Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
Malgré ses 24 ans au compteur, le système AS/400 d'IBM reste indéboulonnable dans beaucoup de PME-PMI. Ses limitations technologiques et son déficit d'image occultent à peine son principal atout : il fonctionne tout seul… ou presque.
Même dans l'univers bouillonnant des technologies de l'information, c'est souvent dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes. L'AS/400 en est un parfait exemple. Le mini-ordinateur d'IBM, lancé en 1988, reste dans beaucoup d'entreprises la plate-forme informatique de référence, celle sur laquelle sont hébergées les applications vitales. Une longévité exceptionnelle, qui est due essentiellement au talent de son constructeur. Car il a su ouvrir cette gamme d'ordinateurs aux nouvelles technologies (Java, PHP, disques SSD…) mais aussi généraliser le principe de partitionnement logique afin d'héberger plusieurs systèmes d'exploitation sur la même machine. Des évolutions qui n'ont pas entamé ses qualités premières ? fiabilité, résistance à la montée en charge ? ni réduit la multitude des fonctions, qui en font le couteau suisse de l'informatique.
Une machine multifonction
C'est d'ailleurs ce dernier point qu'IBM a mis en valeur il y a quelques années en rebaptisant ce système IBM i (i pour integrated). Il s'agissait de rappeler que cette machine est à la fois un serveur d'applications, une base de données et un système de stockage interne. Capable, de plus, d'intégrer ses propres fonctions de sécurité et celles du réseau, le tout accompagné d'une gestion du stockage externe intelligent. Enfin, il offre un avantage déterminant, surtout pour de petites et moyennes structures : “ Son exploitation et sa maintenance ne requièrent qu'une équipe réduite ”, assure Nicolas Odet, directeur du pôle services et directeur du marketing et de la communication de la SSII Hardis. Toutes ces caractéristiques expliquant pourquoi le marché de l'AS/400 est resté florissant. “ Les ventes progressent en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie, affirme Didier Feraud, d'IBM France. La demande est même forte en Chine, en Inde, au Brésil et, d'une manière générale, dans les pays émergents. ” Des régions où les utilisateurs sont plus sensibles aux performances d'une plate-forme connue qu'à de nouveaux outils technologiques.
Une cohabitation de plus en plus fréquente entre les systèmes
En France, le système IBM i attirerait peu de nouveaux adeptes. “ C'est surtout un marché de renouvellement ”, affirme Nicolas Odet. Un avis partagé par Philippe Bourgeois, d'IBM France, qui constate que “ si les TPE (très petites entreprises) et les PME optent plus volontiers pour des solutions Windows/Intel, l'AS/400 reste très présent dans les sociétés de taille intermédiaire ”. La tendance est toutefois à une cohabitation de plus en plus fréquente de l'AS/400 avec d'autres plates-formes. Il y a quelques années, l'ordinateur IBM hébergeait toutes les applications de l'entreprise, mais au fil du temps, certaines ont été migrées vers des environnements plus ouverts. C'est le cas, de la gestion commerciale ou des ressources humaines. Les nouvelles applications ? comme celles de bureautique ou de communication unifiée, ? ont été directement installées sur des plates-formes Unix, Linux ou Windows. Quelques entreprises ont opté pour le mode Saas (Software as a Service). C'est le cas de Rexel. “ La comptabilité et la gestion de nos entrepôts fonctionnent sur des machines Unix, explique Dominique Bissey, DSI de ce distributeur de matériel électrique. Celle des ressources humaines fonctionne en mode hébergé. ”
Parfaitement adapté aux applications métier
Et le directeur informatique de Rexel de préciser : “ En ce qui concerne les nouvelles applications réclamant un environnement graphique ? pour des recherches dans des données non structurées, par exemple ?, nous avons privilégié Windows. Toutefois, notre parc applicatif sur AS/400 reste important. En particulier, notre cœur de métier, à savoir les fonctions commerciale et logistique, demeure sur cette machine, parfaitement adaptée à nos besoins. ”Même politique d'ouverture à d'autres plates-formes chez Leaseplan, loueur de véhicules de longue durée, où la relation client est désormais suivie en mode Saas via Saleforces. “ Ce nouveau type d'application propose d'autres fonctions. Nous essayons de combiner les avantages de ces deux mondes ”, commente Yanniss Leloir, DSI de l'entreprise. Idem chez Système U. Pour ses magasins de la zone Sud, dirigés depuis Montpellier, la grande chaîne de distribution a choisi de faire fonctionner ses solutions de bureautique et de messagerie (Groupwise) sur un serveur Windows, tandis que la gestion de ses entrepôts est hébergée sur une plate-forme AIX. Les magasins peuvent ainsi passer leurs commandes auprès des fournisseurs en mode EDI (échange de données informatisées).Peu à peu, l'IBM i se trouve donc dépouillé des applications dites périphériques. Mais celles de cœur de métier y restent solidement accrochées. Et pour cause : elles sont installées depuis vingt ou trente ans, ont été améliorées au fil du temps, et recèlent souvent tout le savoir-faire de l'entreprise. En 2006, le groupe Rexel a même consolidé sur l'AS/400 les applications métier des 21 sociétés constituant l'entité France. Il se révèle en effet fort délicat de porter tout un patrimoine applicatif sur une autre plate-forme. De plus, cette opération s'avère également très coûteuse. Beaucoup y ont même renoncé. “ Une grande enseigne a tenté la migration vers Unix, signale Philippe Magne. Elle a été obligée de faire machine arrière. ”Des arguments qui ont conduit un grand opérateur à conserver sur IBM i ses outils de facturation pour ses abonnés de téléphonie mobile. Nombre d'entreprises gardent donc cette plate-forme d'IBM. “ Elle reste très utilisée dans la banque, les assurances et la grande distribution, où deux ou trois progiciels phare répondent parfaitement aux besoins du marché ”, estime Philippe Bourgeois. Certaines sociétés poussent même cette fidélité jusqu'à garder le fameux écran vert 5250 ! C'est notamment le cas de Locam, un établissement financier installé à Lyon, spécialisé dans le locatif et le crédit-bail pour les professionnels. “ Nous sommes restés fidèles à l'interface naturelle du système, car elle est très rapide, souligne Catherine Bernard, la DSI. Cela n'empêche pas la mise à jour des applications en L4G (langage de programmation de quatrième génération), ce qui, le cas échéant, facilitera le report sur d'autres plates-formes. ” Locam va même plus loin puisqu'il a développé, sur l'une des partitions de la machine, un site web fonctionnant sur Apache PHP. “ Ce site est destiné notamment aux partenaires qui peuvent, entre autres, y effectuer des simulations financières ”, ajoute Catherine Bernard. Chez Système U aussi, on travaille sur l'écran vert d'origine. Mais le système a été perfectionné pour la gestion des entrepôts : une solution de reconnaissance vocale a été développée, qui permet aux employés de recevoir les commandes et de prononcer les acquittements via leur PDA (assistant personnel).
Vers une raréfaction des compétences techniques
Ainsi, l'IBM i se met au goût du jour et s'intègre dans les environnements modernes, notamment grâce à des technologies comme les services web. Si cela prolonge sa vie au sein des entreprises, celles-ci sont toutefois confrontées à un problème croissant : les spécialistes de l'AS/400 disparaissent peu à peu du marché, et la relève n'est pas toujours là. Philippe Magne, le PDG d'Arcad, une SSII spécialisée dans le monde IBM, pointe deux raisons à cette raréfaction des compétences. “ D'abord cet écran vert, vieillot, décourage les jeunes générations d'informaticiens habitués aux nouveaux environnements graphiques. Ensuite, alors qu'il y avait jadis pléthore d'éditeurs pour ce système, ils ne sont plus que quelques-uns sur des marchés de niche. ” Un constat partagé par René Durand, DSI de Système U. “ Même si l'exploitation de l'AS/400 est plutôt simple, comparée à celle de systèmes modernes, la réputation d'archaïsme de cette plate-forme n'incite pas les candidats à s'y perfectionner. Certains jeunes diplômés n'en ont même jamais entendu parler. ”Du coup, les entreprises sont parfois obligées de jongler avec les profils disponibles. Ainsi, la DSI de Système U en zone Sud a été obligée de faire appel à des spécialistes dans le Nord et la région parisienne. Pour le moment, pas de pénurie, donc. Mais mieux vaut prendre les devants. La chaîne de distribution envisage donc de centraliser et de mutualiser les ressources. Par exemple, l'application Observatoire, qui sert à établir les statistiques, pourrait devenir commune à toutes les régions et être installée sur une plate-forme Solaris. Cette solution ne serait pas généralisée car, affirme René Durand, le DSI du groupe, “ nos applications métier resteront sur AS/400 ”. Pour éviter la dispersion des spécialistes de ce système, certaines données pourraient être centralisées dans l'une des cinq zones du distributeur, qui travaillerait pour les quatre autres.La direction informatique de Locam, a résolu le problème en confiant sa plate-forme à Hardis. Une tendance qui s'affirme de plus en plus, comme le confirme Nicolas Odet : “ Lorsque les compétences viennent à manquer dans l'entreprise, celle-ci se tourne vers des solutions de tierce maintenance applicative et d'infogérance. ” Même son de cloche chez IBM : “ Depuis cinq ans, nous observons un mouvement vers les prestataires, et même une tendance à l'hébergement externalisée. Il semble que l'on se dirige vers le mode Iaas (Infrastructure as a Service) ”, déclare Didier Ferraud.Pourtant, les DSI doivent quand même trouver les moyens de contourner certaines limitations technologiques de l'AS/400. La plus flagrante étant ses interfaces, les utilisateurs étant de plus en plus exigeants dans ce domaine. “ Nous pouvons en concevoir des plus modernes grâce à RDP (Remote Desktop Protocol), moins daté qu'Eclipse RCP (Rich Client Platform) ”, signale Patrick Jordikian, cofondateur de la SSII Gaia. Une autre solution est préconisée par Nicolas Odet : “ Puisque l'AS/400 est désormais compatible avec les services web, pourquoi ne pas accéder aux applications et aux données par ce biais ? ”, suggère-t-il. Ce qui a l'avantage de proposer un environnement familier, celui du web.Cependant, pour certains, l'ouverture de l'IBM i aux nouvelles technologies a ses limites. Peut-être parce que cette gamme reste, malgré tout, marquée par l'empreinte de Big Blue. Ainsi, constate Dominique Bissey, “ l'un des points faibles de l'AS/400 réside dans l'impossibilité pour cette machine de s'insérer dans un environnement de signature et d'authentification unique : le SSO ou Single Sign On. Car l'AS/400 dispose de son propre système d'authentification, développé spécifiquement dans le monde IBM. ”
Une évolution programmée jusqu'en 2020
En tout cas, pour son constructeur, cette plate-forme est loin d'être en fin de vie. Big Blue a même annoncé, en ce qui la concerne, une feuille de route jusqu'en 2020. Pour Didier Feraud, l'IBM i est “ un jeune homme de 24 ans ”, en pleine maturité, qui a encore son rôle à jouer. Et de conclure : “ Les labos de Rochester ont toujours intégré les nouvelles technologies dès qu'elles apparaissaient sur le marché et ils continueront de le faire. De nouvelles surprises nous attendent. ”
Votre opinion