'une telle autorité existe, aucun patron métier ne décide seul d'un projet informatique.Ce point est d'autant plus vrai en matière d'applications transverses utilisées par toutes les business units, tels les budgets, la comptabilité, la consolidation financière, la gestion des ressources humaines, etc. Autant de raisons expliquant pourquoi il est important de s'appuyer sur une direction centrale, crédible et compétente, du système d'information, dotée des ressources nécessaires pour assumer sa mission de pilotage et accompagner l'ensemble des métiers de l'entreprise afin qu'ils réussissent leur propre transformation. Si cette direction dispose des talents nécessaires, elle aura la capacité d'aider le management dans sa prise de décision. Cela s'applique aussi bien aux grandes entreprises qu'à l'administration. Et ces signatures qui l'engagent sans que personne n'en soit tenu pour responsable disparaîtront alors !Mettre en place, en France, une politique numérique
Comme le recommande le rapport Attali, il devient urgent que l'administration se dote d'une structure technique de confiance composée de véritables professionnels afin d'assumer, au nom de l'Etat, le pilotage de son système d'information, hors de ses corps administratifs et des lobbies des acteurs économiques. La décision de créer la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'Etat va dans le bon sens. Nous en avons fait la recommandation dès juillet 2007 ! Encore va-t-il falloir lui donner les moyens d'agir, et lui adjoindre les talents nécessaires pour assumer une réelle gouvernance, recruter et animer une équipe d'experts techniques, de façon à créer une vision qui mobilise les acteurs, à gérer les professionnels de ce métier, à piloter les budgets et les investissements informatiques de l'Etat, ainsi que pour mettre en place une politique numérique digne de ce nom en France. Nous devons savoir saisir les opportunités offertes par la montée en puissance des nouveaux modèles qui influencent l'industrie informatique en termes de fourniture d'énergie informatique et de logiciels ouverts. Construisons l'écosystème qui encourage nos ingénieurs à créer et à s'investir en France.Avec des talents de confiance, le gouvernement pourra alors piloter le système d'information de l'Etat et décider pour ses investissements stratégiques avec plus de sérénité. Au moins, il saura qui va devoir assumer.
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