Le constat d'huissier sur internet
Pour établir la matérialité ?" et donc la preuve ?" d'un délit commis sur la toile, rien ne vaut un constat d'huissier, si celui-ci tient compte du fonctionnement du web.
L'affaire
Fin 2003, une société proposant des formules d'abonnement au haut débit (ADSL) sous la marque Netpratique a fait constater par huissier que la saisie de sa marque comme mot-clé sur le moteur de recherche Google faisait apparaître une annonce ' ad-words '. Cette dernière incitait les internautes à se diriger vers un site proposant la souscription d'abonnements à internet auprès de sociétés concurrentes, comme AOL. Après avoir protesté auprès de la société Google France, qui s'était engagée en début 2004 à respecter la marque Netpratique, un nouveau constat d'huissier a établi que la saisie du même mot-clé sur le moteur de recherche faisait apparaître, cette fois, une annonce ' adwords ' au nom d'AOL et de Tiscali. Elle décide donc d'assigner la société AOL France pour contrefaçon de marques et concurrence déloyale. Le tribunal(1) a refusé d'accorder une quelconque valeur probante au constat dressé. La raison ? L'huissier n'a ni précisé l'existence d'un serveur proxy ni indiqué avoir vidé ses ' caches ' afin d'acquérir la certitude que la page affichée était réellement celle en ligne à la date et à l'heure du constat, et non une page présente dans la mémoire du serveur proxy. En outre, la société AOL soulignait la différence de présentation entre le constat et la capture d'écran effectuée deux jours après celui-ci.Des règles caractéristiques
La valeur probante d'un constat d'huissier ne relève pas seulement des qualités objectives et impartiales inhérentes à la profession de l'officier ministériel. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'il est réalisé par un huissier qu'un constat prend valeur aux yeux d'un tribunal. Ce constat doit, en effet, respecter certaines règles inhérentes au fonctionnement d'internet. Concernant l'affaire présentée ci-dessus, la cour d'appel de Paris vient de confirmer le jugement en considérant que la société propriétaire de la marque Netpratique n'apportait pas la preuve que sa concurrente utilisait son nom pour attirer sa clientèle. Le procès-verbal de l'huissier n'établissait pas que la page litigieuse était réellement en ligne au jour où il a été rédigé. La cour a par conséquent refusé d'engager la responsabilité d'AOL(2).(1) TGI Meaux, 09/12/2004.(2) CA Paris 4e ch. Sect. B, 17/11/2006
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