Le DSI, dedans et dehors
La force du DSI tient en un seul paradoxe : il est tout à la fois dedans et dehors. Dedans, comme l'est, par exemple, un mécanicien spécialiste de la course automobile, sur lequel repose la sécurité des bolides et celle de leurs occupants. Mais il est également dehors, puisqu'il ne pilote pas directement la voiture. Alors, le DSI est-il ailleurs ? Pas vraiment non plus, puisqu'il travaille le plus souvent en entreprise.Tout au plus peut-on dire qu'il est à part. Homme, ou femme, de tous les contraires, cet être multiple doit comprendre les systèmes informatiques comme les systèmes humains, au plus profond de leurs rouages. Il doit, dans la même foulée de marathonien, savoir prendre la hauteur suffisante pour ne pas perdre de vue l'ensemble des problèmes qui assaillent son service, et affectent ses missions. Son quotidien, c'est de tendre le cou et de regarder au-delà de l'horizon ?" afin de garder un tour d'avance. Tout en jetant un coup d'?"il derrière lui pour voir si tout le monde suit.Qu'il ait à vendre son budget au comité de direction ou doive, plus simplement, résoudre la question des horaires de sauvegarde d'informations sensibles (que, de leur côté, les utilisateurs entendent bien évidemment pouvoir utiliser à tout moment), il lui faut sans cesse louvoyer entre les contraintes. Son karma : ramer à rebours de Spinoza, qui attribue la pensée fausse à la force de l'imagination, et se souvenir de Pascal, selon qui ' le contraire d'une vérité profonde, c'est une autre vérité profonde '. Ce qui incite tout de même à sérieusement relativiser.Pour tout arranger, la vie du DSI est de moins en moins prédictible. A peine parti en vacances avec la satisfaction du devoir accompli, voilà que le monde a complètement changé. La visibilité, elle, se réduit à vue d'?"il. Pas celle du long terme, nul doute que se vérifieront, dans un avenir pas trop lointain, l'arrivée en masse des nanotechnologies, les promesses de la biotech, l'adoption par les entreprises comme par le grand public de matériaux encore peu usités, etc. Peu en chaut au DSI. C'est ce qui adviendra demain matin qui le préoccupe. ' Le mirage du lointain est moins angoissant que le serpent dans ma main ', énonce un proverbe touareg.D'autant que pour le DSI, les indicateurs macroéconomiques hésitent : fallait-il croire la Commission européenne lorsqu'elle annonçait début septembre que ' la croissance de l'économie européenne accélère, stimulée par une demande intérieure soutenue ', notamment en termes d'investissements informatiques ? Ou faire confiance à l'OCDE, qui annonçait un affaiblissement des perspectives de croissance pour les grandes économies mondiales ?Muni de tant de paradoxes et affligé de tant d'incertitudes, l'homme-orchestre de la technologie et du management ne résout ses contradictions qu'en allant de l'avant. Insuffler le changement, répondre à la demande. Faire son chemin au comité de direction. Impliquer lui-même le PDG dans la prise de décision, au lieu de le laisser en tête-à-tête avec le directeur financier. Son meilleur viatique reste une connaissance parfaite des métiers. Lavenir du DSI réside dans sa capacité à se rendre indispensable. Et à le rester.