Comment mesurer l'impact environnemental d'une construction sur toute sa durée de vie ? L'analyse du cycle de vie produit (ACV), née dans l'industrie dès les années 70, commence à trouver écho dans le secteur du bâtiment. “ Depuis 1990, on évalue la performance globale des constructions, explique Cédric Borel, directeur de l'IFPEB (Institut français pour la performance énergétique du bâtiment). L'ACV va beaucoup plus loin, et comptabilise tous les impacts environnementaux sur la totalité du cycle de vie de l'immeuble, surtout sur celui des matériaux de construction. ”
Des géants du BTP jouent le jeu
Certains géants du BTP ont adopté cette démarche ACV, Eiffage et Bouygues Construction par exemple. Ce dernier a présenté une étude montrant que sur quarante ans, 69 % des émissions de CO2 d'un bâtiment proviennent du transport, 13 % des matériaux employés, 11 % de l'énergie dépensée, 4 % de sa construction et, enfin, 3 % de sa démolition et de son recyclage. Lors de la phase de construction elle-même, 87 % du CO2 émis l'est pour fabriquer les matériaux nécessaires.Des bases de données produit sont disponibles, et vont servir aux calculs d'ACV. Un rapport de l'IFPEB sur l'analyse du cycle de vie pointe la base Ecoinvent, créée par les écoles polytechniques fédérales de Zurich et de Lausanne, en Suisse, comme une référence internationale. En France, la base Inies sert de modèle. Elle indexe les fiches de déclarations environnementales et sanitaires (FDES), que les industriels doivent établir s'ils souhaitent obtenir la conformité aux normes Afnor et ISO sur les produits de construction. Dans ce cadre, l'analyse du cycle de vie produit se révèle le théâtre d'un véritable bras de fer entre les différentes filières (bois, acier, etc.), chacune d'entre elles cherchant à valoriser les qualités environnementales de ses produits, en influant sur la manière dont celles-ci sont évaluées. Par exemple, si l'on additionne l'énergie primaire d'un matériau à l'énergie totale utilisée par la fabrication, le bois perd son avantage sur l'acier.Le rapport de l'IFPEB appelle donc les professionnels à manier les indicateurs avec précaution, en tenant compte du périmètre pris en compte lors du calcul de performance.Un logiciel de plus pour le bureau d'études
Outre ces bases de données, il existe des logiciels qui aident les architectes et les bureaux d'études à réaliser des analyses du cycle de vie produit au niveau d'un bâtiment ou d'un quartier. Le rapport de l'IFPEB cite Elodie, une application développée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), Team Bâtiment de PricewaterhouseCoopers, Ecobat du Laboratoire d'énergétique solaire et de physique du bâtiment (Lesbat) et, enfin, Equer, de l'Ecole des mines de Paris.Toutefois, Cédric Borel regrette la multiplicité des logiciels qui interviennent dans la conception d'un immeuble : “ Logiciels d'architecture, de calcul, logiciel thermique (RT 2012)… Cela nécessite une nouvelle étape de saisie que le bureau d'études ne sera pas en mesure de facturer. La véritable avancée consistera à intégrer des outils d'ACV dans le logiciel d'architecture lui-même. ” Le BIM (Building Information Model) apparaît dès lors comme la structure de données idéale pour fédérer l'ensemble des informations relatives à l'analyse du cycle de vie produit d'un bâtiment. Cependant, si cette approche est soutenue par les éditeurs de logiciels, son adoption par les acteurs du secteur demeure faible.
Votre opinion