Le déclin du courriel traduit l'émergence d'une nouvelle sociabilité

Le courriel est en perte de vitesse, et de plus en plus contourné par les utilisateurs qui lui préfèrent la messagerie instantanée, le microblogging ou les réseaux sociaux.

Les cadres ont déjà lâché prise et abandonnent peu à peu leur messagerie. Le courriel n'est plus adapté aux volumes de messages traités aujourd'hui, ni à la nouvelle sociabilité au sein de l'entreprise. L’ère où il domine dans nos modes de communication, de collaboration et de transmission d'information en général, se termine.
Le courriel, un canal saturé
Au delà des problèmes de Spam dont on se protège tant bien que mal, les messageries sont saturées et beaucoup d'utilisateurs ne traitent plus l'ensemble de leurs mails. Son fonctionnement par pile, imposant un dépilage systématique, entraîne mécaniquement une élévation proportionnelle de la charge de travail. Si en vingt ans, le nombre de courriels échangés a explosé, les messageries ont, elles, très peu évolué. Initialement instrument de communication entre personnes, elles sont devenues un système d'information personnel et un outil de collaboration. Rien d'étonnant qu'elles ne soient plus en phase avec les contextes d'utilisation d'aujourd'hui. Signe de cette limite atteinte : les utilisateurs cherchent des nouveaux canaux moins saturés, comme la messagerie instantanée, le microblogging ou les réseaux sociaux.
Les conséquences d'un monde de plus en plus connecté
Tous connectés. Tous joignables, mais pas tous disponibles. Entre capter l'attention et être intrusif, la frontière est mince. Reconnaissons que les nouvelles technologies nous placent face à certaines limites du point de vue social : nous ne pouvons pas accorder de l'attention à l'ensemble des personnes avec lesquelles nous sommes en contact ou qui nous sollicitent. La mise en réseau de l'entreprise et de ses collaborateurs a accentué ce phénomène. Une transition délicate, car tous ne sont pas conscients de cette évolution, et ne décodent pas bien les nouveaux comportements émergents, pouvant traduire, par exemple, l'absence de réponse comme un manque de courtoisie, ou l'initiation d'une discussion publique comme une maladresse.
Au sein de cette nouvelle sociabilité de l'entreprise, le courriel ne peut plus conserver sa place centrale.
Les plates-formes sociales, elles, reposent sur des flux et des fils de conversation ouverts. Chacun définit sa stratégie d'écoute et de réaction : choix des abonnements aux personnes, aux mots clés ou aux communautés, temps consacré, niveau d'implication. Elles redonnent la maîtrise de sa communication à chacun au prix d'une rupture d'usage à bien négocier. L'entreprise doit, en effet, enrichir ses systèmes d'échanges et accorder ses conventions d'usages. Si une communication interpersonnelle relève d'une certaine codification des comportements, la conversation aussi, mais avec des codes insuffisamment clairs pour l’instant, ce qui constitue des freins d'adoption. Du point de vue managérial, il s'agit également de clarifier l'attitude attendue de chacun face à l'information circulante : la responsabilité de s'informer, la valorisation du partage, l'acceptabilité d'une transparence accrue, l'engagement dans les actions collectives. Chaque collaborateur chez Google est ainsi noté par ses collègues, une « note de gueule » diront certains, mais l'objectif est d'inciter à rendre service et à se rendre disponible pour les autres ; un choix d'orientation clair.
Les entreprises constateront de plus en plus que la saturation de la messagerie conduit à la mise en place de canaux de contournement par les utilisateurs. L'intérêt de l'entreprise est, de toute évidence, d'en accompagner l'évolution pour maîtriser cette période de chaos informationnel inéluctable et facteur d'improductivité. Le fameux projet Zero mail d'Atos, engagé dans cet état d'esprit, est un bon exemple. Si les solutions me semblent à la portée des entreprises qui prendront le sujet à bras le corps, la mobilisation de leur direction générale leur sera plus difficile à obtenir. Peut-être trouveront-elles d'autres voies pour engager cette transformation ?