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En chantier depuis sept ans, le DMP (dossier médical personnel) subit un feu nourri de critiques. Pourtant, en Région Centre, son expérimentation ouvre des perspectives intéressantes pour les médecins et les patients.
Bien, mais peut mieux faire. Le nombre de DMP (dossiers médicaux personnels) créés en France depuis janvier 2011, date d'ouverture du service, s'élève à 180 000. Que manque-t-il aujourd'hui au DMP pour recueillir une adhésion plus massive ? Il doit réunir au moins deux conditions. D'abord, fédérer autour de lui la médecine de ville et les établissements de santé. Mais, surtout, faciliter le travail des professionnels du secteur. Car, si le partage de comptes rendus médicaux ? fonction au cœur du DMP ? est en soi utile, il ne suffit pas à convaincre les médecins de franchir le pas. Le DMP doit donc prouver, au travers de modules additionnels, qu'il fait gagner du temps aux praticiens et qu'il participe à l'amélioration des soins.
En faire un outil du quotidien
Bonne nouvelle : son usage commence à se répandre. Comme dans le département du Cher, que l'Asip santé (Agence des systèmes d'information partagés de santé), le promoteur du DMP, présente comme une région modèle en matière d'expérimentation. Notons que la désertification médicale dont souffre le Berry contribue pour beaucoup aux initiatives locales menées dans le domaine de l'e-santé.La première étape a consisté à rendre le CH (centre hospitalier) Jacques-Cœur de Bourges compatible avec le DMP : plus de 1 600 dossiers ont été créés par son logiciel de gestion administrative des patients. Plus précisément, ce dernier est capable de générer un INS (identifiant national de santé, indispensable à la création du DMP). C'est ensuite par le biais d'une interface web fournie par l'Asip que les personnels administratifs de l'hôpital renseignent le dossier. Du côté de la distribution des soins, le CH a déjà alimenté 600 dossiers. Ces envois se font par le biais du dossier patient informatisé déployé dans l'hôpital (celui de l'éditeur McKesson). “ Il n'y a aucune gestion supplémentaire à réaliser par les médecins. Ils doivent juste spécifier, en cochant une case, si leur compte rendu doit ou non être versé dans le DMP, via un entrepôt de données ”, indique le Dr Massot, chef du projet DMP au CH. Mais c'est surtout la seconde étape, actuellement en cours d'expérimentation, qui pourrait changer la nature du DMP et en faire un véritable outil du quotidien pour le corps médical. Cette fois, la médecine libérale est concernée au premier chef. L'enjeu ? “ Le DMP doit devenir la porte d'entrée des urgences ou des consultations ”, explique Didier Leseche, du GCS (Groupement de coopération sanitaire télésanté Centre), maître d'ouvrage missionné par l'Agence régionale de santé pour le déploiement du DMP.
Une prise en charge facilitée
Ce sésame se présente sous forme de document spécifique, le VMS (volet médical synthèse de santé), qui agrège les antécédents du patient afin de faciliter sa prise en charge par un soignant qui ne le connaît pas. “ Sont visés ici les médecins libéraux et leurs logiciels, car eux seuls connaissent l'historique et le contexte du patient ”, complète-t-il.Concrètement, ce VMS est produit par le logiciel de consultation du médecin. “ Il récupère les informations classées dans le chapitre “ antécédent ” ou “ traitement de fond ” du patient. Ces données, structurées ou saisies sous forme de texte libre, sont alors assemblées au sein d'un PDF, puis versées par le logiciel dans le DMP ”, explique le Dr Jean-Michel Lemettre, vice-président de l'Union régionale des professionnels de santé / Médecins libéraux de la région Centre, qui est à l'origine de l'initiative.Le but à terme sera de standardiser ces informations. “ Il s'agira de les codifier selon des glossaires médicaux, les codes alimentant directement le chapitre “ antécédent ”. Il faut toutefois veiller à ce que les éléments ne soient pas trop complexes ou longs à saisir. Bref, tout cela est en cours de développement et les logiciels savent déjà le faire. ”L'objectif semi-avoué des médecins libéraux et du GCS du Centre est de voir cette expérience normalisée au travers de la Haute Autorité de santé. Une démarche déjà en cours pour une première version. L'Asip pourrait à terme émettre des spécifications pour que les éditeurs s'alignent sur un volet de synthèse médicale standardisé.Pour l'heure, ce dispositif est testé sur le bassin d'Amboise. Suivront l'Indre et, dans un troisième temps, toute la Région Centre. L'expérimentation s'est effectuée avec quatre logiciels (issus de Cegedim, Imagine éditions, Axilog et RM Ingénierie) qui équipent la majorité des médecins libéraux de la zone.
Des bénéfices évidents
En attendant, les bénéfices de la synthèse médicale au cœur du DMP sont évidents : ils font gagner du temps en consultation, évitent des prescriptions malheureuses (dues, par exemple, à des allergies non relevées dans le dossier) et facilitent le travail des urgences. “ De nombreux médecins des Samu demandent à accéder au DMP des patients, à condition qu'ils disposent d'une synthèse, et surtout pas d'une compilation documentaire à gérer ”, poursuit Jean-Michel Lemettre. Ils devront cependant attendre que leurs logiciels de régulation deviennent compatibles DMP.Une autre application est en cours d'expérimentation. Elle concerne les personnes âgées et leur DLU (dossier de liaison d'urgence), un document qui les accompagne lors de leur séjour aux urgences. Ce document, le Samu souhaiterait y accéder avant d'intervenir en Ehpad (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou avant que la personne ne soit conduite à l'hôpital. Et ce pour connaître ses choix de vie.“ Combien de personnes meurent sur une civière dans un couloir des urgences, alors que, au vu de leur état, elles ne peuvent pas être sauvées. Pourquoi les sortir de leur lit et de leur résidence ? C'est l'un des scandales de notre société ”, lance Jean-Michel Lemettre. Dans ces conditions, le Conseil général du Cher a lancé une expérimentation pour que le Samu de Tours accède, via le DMP, aux DLU des résidents de l'Ehpad de Saint-Georges, dans le bassin d'Amboise. “ Les logiciels des Samu ne sont pas encore compatibles avec le DMP et ne peuvent donc pas accéder à leur contenu. Les urgentistes passent donc par le frontal web du DMP, mais doivent pour cela recevoir au préalable l'INS des patients. Lequel leur est envoyé par l'Ehpad. C'est ce dispositif que nous testons en ce moment ”, détaille Didier Leseche. Au final, la consultation en amont de ce DLU permettrait de soulager dans bien des cas la fin de vie des patients. Surtout, elle éviterait des hospitalisations inutiles, source d'engorgement des urgences.C'est ce type d'expérimentations, à l'origine de nouveaux usages, qui pourrait donner au DMP ses lettres de noblesse. Lequel deviendrait un instrument indispensable à la coordination des soins entre médecine de ville et hôpital. Mais que l'on ne s'y trompe pas : la montée en puissance de ces usages reste conditionnée à la bonne volonté des professionnels de santé et à leur capacité à accepter le changement.
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