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Comment imposer des règles à des utilisateurs qui possèdent à titre personnel du matériel plus évolué que celui de l'entreprise ? Les temps ont changé, il faudra s'y faire.
Petite devinette : quel est le PC le plus puissant du catalogue Dell ? Une station de travail biprocesseur Xeon ? Non, un simple PC de jeux. Le XPS 600 Renegade, lancé le mois dernier, s'avère un monstre de puissance.
Il devient même la machine de rêve des designers 3D. Son Pentium à double c?"ur affiche 4,26 GHz au compteur. Du jamais vu ! Mieux encore : c'est le premier PC doté de quatre accélérateurs graphiques fonctionnant en parallèle, avec
chacun 512 Mo de mémoire vive. La puissance graphique grimpe à 5,2 Tflops ! Pour égaler le plus gros supercalculateur du monde, il en faudrait moins de dix.
LiPod banalise la mémoire Flash
Fini l'époque où la recherche sur les processeurs visait en priorité les militaires et les industriels. Maintenant, elle chouchoute les fabricants de consoles de jeux et de téléphones portables. Jusqu'alors, l'innovation technologique
commençait chez les professionnels avant d'être déclinée pour les particuliers. Aujourd'hui, c'est le contraire. Le phénomène se vérifie aussi dans le stockage. La frénésie iPod stimule le développement des minidisques durs de haute capacité. Pas
étonnant, donc, que le premier disque dur à enregistrement perpendiculaire ait d'abord été commercialisé dans un baladeur MP3 Toshiba. La technologie n'arrivera que beaucoup plus tard dans les réseaux de stockage.Ce renversement de tendance se révèle encore plus flagrant avec les mémoires. Si l'on envisage à présent de remplacer les disques durs des serveurs de fichiers par de la mémoire Flash, c'est que le succès de l'iPod et de ses clones a
fait chuter les prix de façon vertigineuse. Du coup, les fabricants de serveurs de stockage rêvent d'armoires miniatures, silencieuses et peu gourmandes en électricité.Parfois, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui détournent les produits grand public à des fins professionnelles. Skype, par exemple, devient un soutien au travail collaboratif. On commence une discussion par messagerie instantanée,
puis on bascule en mode vocal quand elle apparaît trop complexe à mener par écrit. Idem pour les téléconférences : Skype se montre bien plus efficace que ce que proposent les PABX ou les opérateurs.
L'impression de régresser en entreprise
Cette arrivée dans l'entreprise semble d'autant plus facile que les outils et les services grand public se montrent très bon marché, quand ils ne sont pas gratuits... Les fournisseurs d'accès à internet professionnels ont beau
argumenter, les petites entreprises choisissent plus volontiers l'option d'un abonnement grand public, moins cher et plus rapide. Il existe, depuis plusieurs années déjà, des forfaits de téléphonie illimitée. Or, ce n'est que récemment que ces
offres sont apparues au catalogue des professionnels. Et encore, à des tarifs nettement plus élevés.Dans le même temps, les utilisateurs manient de mieux en mieux l'informatique. La moitié des ménages français possèdent aujourd'hui un ordinateur, et deux foyers sur cinq sont connectés à internet, soit près de 10 millions. Du coup,
quand ces utilisateurs arrivent en entreprise, ils peuvent ressentir l'impression de régresser. On leur propose Windows 2000, parfois même Windows 95, voire des applications héritées de grands systèmes. De quoi tomber des nues quand, à la maison,
ils utilisent une machine dernier cri, avec des logiciels modernes aux interfaces hyperergonomiques. Les frustrations, inévitables, sont source de conflits avec la direction informatique. Lorsqu'on dispose d'une connexion sans fil à la maison, on
s'attend à bénéficier du même confort au bureau. Les histoires de points d'accès Wi-Fi installés à la sauvette sans l'aval du service informatique ne se comptent plus, ni celles d'imprimantes jet d'encre photo achetées en notes de frais pour
' avoir la couleur '. Parfois, ce sont les dirigeants eux-mêmes qui s'y mettent, quand ils veulent connecter au réseau leur tout nouveau PDA/GPS offert à Noël. La pression sur la direction informatique
n'a jamais été aussi forte. Surtout de la part de la nouvelle génération de cadres mobiles.
Utilisateur contre direction informatique
Mais la pression ne vient pas seulement de l'utilisateur final. De même, les fournisseurs jouent la carte du grand public. Les premiers clients des fabricants de PC ou de téléphones portables sont des particuliers. Certains
fournisseurs vont jusqu'à utiliser l'individu comme cheval de Troie de leurs technologies en entreprise. ' Dans les années 1980-1990, nous avons délibérément joué l'utilisateur contre la direction informatique pour imposer
Windows et l'interface graphique, raconte Bernard Ourganlian, directeur technique de Microsoft. Nous pourrions être tentés de recommencer... ' On se demande si ce n'est pas déjà le cas. Windows XP
Professional inclut, pêle-mêle, un logiciel de montage vidéo, un flipper, des dossiers avec les boutons ' Acheter de la musique sur Internet ' et ' Commander des photos via
Internet '. Windows Vista franchira une étape supplémentaire avec son interface plus ludique.Microsoft se défend pourtant de tirer dans le dos des directeurs informatiques. Selon lui, gérer deux systèmes différents ?" l'un à la maison et l'autre au bureau ?" s'avère tout simplement contre-productif. Il n'empêche,
les produits informatiques sont de plus en plus souvent pensés pour l'individu, et ensuite seulement déclinés pour les professionnels. Les entreprises ont eu beau protester, il est quasiment impossible de trouver un téléphone évolué sans appareil
photo ni fonction MP3 ou vidéo. Idem dans la micro. Les machines professionnelles sont bourrées de gadgets rarement utiles : bus graphique AGP, lecteurs de DVD, claviers multimédias, etc.Ce qui vient du grand public n'est pourtant pas nécessairement mauvais. Exemple : les progrès effectués dans l'ergonomie des messageries web et des sites de commerce électronique. Nombre de leurs techniques pourraient se voir
mises à profit afin de moderniser les applications d'entreprise. On pense notamment à Ajax, une technologie popularisée par des services comme Google Mail et Google Maps. Elle est aujourd'hui formalisée et intégrée aux ateliers de développement
d'applications métier. Il existe aussi des technologies qui peinent à percer chez les professionnels tant qu'elles n'ont pas fait le détour par le grand public. A l'instar de Keyhole, la société reprise par Google pour son service Google Earth. Un
destin équivalent attend probablement Seadragon, inventeur d'une technologie de feuilletage d'images très haute résolution pour les catalogues. La société pourrait entrer dans le giron de Microsoft avant de revenir courtiser les
professionnels.
On saura toujours brimer les gens
En attendant, les DSI n'ont d'autre choix que de freiner les ardeurs des utilisateurs. Après tout, l'entreprise reste un lieu de travail. Le garant de la sécurité et de l'informatique ne peut laisser faire tout et n'importe quoi.
Alors, il verrouille les machines. Sauf que, cette fois, il ne s'agit plus de les protéger contre les attaques de l'extérieur, mais contre celles de l'intérieur, pour qu'elles ne soient pas détournées de leur usage professionnel. Ports USB bloqués,
impossibilité d'installer des applications, accès internet filtré et limité... Les techniques, nombreuses, se révèlent souvent contre-productives.La nouvelle génération d'utilisateurs parle IP dans le texte. Elle se montre capable de modifier ses paramètres de configuration, d'utiliser MSN dans un client web ou encore de contourner les filtres en passant par un proxy. Alors,
que faire ? Entrer en guerre contre ses utilisateurs ? Personne ne le souhaite. Finalement, nous sommes confrontés au même embarras qu'avec les téléphones portables ou le web à ses débuts. Beaucoup d'entreprises ont commencé par interdire,
puis par filtrer les connexions, avant qu'une autodiscipline ne se mette en place. Avec internet, les problèmes de sécurité se font plus criants. Le simple fait d'introduire un appareil personnel dans l'entreprise laisse planer le risque du vol
d'information ou de l'introduction d'un virus.Quelques solutions émergent toutefois. La virtualisation permet ainsi de diviser en deux le poste de travail : d'une part, une configuration sécurisée, bridée et totalement contrôlée par le service informatique ; et, de
l'autre, un espace plus souple, sous la responsabilité de l'utilisateur. Mais le DSI ne pourra faire l'économie d'une réflexion globale. Il lui faudra sortir de la technologie pour entrer dans la sphère sociologique. On saura toujours brimer les
gens. Mais il est important d'élargir le champ de la prise de décision à la DRH et à la direction générale. L'occasion, pour le DSI, de sortir de son carcan ? On l'espère, car l'informatique devient de plus en plus présente dans la vie de tous
les jours.a.mbida@01informatique.presse.fr
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