Arnaud Rayrole est directeur général de Lecko, société de conseil et d'assistance opérationnelle dans la conduite de projets NTIC. Il analyse ici l'impact des réseaux sociaux sur la gestion de la connaissance et sur les sociétés de services.Après internet et son profond impact sur l'accès à l'information, les médias sociaux bouleversent eux aussi l'économie du savoir en faisant évoluer les processus de création, de qualification et de diffusion de la connaissance. Les sociétés de services et de conseil sont les premières concernées. Pourtant, elles n'ont intégré le 2.0 que dans leur offre… Appréhender un état de l'art, en définir les contours et les évolutions est plus difficile en 2011 qu'il y a une décennie. La mise en réseau des experts à l'échelle mondiale accélère en effet la transformation des connaissances. Non seulement le savoir s'accroît, mais il est diffus et se compose de courants contradictoires. L'expertise se transforme en bien collectif, elle n'est plus maîtrisable par un seul individu.
Rechercher l'expertise au-delà des sillons traditionnels
L'information est accessible à tous et souvent gratuite : les entreprises n'ont donc plus les mêmes attentes. Sauf à être “ paresseuses ”, elles ne font plus appel à du conseil pour obtenir de l'information. Elles recherchent plutôt une expertise pour résoudre un problème spécifique. Mais leurs partenaires habituels se situent de plus en plus souvent au même niveau qu'elles, puisqu'ils travaillent ensemble… Dans ce contexte, une société doit porter sa recherche au-delà des sillons traditionnels.L'accélération des savoirs met en évidence les limites des modes de gestion des acquis traditionnels. Organisées pour capitaliser le fruit de leur travail et de leur veille, les sociétés de services sont confrontées, d'une part, à l'impossibilité de classer les connaissances externes et, d'autre part, à l'appauvrissement relatif de leur base de savoirs interne. Par ailleurs, elles ne sont plus en mesure de diffuser rapidement l'information en leur sein.La vente de prestations intellectuelles repose sur une expertise reconnue et une capacité de mise en relation avec des clients potentiels. La réputation des experts sur les réseaux sociaux leur apporte ces deux qualités essentielles. Les médias sociaux sont en train de faire tomber les derniers vestiges de l'intermédiation dans l'économie du savoir. Les grands comptes ont aujourd'hui des marchés-cadres d'achat réduisant leur possibilité d'approvisionnement à quelques sociétés de services sélectionnées en échange de tarifs négociés. Cette rationalisation des coûts conduit à une limitation pesante de l'accès à des expertises. Et ce carcan ne tient plus dès qu'il s'agit de faire appel à des connaissances pointues. Cela conduit, à court terme, certaines sociétés de services à n'être sollicitées que sur de l'expertise courante, ce qui entraîne une baisse de leur marge. S'appuyant sur une force commerciale bien rodée, ces grandes entreprises détenaient jusqu'ici un avantage concurrentiel face aux petites structures, qui induisait parfois des sous-traitances en cascade. Cependant, cette forme d'intermédiation devrait disparaître grâce à la démocratisation des médias sociaux.Le secteur informatique entier touché par les médias sociaux
L'ensemble de la chaîne de valeur du service IT est donc touché par les médias sociaux. Si, depuis plusieurs années, les experts indépendants ont su y développer leur propre marque, rares sont encore les grandes SSII qui ont engagé leur transformation. Les acteurs de l'IT parlent souvent de l'impact de l'entreprise 2.0 chez leurs clients, mais beaucoup moins de celui qu'elle engendre sur l'ordre établi dans leur propre secteur. Ils vont pourtant devoir développer différemment leurs expertises : mettre en réseau leurs consultants et leur environnement, partager leur expérience et ajouter de la transparence dans leur organisation. D'autres modes de management internes et d'autres manières de gérer la relation client doivent être imaginés. Certaines sociétés de conseil ont déjà commencé à appréhender leur transformation 2.0. La récente incantation de Thierry Breton à l'égard du courriel en était un signe notable. Mais cette évolution sera d'autant plus pressante que les acheteurs des entreprises adapteront leur processus d'achat à cette mutation.A l'heure où les besoins d'accompagnement dans le domaine de l'entreprise 2.0 se font pressants, les sociétés clientes ont au moins le choix de prendre au mot les experts du domaine et d'apprécier leur propre mise en pratique du sujet.
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