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La gestion des ressources devient critique dans les hôpitaux. Le CHU de Rouen a mis en place Opti-Time, un logiciel basé sur l'intelligence artificielle et issu de l'industrie aéronautique.
Généralisation des 35 heures, pénurie de personnel, attente interminable des patients, brancardiers mobilisés en vain... les difficultés d'organisation des hôpitaux sont bien connues. Le CHU de Rouen n'échappe pas à la
règle : environ 8 000 salariés, répartis sur cinq établissements dans l'agglomération, gèrent 92 000 entrées de patients par an et 237 000 consultations... Une véritable usine où chaque grain de sable un médecin absent,
une opération qui dure plus longtemps que prévu peut faire tourner au cauchemar la planification d'un rendez-vous ou d'une intervention.Pour en finir avec ces acrobaties quotidiennes, la direction informatique du CHU décide en 2000 d'abandonner son ancien système IBM de prise de rendez-vous. Elle fait alors le choix d'une solution généraliste de gestion de la
planification, issue de la recherche en intelligence artificielle. Dans un premier temps, le progiciel Opti-Time, de l'éditeur français Delia Systems, est déployé pour assurer l'administration des consultations dans les 41 services du CHU,
l'objectif étant, à terme, d'utiliser également ce logiciel pour l'organisation de tâches beaucoup plus complexes. C'est désormais chose faite depuis quelques semaines, avec la planification des interventions chirurgicales et la gestion des onze
blocs opératoires : ' Avant il fallait un jour de travail par semaine pour réaliser ces plannings. Aujourd'hui, une dizaine de minutes suffisent ' , se félicite Isabelle Gendre-Galichet, la DSI du
CHU.
Peu d'investissements en développement
À l'origine, Opti-Time a été développé pour gérer la planification très complexe de la maintenance aéronautique d'Air France. Le logiciel a par la suite été adapté, afin de convenir à des activités plus classiques.
' L'outil demande peu d'investissements en développement ' , poursuit la DSI. Le premier projet, Gestimes, destiné à la prise de rendez-vous, a été mené en trois mois, entre juillet et octobre 2000,
dont une grande partie consacrée à reproduire à l'identique les écrans de l'ancien système déployé sur des terminaux passifs. Après un mois et demi de tests, Gestimes est déployé en ' big bang ' :
' la montée en charge et la reprise de l'existant ont été réalisées en 24 heures ' , se souvient Isabelle Gendre-Galichet. Aujourd'hui, de la secrétaire au médecin, tout personnel médical habilité peut
à partir de son PC consulter ou modifier, via un navigateur, le planning de son service en temps réel. Il peut aussi adresser en ligne une demande de rendez-vous dans un autre service de l'hôpital pour l'un de ses patients.Le second projet, Gesblocs, une adaptation d'Opti-Time à la problématique particulière des blocs opératoires, a permis de résoudre les aléas de la planification et de réduire les temps de réponse (de trois à quatre secondes). Plus
complexe que le précédent, le projet s'est étalé sur environ six mois, de janvier à juin dernier. Coût total de la mise en place d'Opti-Time à ce jour : 485 000 euros, qui intègrent l'intervention de consultants extérieurs, appelés en
renfort pour analyser en amont les questions d'organisation. ' Les coûts se répartissent à égalité entre licences et services ' , précise la DSI. Tout au long des projets, l'équipe
informatique du CHU a pu compter sur les compétences d'un consultant de l'éditeur Delia Systèmes. Au c?"ur du système, le moteur d'inférence du logiciel exécute des algorithmes en fonction de règles définies par l'équipe informatique. En suivant
ces règles, le moteur se charge de trouver la solution la mieux adaptée aux impératifs des ressources qui lui sont fournies. Dans le cas de Gestblocs, ce sont les utilisateurs (secrétaires médicales, infirmières, chirurgiens, anesthésistes,
médecins) qui définissent ces ressources comme les disponibilités et les spécialisations des médecins, les équipements médicaux, les salles, ainsi que les protocoles, c'est-à-dire les ressources nécessaires pour pratiquer un acte chirurgical donné.
' Il s'agit d'une programmation par contraintes. Pour un protocole, on a une dizaine de contraintes. Le moteur peut perturber ces contraintes selon un ordre établi : à chaque étape, il supprime une des contraintes, par
ordre de priorité, jusqu'à ce qu'il arrive à une solution satisfaisante ', explique Isabelle Gendre-Galichet. Par exemple, si les horaires des médecins peuvent être modifiés en cas de besoin, en revanche, un même matériel
médical ne peut être utilisé par deux équipes en même temps ?" exemple typique d'une situation critique, fréquente par le passé. ' D'ailleurs, précise-t-elle, nous avons limité les capacités du moteur : il ne
planifie pas au-delà de deux ans ! '
Une grande simplicité d'utilisation
Outre le fait que les équipes maîtrisent totalement les paramétrages, c'est la simplicité d'utilisation qui a permis d'emporter l'adhésion du personnel médical au nouveau système. ' Les chirurgiens étaient très
réticents au départ : ils craignaient qu'on leur impose de nouvelles manières de travailler ', raconte Isabelle Gendre Galichet.Prochaines étapes : la planification des soins infirmiers en liaison avec la prescription ou le brancardage, puis le portage de l'application sur des terminaux mobiles avec accès sans fil. ' Il s'agit d'un
saut important dans la gestion de notre organisation : le personnel médical n'aura plus de feuilles de route, il verra son planning évoluer en temps réel, en fonction des besoins et des aléas ' , explique-t-elle. Nul
doute que cette expérience servira d'exemple pour nombre d'établissements... et permettra une meilleure qualité de l'accueil des patients.
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