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Après la fonction informatique, la téléphonie sort à son tour de l'entreprise, sous l'influence d'états-majors alléchés par les économies. Mais, déjà, se dessine un courant qui s'appuie sur la voix sur IP pour revendiquer son retour en interne.
' L'histoire des relations entre clients et fournisseurs d'informatique est un rapport de force évolutif, où l'avantage va tantôt à l'un, tantôt à l'autre. Et dans lequel les abus sont nombreux dans les deux camps ', remarquent Alan Fustec et Bruno Ghenassia, co-auteurs du livre Votre informatique est-elle rentable ?(1). Cette incertitude ne décourage pas les candidats à l'infogérance. En 2005, selon le cabinet Ernst & Young, une entreprise française sur deux prévoyait d'externaliser une partie de ses activités informatiques et télécommunications au cours des deux années à venir. En prenant soin, toutefois, de distinguer entre les deux. Car si l'informatique fait depuis longtemps l'objet de sous-traitance à un tiers, la formule a été expérimentée plus tardivement pour les télécommunications.Les entreprises manifestent le plus souvent le désir de conserver la gestion de la téléphonie en interne. Mais, ' avec des coûts particulièrement élevés, les télécommunications représentent de bons gisements d'économies ', souligne Thierry Muller, associé chez Ernst & Young, et signataire du Baromètre Outsourcing 2005 sur les tendances du marché de l'externalisation en France. ' En outre, les entreprises y voient l'occasion de bénéficier de compétences externes et de capacités de souplesse inconnues en interne '.
L'infogérance séduit la moitié des entreprises
Aujourd'hui, 26 % des entreprises externalisent la gestion de leurs télécommunications et 24 % annoncent leur intention de le faire prochainement. Ces pourcentages relativement élevés ne doivent pas occulter que la moitié d'entre elles assurent la maintenance et l'entretien de leur parc téléphonique. Un modèle de fonctionnement classique qui, en matière de maintenance applicative, ne concerne plus que 27 % des entreprises.C'est souvent le motif financier qui conduit à s'interroger sur le bien-fondé d'une gestion maison des télécommunications. A l'image de Koné, deuxième constructeur mondial d'ascenseurs et d'escaliers roulants. ' Le comité de direction du groupe, en Finlande, souhaitait réduire de 20 à 25 % nos dépenses télécoms et faire passer le nombre de nos fournisseurs en téléphonie dans le monde d'environ 500 à moins d'une dizaine ', explique Claude Albin, DSI France et responsable au niveau mondial des réseaux et des télécommunications. Le tout en neuf mois. Annoncée à la fin de l'année 2004, la nouvelle politique, formalisée sous le nom de projet Mercury, a conduit à la signature des principaux contrats d'infogérance dès le 15 juillet 2005, et à l'achèvement de tout le dispositif le 30 décembre dernier. Un tour de force managérial, technique et financier.Parmi la vingtaine de pays concernés par cette réforme ?" sur la cinquantaine où Koné est présent ?", chaque filiale nationale avait ses propres opérateurs télécoms et contrats. A titre indicatif, la seule filiale française, avec ses 1 500 techniciens, utilise environ 2 500 téléphones portables. Sur une période de trois ans ?" toujours pour ces vingt principaux pays ?" le budget des télécommunications représente quelque 75 millions d'euros, qui se répartissent en six domaines : la voix sur mobile, la voix sur téléphone fixe à l'échelon national, la voix sur téléphone fixe au niveau international, les réseaux LAN (Local Area Network, ou réseau local) et WAN (wide area network, ou réseau étendu), et les divers services annexes, telle la visioconférence.L'infogérance n'est pas un dogme. Sa mise en ?"uvre doit laisser place à des aménagements ponctuels, en fonction des circonstances. ' Nous étions partis à l'origine pour sous-traiter la maintenance du réseau local, confie Claude Albin. Avec l'éclatement géographique des sites que nous souhaitions couvrir, ce n'était pas rentable financièrement. ' Idem pour le nombre d'opérateurs. Il ne faut pas sacrifier la qualité de la prestation attendue au seul motif de limiter le nombre de ses prestataires. ' Pour le WAN, la voix fixe et voix mobile, nous avons opté pour trois opérateurs en fonction des zones desservies ', complète le Monsieur télécoms du groupe Koné. Soit AT & T, France Télécom et Telia Sonera.
Fixer et chiffrer par contrat les objectifs du prestataire
Le rédécoupage opéré par Kone a abouti à 34 % d'économie sur la facture annuelle des télécommunications. ' Cela a même eu une incidence sur nos actifs, commente Claude Albin. Auparavant, nous avions dû acheter aux Etats-Unis une centaine de routeurs et assurer leur entretien. ' Après la phase migratoire, en cours, AT & T les prendra en charge. Cette disposition s'accompagne de l'engagement de mise à disposition de nouvelles lignes téléphoniques dans des délais limités. Et de l'obligation de présenter, chaque année, une comparaison des tarifs avec ceux des autres opérateurs. Afin que Koné soit certain de bénéficier des prix les plus avantageux.Le contrat d'externalisation doit impérativement être évolutif. ' Des pénalités financières sont prévues si nos opérateurs ne respectent pas leurs obligations, indique Claude Albin. Et s'ils n'arrivent pas à atteindre trois mois durant les objectifs qui ont été fixés, nous avons même la possibilité de changer quasi instantanément de prestataire. 'Le moment le plus difficile reste la première externalisation. C'est alors que se produit le véritable changement d'habitudes au sein de l'entreprise utilisatrice. Il n'est pas toujours aisé non plus de bien formuler ses besoins et ses attentes. Cela complique la rédaction d'un cahier des charges précis pour le prestataire.L'intérêt de collaborer avec des fournisseurs extérieurs réside dans l'obligation corollaire de standardiser les processus et méthodes de travail. ' Désormais, tous nos contrats de sous-traitance télécoms arrivent à échéance à la même date, précise Claude Albin. Cela facilitera la renégociation avec les opérateurs et une éventuelle migration future vers de nouveaux opérateurs. ' Cette précaution accroît la marge de man?"uvre commerciale, le volume négociable devenant suffisamment important pour obtenir des tarifs intéressants.Afin d'effectuer la remise à plat mondiale des dépenses de télécommunications attendue de son projet, Koné avait constitué une équipe spécialisée auprès du DSI français. Elle comportait une dizaine d'informaticiens, deux acheteurs, un juriste et une assistante du service achats. Afin de se faire une idée des prestations envisageables et des risques encourus, l'équipe a sillonné la planète pendant plusieurs semaines. Aux Etats-Unis, à Hong Kong, Shanghai, Singapour, en Suisse, elle a visité des sociétés adeptes de l'externalisation. Le moyen de recueillir des témoignages précis et de ne pas se contenter des arguments commerciaux et promotionnels des opérateurs télécoms. ' Cela nous a appris qu'il fallait composer, se souvient Claude Albin. Et que si dans certains pays on pouvait obtenir des rabais très importants, dans d'autres, il valait mieux ne pas trop tirer sur les prix pour ne pas courir le risque de voir la qualité de service s'effondrer. 'Opérer sur un marché mondial permet de lisser les prix selon les régions. ' En Europe, il est courant d'obtenir une baisse annuelle de 15 % des tarifs sur les télécommunications, ajoute le DSI France de Koné. En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, c'est plutôt de l'ordre de 10 %, la gestion étant déjà très optimisée. Tandis qu'en Asie, ou dans le Pacifique, des réductions de 50 % demeurent encore très souvent envisageables. ' Une négociation à l'échelle planétaire avec un nombre restreint d'opérateurs augure de gains importants. Des arguments à faire valoir auprès de chaque filiale locale : elles pourraient être tentées de mener leurs propres négociations.' Les comportements étant, en général, plus formalisés, avec notamment la mise en place de nouvelles procédures ou d'un nouveau centre d'appels, il existe fréquemment un sentiment diffus de baisse de la qualité du service après le début d'une première externalisation des télécoms, avertit Maître Isabelle Renard, spécialiste de l'externalisation au sein du cabinet d'avocats August & Debouzy. Il faut donc être particulièrement vigilant à la manière dont ce transfert a été apprécié et vécu en interne. '
Ne pas hésiter à faire machine arrière
On appelle cela le ' backsourcing ' ou, en français, la réinternalisation. Certaines entreprises ayant opté pour l'externalisation de certains services décident de les rapatrier en interne. Insatisfaction à l'égard du travail de certains intermédiaires, inquiétude quant à la sécurité ou à l'intégrité de son réseau, les motifs de reprendre en main ses télécommunications varient et se cumulent.A Fontenay-sous-bois (Val de Marne), des innovations technologiques ont incité la mairie à faire machine arrière. Cela a débuté en 2002 avec le retour de l'habilitation de la DSI en matière de télécommunications, décidée dans le cadre d'un nouveau schéma directeur. Et par la réintégration du centre d'appels pour l'assistance au sein du propre centre d'appels de la direction informatique.Les prestations téléphoniques étaient alors de la responsabilité d'un installateur privé, chargé de mettre en place les systèmes, de les exploiter, et de les réparer. ' L'avènement de la téléphonie sur IP nous a conduits en 2004 à reprendre en charge près de 40 % de nos abonnés ', raconte Brice Lacomette, directeur des systèmes d'information et des télécommunications de la municipalité. Et puisque les communications utilisaient le réseau informatique, pourquoi ne pas les confier à des informaticiens ? Auparavant, la DSI, faute d'ingénieur télécoms en son sein, s'en remettait aux compétences du fournisseur.' Le coût de la réinternalisation et la mise en place de la voix sur IP représentent désormais une demi-journée à une journée hebdomadaire de travail pour l'ensemble de la DSI ', évalue Brice Lacomette. A l'avenir, tous les sites pour lesquels cela sera justifié, notamment par un nombre suffisant d'abonnés, passeront à la voix sur IP. Mais les bâtiments dotés d'une ligne téléphonique unique resteront, en principe, en téléphonie classique.
La reprise en main peut rapporter gros
' La nouvelle organisation débouche sur une économie de 80 000 euros ', estime le DSI de Fontenay-sous-bois. L'argument ne peut laisser les élus totalement insensibles. ' Cela n'a été possible que grâce à l'émergence de technologies comme le Wi-Fi ou le courant porteur en ligne, qui permettent des connexions téléphoniques via l'informatique ', reconnaît-il. La commune a néanmoins dépensé 14 000 euros en prestations de services en 2003, mais la somme est tombée à 9 000 euros l'année suivante.Invitées au printemps 2004 par l'Insee à détailler les raisons de leurs réticences à confier la responsabilité de leurs télécommunications à un tiers, les entreprises plaçaient à l'époque la confidentialité et la maîtrise d'une fonction stratégique en quatrième position. En tête venaient la question des coûts, puis la difficulté à préciser et à définir ses besoins. Enfin, elles invoquaient une mauvaise adaptation de l'offre. Une liste qui ressemble, pour les fournisseurs, à un programme des bonnes résolutions à prendre pour 2006.(1) ' Votre informatique est-elle rentable ? ' par Alan Fustec et Bruno Ghenassia ; Editions d'Organisation.
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