Tous les voyants semblent au vert pour l'industrie informatique. Au regard des statistiques, la crise n'est visiblement plus qu'un mauvais souvenir : l'ANPE enregistre une diminution de 19 % du nombre de
demandeurs d'emploi dans le secteur informatique entre décembre 2005 et juillet 2006 tandis que les derniers chiffres publiés par l'Apec montrent une croissance des offres d'emploi de l'ordre de 23 % au 3e trimestre 2006,
après une hausse de 20 % au second trimestre.' L'informatique représente désormais 33 % des offres, contre 31 % un an auparavant, précise Patrick Lamblin, directeur du département études et recherches à l'Apec, nous sommes dans une
conjoncture très favorable à l'emploi des cadres. '
' Nous observons même une pénurie dans certaines compétences, comme les commerciaux, les spécialistes SAP ou PGI ', souligne Anne Vaisbroit, déléguée aux
affaires sociales en charge du département social, emploi et formation au Syntec.Reste que, face à ces bons chiffres, le nombre de demandeurs d'emploi en informatique s'élevait encore à 27 970 personnes à la fin août. ' Nous sommes dans une situation complètement paradoxale,
constate Ivan Béraud, secrétaire général du Betor Pub CFDT. D'un côté, l'activité est incontestablement repartie. De l'autre, le taux de chômage sectoriel reste encore bien supérieur à la moyenne nationale avec
plusieurs milliers de personnes sur le carreau. '
Discrimination à l'embauche
Comment expliquer ce paradoxe ? Pour Patrick Lamblin, ' il serait utopique de penser à une parfaite adéquation entre une conjoncture très favorable et le fait que tous les demandeurs d'emploi trouvent un travail. Ce
n'est pas comme cela que ça se passe car ce sont les entreprises qui choisissent leurs besoins '. Or, en la matière, tous les profils n'intéressent pas les employeurs...Et l'Apec, comme les organisations syndicales, pointe du doigt l'âge des candidats. ' Aujourd'hui, huit jeunes diplômés sur dix trouvent un emploi moins d'un an après avoir terminé leurs
études, relève Patrick Lamblin, dans le même temps, moins de 5 % des recrutements concernent les plus de 50 ans. 'Selon les chiffres publiés en juillet dernier par le Syntec, il apparaît d'ailleurs que près de 40 % des informaticiens au chômage ont plus de 40 ans et près de 34 % ont entre 30 et 39 ans. Une situation qui exaspère Ivan Béraud
: ' un informaticien qui est au chômage et qui a plus de 35 ans est marqué au fer rouge "inapte au travail", s'insurge-t-il. Il s'agit purement et simplement de "racisme
antivieux" car, en deux ans, nous n'avons pas assisté à de révolutions technologiques '.' La question de la discrimination à l'embauche est un problème majeur pour les seniors ', poursuit Régis Granarolo, président du Munci. Du côté du patronat, on reconnaît qu'il existe des '
employeurs cavaliers ' et que ' la discrimination à l'embauche n'est pas un mythe ' mais Anne Vaisbroit, du Syntec, se défend et insiste sur le fait que ' 25 % des collaborateurs des sociétés
membres du Syntec ont plus de dix ans d'ancienneté '.Une nouvelle ' charte d'adéquation '
Alors quelle solution pour ces quelque 30 000 chômeurs ? Pour les syndicats, comme pour le patronat, la première réponse est simple : la formation. ' Cela devrait être bien plus important et systématique, lance Noël
Lechat, secrétaire général de la fédération CGT des sociétés d'études, aujourd'hui, quand un client change de matériel ou de langage et que le salarié n'a pas suivi de formation, il est évident que ce dernier
n'est plus en adéquation. Or, au lieu de lui proposer une formation lourde, on le licencie. '' Et quand les formations existent, elles s'avèrent de toute façon inadaptées, renchérit Régis Granarolo, du Munci, en France, on compte sur les doigts d'une main les centres de formation qui
proposent des formations aux compétences que les entreprises recherchent, notamment SAP, PGI et les mainframes. 'Alors que la formation est sous le feu des critiques de la part des organisations syndicales, le patronat abat une nouvelle carte. Le Syntec vient d'adopter avec le Groupement des Assedic de la région parisienne une ' charte
d'adéquation '. ' L'objectif sera de proposer aux chômeurs des formations en adéquation avec la demande des entreprises ', précise Anne Vaisbroit. L'opération sera lancée fin novembre et elle pourrait être
étendue à d'autres régions par la suite.Mais pour le Munci, il faut encore aller plus loin. ' Il faudrait mettre en place une discrimination positive à l'embauche avec un système de quota qui obligerait les entreprises à embaucher des seniors,
plaide Régis Granarolo, évidemment, cela devrait se faire avec souplesse et impliquerait que l'ANPE ait plus de pouvoir, ce qui est loin d'être la tendance actuelle. 'Pour Noël Lechat, de la CGT, l'informatique devra aussi opérer sa révolution culturelle : ' c'est toute la gestion des carrières par les directions des ressources humaines qui est à revoir '. Ivan
Béraud, du Betor Pub CFDT, appelle lui aussi à un changement de mentalité. ' Nous sommes dans un secteur qui a une logique "junior-senior" : les seniors encadrent et les juniors produisent, explique-t-il. Or cela
n'existe pas ailleurs ! Dans le transport, les conducteurs de bus n'ont pas tous 20 ans ! '