Le CV anonyme revient, est-ce une bonne nouvelle ?

Plus de huit ans après la loi, le CV anonyme sera obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés. Permettra-t-il de recruter sans discriminer à l'heure des réseaux sociaux ? L'expérimentation de 2009 s'était conclue sur un bilan contrasté.
Coucou le revoilà ! Le Conseil d’Etat remet le CV anonyme en selle. Il a mis en demeure le gouvernement d’appliquer la loi du 31 mars 2006 qui l’instituait. Les décrets d'application devront être publiés d'ici 6 mois rendant obligatoire pour les entreprises de cinquante salariés et plus le recours au CV anonyme dans le cadre de leur recrutement.
Si, sur le principe, on ne peut que se réjouir du retour de cet outil de lutte contre la discrimination en garantissant un traitement égal des candidatures quels que soient le nom, l’âge, le genre ou l’adresse du postulant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
L’expérimentation menée en 2009 et 2010 par Pôle emploi avait laissé un souvenir mitigé. Si masquer l’Etat-civil avait joué favorablement dans la lutte contre les préjugés liés à l’âge ou au genre, la méthode s’avérait contre-productive sur le critère de l’origine. Les candidats issus de l'immigration avaient seulement une chance sur 22 de décrocher un entretien, contre une chance sur 10 lorsque leur CV n'était pas anonyme. Ayant connaissance de l’identité du postulant, les recruteurs auraient eu tendance à relativiser certaines carences, comme une orthographe approximative ou un diplôme moins prestigieux.
Par ailleurs, le CV – que l’on annonce mort depuis des années - est de moins en moins le point de contact avec le recruteur. Pour Sébastien Bompard, président d'A Compétence Egale, association qui fédère les cabinets de recrutement s'engageant contre les discriminations à l'embauche, les CV entrants ne représentent plus que 20 % de candidatures.
Doit-on aussi anonymiser les réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux professionnels sont notamment passés par là prenant le contrepied du CV anonyme. Les LinkedIn et Viadeo proposent justement aux candidats de sortir de l’ombre et de capitaliser sur leur nom, leur « marque employé » comme on parle de marque employeur. Les jeunes actifs de la génération Y font de moins en moins de CV, ils publient leur profil social.
Des systèmes de matching permettent aussi de rapprocher les compétences d’un candidat aux critères de poste définies par l’entreprise. Ce que proposent l’Apec et plus récemment Pôle emploi avec le recrutement sans CV ou des jobs boards comme Qapa et ChooseYourBoss. Des outils, semble-t-il, plus efficaces pour réduire les facteurs discriminants.
Pour autant, Sébastien Bompard estime que le retour du CV anonyme dans le débat public aura le mérite de sensibiliser toutes les parties prenantes d'un recrutement, opérationnels et DRH. « Il permettra de garantir que la grille de lecture de la définition d’un poste est bien liée à des compétences ».
Le workflow du processus de recrutement dans le système d’information assurera cette traçabilité. L’informatique est aussi mise à contribution pour crypter les données sensibles. En revanche, pour les PME, cette anonymisation devrait se faire manuellement. Ce qui compliquera la tâche.
L’intérêt du CV anonyme dépendra aussi du statut – l’intérêt pour les cadres est plus limité – et du secteur d’activité. « Dans les métiers du numérique, en situation de pénurie de compétences, les recruteurs n’attendent pas les CV. Ils vont le plus souvent à la rencontre des candidats », observe Sébastien Bompard.