Véritable serpent de mer, le kill switch fait régulièrement polémique, au gré des événements politiques. Dernier en date : les émeutes estivales de Londres, qui ont incité le Premier Ministre britannique, David Cameron, à réfléchir à cet interrupteur d'arrêt d'urgence des réseaux sociaux, afin d'empêcher les manifestants de s'organiser. Les Etats-Unis, eux aussi, veulent se doter de ce procédé pour protéger leurs infrastructures en cas de cyberattaques massives. Certains pays sont déjà passés à l'acte : en pleine révolution, la Tunisie et l'Egypte se sont retrouvées déconnectés d'internet, de manière partielle ou totale, pendant quelques jours. Mais la championne, c'est la Chine, qui filtre le web toute l'année et qui arrive à déconnecter certaines régions en cas de soulèvement, par exemple.
Simple comme un coup de fil
Techniquement, le kill switch peut être logiciel ou procédural. Dans les dictatures, le dispositif le plus efficace est le coup de fil aux opérateurs. Car ces derniers sont obligés d'obtempérer, que ce soit pour effectuer un arrêt brutal de connexion ou pour mettre en place une opération de filtrage. Dans les démocraties, par contre, de telles injonctions ne sont pas possibles. Comme le prouve la tentative infructueuse du ministre chargé de l'Economie numérique, Eric Besson, en décembre 2010, de déconnecter le site Wikileaks, hébergé alors par le Français OVH. De plus, dans les pays démocratiques, les réseaux sont moins centralisés et beaucoup plus redondants que dans les pays autoritaires, ce qui rend les interventions difficiles.Dans l'absolu, pourtant, tout est possible. “ Il s'agit avant tout d'un problème politique et légal. La technique est secondaire. On peut toujours couper le net si on se donne les moyens de le faire et si on n'a pas peur des dégâts collatéraux ”, explique Stéphane Bortzmeyer, ingénieur R&D à l'Afnic, le registre internet des noms de domaine en.fr.Un manque à gagner important
En effet, une telle interruption de service coûterait cher à une société hyperconnectée comme la nôtre. L'utilisation de logiciels de filtrage ralentissant les flux de données, sans oublier les tracas liés aux faux positifs. Un cauchemar. Selon certains experts, la déconnexion momentanée de l'Egypte lui aurait fait perdre pas moins de 250 millions d'euros.Enfin, l'idée même d'un kill switch est absurde. Le web a été inventé pour résister aux déconnexions. Il est redondant par nature. Un dispositif centralisé de déconnexion reviendrait à le fragiliser, pas à le sécuriser. “ Installer un mécanisme de déconnexion par voie logicielle serait une pure folie, car ce serait une cible très tentante pour les pirates ”, souligne l'ingénieur. Bref, le kill switch, c'est la fausse bonne idée des politiques.
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