Le développement de l'offshore en Inde, comment réagir ?
Plus qu'une menace, l'Inde constitue un fantastique marché pour les entreprises françaises. Arrêtons de nous faire peur face à cette mondialisation des services, en particulier informatiques.
L'Inde a fait rêver les Beatles et attire des Occidentaux venus se réfugier dans les ashrams, auprès de Shiva, Vishnu, Bouddha ou autres Krishna. L'Inde a ému par la misère de la Cité de la joie. Aujourd'hui,
l'Inde fait peur parce qu'elle menace nos entreprises, nos emplois et nos acquis sociaux. Que peut-on observer sur le terrain, derrière les clichés de cartes postales et au-delà du catastrophisme ambiant ? Comme tous les pays en
développement, l'Inde dispose en abondance d'une matière première essentielle à l'essor des sociétés du XXIe siècle : une population jeune et bien formée. 700 millions d'Indiens ont moins de 35 ans ! Au deuxième rang
mondial pour son nombre de chercheurs, l'Inde aura connu en 2003 une croissance de 6,5%. Rafan Tata, élu manager indien de l'année 2003 par Ernst & Young, dirige un conglomérat omniprésent dans le pays : voitures, camions, énergie,
informatique, etc. Avec 11 milliards de dollars????, le groupe connaît une croissance annuelle supérieure à 15% depuis 1999. Accenture a réduit sa voilure en France, mais recrute pour son centre d'appel de Bangalore et annonce environ 10 000
collaborateurs en Inde en fin 2004. Les centres d'appel occupent globalement 180 000 personnes, dont la plupart ont moins de 25 ans. On prévoit une progression de 80 000 emplois par an au cours des prochaines années ! Infosys, première SSII
en Inde, a recruté 7 000 personnes l'an dernier pour atteindre un effectif de 23 000 âmes. IBM Global Services prévoit de délocaliser 5 000 emplois vers l'Inde et la Chine, tandis que Microsoft construit un centre BPO???? de 9 000
personnes... Selon BCG, l'Inde ne pèse actuellement que 4% du marché. Mais elle pourra mobiliser 30 millions de personnes dans le BPO en 2020. Belles perspectives pour le marché de l'emploi local !Les salaires ont progressé de 15% en 2003, mais ils demeurent très compétitifs : si l'informaticien français coûte en moyenne 400 euros par jour, son homologue indien n'en demande que la moitié. C'est pourquoi 40
écoles d'ingénieurs informaticiens en Inde ont décidé d'enseigner le français.Voilà pour le côté pile. Mais qu'en est-il côté face ? La plus grande démocratie du monde s'attaque avec courage à combler en quelques décennies l'écart qui la sépare des pays industrialisés. L'Inde est un
pays de contrastes, où les ' computer centers ' et autres cybercafés jouxtent les cahutes en terre ; où les trains express s'arrêtent face à la vache sacrée ; où le rutilant 4 x 4 du Maharadja local côtoie les camionneurs éméchés sur des
routes défoncées. Les coupures d'électricité sont fréquentes, l'assainissement des eaux usées quasi inexistant. Ancrée dans des traditions millénaires, lInde est chahutée par l'intrusion des technologies occidentales. Tout va très
vite... Mais peut-être trop vite.Déjà, la rentabilité des centres d'appel indiens baisse - notamment en raison des coûts élevés de formation. Et nombre d'employés se plaignent d'une dégradation de leur vie privée, bouleversée par des horaires
décalés. Plus qu'une menace, l'Inde constitue un fantastique marché pour les entreprises françaises - spécialement dans le domaine des infrastructures urbaines, de l'énergie, des moyens de transport ou de l'industrie
agroalimentaire. Acceptons que l'Inde développe sa compétitivité sur certains services, dont la valeur ajoutée est très relative, pour nous concentrer sur des secteurs où l'industrie française excelle et qui répondent aux besoins
prioritaires d'un milliard d'êtres humains.Cela n'interdit pas aux grands groupes de services informatiques français de se positionner sur le marché des services offshore, qu'il faudra adapter aux cultures européennes pour qu'ils soient véritablement
crédibles. L'ingénierie des ' usines de services ' constitue, là aussi, un savoir-faire à forte valeur ajoutée, que nous devrions cultiver.Enfin, arrêtons de nous faire peur face à cette mondialisation des services, en particulier informatiques. SAP et ses petits camarades (Oracle, Peoplesoft, Siebel...) menacent autant le programmeur français qu'une SSII
indienne. Quels projets justifient aujourd'hui des développements ' off-shore ' ? Des opérations qui dépassent les 100 m*h????? de développement, dont le périmètre fonctionnel est bien stabilisé, et qui requièrent un faible niveau
d'intégration à d'autres systèmes. Dans tous les autres cas, les entreprises préféreront des méthodes de travail basées sur la proximité des équipes, des démarches fortement collaboratives, permettant de réduire les délais, et donc de
maîtriser les coûts. Qu'il s'agisse du système de contrôle commande d'une centrale nucléaire ou d'un outil d'aide à la décision d'une société de gestion financière, les enjeux de tels projets dépassent très
largement l'écart de salaire entre informaticiens français et indiens, chinois ou russes. Qualité et sécurité priment avant tout.Il y aura donc encore besoin d'informaticiens de haut niveau et de proximité en France.Jacques Pansard (*), consultant
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