Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
La vidéoprotection trouve une seconde jeunesse en s'appuyant sur les infrastructures IP qui en réduisent les coûts d'exploitation. Témoignages de collectivités locales et d'entreprises qui innovent dans le domaine.
Même si la vidéosurveillance fait toujours débat sur les plans juridique et sociétal, son usage s'étend. En particulier parce qu'elle se greffe de plus en plus sur des infrastructures réseaux voix-données-images au lieu des traditionnels réseaux dédiés ou spécifiques, plus limités en termes de fonctionnalités. Cette tendance s'observe chez les collectivités, qui déploient des systèmes de vidéoprotection sur la voie publique, et dans les entreprises dont les activités requièrent la sécurisation des sites au moyen de la télésurveillance, tels les casinos, les hôtels ou les exploitants de tunnels routiers ou ferroviaires. L'administration d'un unique réseau se justifie sur le plan technique (les flux étant dans ce cas véhiculés sur une même infrastructure) comme sur le plan économique (la gestion d'un seul réseau étant plus rationnelle).
Un système unifié qui repose sur un réseau Wi-Fi
Le cas de la commune de Villeneuve-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine, est caractéristique de cette mutation. Initialement, cette ville possédait deux réseaux distincts : l'un pour la vidéoprotection, reposant sur des fibres optiques dédiées, et l'autre pour les flux de données entre ses différents sites (police municipale, écoles, crèches, centres techniques…), sur des liaisons en cuivre classiques. En 2010, la ville confie à Orange la réalisation d'un système unifié dont la particularité est l'utilisation du réseau Wi-Fi sur la partie terminale afin de relier à distance 34 caméras dispersées sur la voie publique. Techniquement, il s'agit d'un réseau en étoile en fibre qui alimente des points d'accès Wi-Fi sur lesquels sont raccordés divers équipements.Le recours à ce réseau sans fil présente un solide atout : il évite les travaux de voirie pour installer les câbles desservant les caméras et permet de modifier aisément l'implantation des caméras en fonction des zones à surveiller. Les images vidéo captées sont chiffrées pour être transmises en temps réel au centre de supervision communal, où elles s'affichent simultanément sur un mur d'images.
Un budget télécoms réduit de 30 %
En termes de coût, le redéploiement du double réseau précédent en un système unique aurait permis, selon la mairie, de réduire de 30 % son budget télécommunications tout en augmentant le nombre de bâtiments interconnectés. Ce réseau unifié sert en effet au transport des flux vidéo, téléphoniques ou de données classiques liés aux différents besoins des sites communaux : services pour les administrés et gestion interne (intranet, contrôle d'accès…). La ville a conclu un contrat de trois ans avec Orange pour un budget de 610 000 euros, le réseau étant supervisé par l'opérateur. A terme, ce réseau devrait englober 80 points (35 sites municipaux et 45 caméras).Dans un tout autre contexte, le casino-théâtre Barrière de Toulouse exploite, depuis 2009, un système de vidéosurveillance sur réseau IP desservant 350 caméras contrôlables à distance. Ce complexe de 14 000 mètres carrés comprend une salle de théâtre de 1 200 places assises, 3 restaurants, 3 bars, 14 tables de jeux et 250 machines à sous.La mission des opérateurs installés dans le centre de contrôle ? Surveiller en direct les différentes salles du complexe, mais aussi être capables en cas de problème de rechercher et d'analyser des enregistrements antérieurs. “ Avoir un accès rapide aux enregistrements aide les opérateurs à gérer efficacement les incidents et les contestations entre clients ”, précise Steve Dupoizat, directeur de la sécurité. “ La réactivité est fondamentale pour notre exploitation. Nous devons pouvoir apporter une réponse rapidement afin de ne pas perturber le bon fonctionnement des parties. ” C'est l'intégrateur Spie Sud-Ouest qui a mis en place le système de vidéosurveillance d'origine Indigovision. Outre les caméras, ce sont 150 décodeurs et 28 enregistreurs qui ont été déployés. Les caméras installées sont analogiques et sont raccordées à un réseau composé de commutateurs Ethernet Nortel (choisis en 2008) via les décodeurs qui compriment et transmettent les flux vidéo sur cette infrastructure. “ Les caméras analogiques assurent des images de très bonne qualité. Lorsque notre client en est déjà équipé, notre solution privilégie l'intégration des caméras analogiques existantes et facilite la migration vers des solutions de vidéosurveillance en réseau ”, explique Erwan Poulain, responsable des ventes en France d'Indigovision.Outre la qualité des images, le cahier des charges du groupe Lucien Barrière exploitant le site de Toulouse insistait sur la redondance et la fiabilité du système : toute interruption de l'affichage vidéo dans un enregistrement pouvant masquer une activité frauduleuse. Pour éviter cet écueil, la même image est enregistrée simultanément sur 14 unités jouant le rôle de sauvegardes en miroir. Trois autres unités d'enregistrement indépendantes sont configurées pour prendre en charge, si nécessaire, les enregistrements d'une unité primaire défaillante.
Mutualiser les coûts entre plusieurs communes
Plus récemment, un autre complexe du groupe Lucien Barrière, situé à Lille et regroupant un casino, un hôtel, une salle de spectacle, trois restaurants, quatre bars et un parking, a été équipé de 600 caméras IP déployées sur un réseau de campus Ethernet doté de commutateurs Enterasys.Pour les communes de moyenne importance, investir dans un réseau de vidéoprotection s'avère parfois coûteux financièrement, voire politiquement ; le débat sur l'efficacité de ces systèmes dans la prévention de la délinquance restant vivace. Si les villes peuvent prétendre à la prise en charge de 20 à 50 % des coûts d'installation du système par l'Etat, la région ou le conseil général, le principal poste de dépense reste le salaire des opérateurs veillant sur les écrans de contrôle, qui leur incombe à 100 %. La mutualisation de ces coûts fait sens à l'échelon de l'intercommunalité ou du regroupement de communes partageant la même problématique et… la même volonté politique. C'est le pari de la communauté d'agglomération de la vallée de Montmorency (huit communes regroupant 110 000 habitants). Depuis 2007, elle a investi 7,8 millions d'euros dans un réseau d'une centaine de caméras, dont 5 millions pour le réseau sécurisé dédié (fibre optique). Chaque année, le système coûte 650 000 euros à l'agglomération, en incluant la maintenance des caméras et les salaires des 14 opérateurs. Le centre de supervision urbain de Montmorency renvoie les images des caméras vers les commissariats de la police nationale avec la possibilité de piloter ces caméras. Le système autorise aussi l'envoi d'images vers le téléphone portable spécifique dont sont dotés les véhicules de la brigade anticriminalité.Plus rare est l'union de deux communes voisines, dépourvues de lien d'intercommunalité, pour investir dans un réseau de vidéosurveillance. Sannois et Franconville se sont regroupés en 2011 pour partager les coûts d'exploitation du système, environ 250 000 euros par an, générés par une équipe de 14 agents habilités par la préfecture et installés dans un centre de supervision urbain commun. A ce jour, 60 caméras extérieures balaient en permanence certains lieux et axes de ces deux villes du Val-d'Oise, situées au nord-ouest de Paris.
Les réseaux hertziens sécurisés préférés au Wi-Fi
“ L'idée de mutualiser les moyens, les investissements et les coûts dans un même projet est née à l'issue d'une première étude menée par Altetia pour le compte de la ville de Franconville, déclare Arnaud Loisel, président du bureau d'études d'Altetia. Cette étude a montré qu'un projet commun répondait aux enjeux technologiques et économiques. Nous avons donc proposé aux deux communes de monter un groupement de commande lors de la consultation afin que le cahier des charges intègre un dispositif commun pour la prise de vues, les réseaux et l'exploitation des images. ” L'investissement de départ, comportant notamment l'achat des caméras, a été financé à hauteur de 70 à 80 % par l'Etat, précise-t-on à la mairie de Sannois.L'infrastructure télécoms par laquelle transitent les flux vidéo repose sur l'opérateur Orange, qui fournit des liaisons filaires dédiées. Quelques travaux de génie civil ont été réalisés par des entreprises déjà partenaires sur de grands projets locaux. “ Nous préconisons plutôt l'utilisation de faisceaux hertziens sécurisés pour relier des caméras isolées, inaccessibles aux liaisons terrestres. Le recours aux liaisons sans fil Wi-Fi ne peut être que ponctuel, ces réseaux utilisant des fréquences libres d'accès, fréquemment polluées par des perturbations électromagnétiques qui risquent d'altérer la qualité de la transmission d'images vidéo ”, explique le président d'Altetia.Le centre de supervision commun aux deux villes regroupe les postes d'exploitation, les serveurs d'enregistrement, ainsi qu'un mur d'images. Il a été réalisé par un intégrateur. La durée maximale de la conservation des images enregistrées a été fixée à quatorze jours, à la fois pour des raisons économiques (le coût du stockage) et pratiques. Les réquisitions de la police pour en obtenir lecture ou copie interviennent bien avant ce délai dans le cas de délits constatés sur la voie publique et susceptibles d'avoir été filmés.
Votre opinion