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Les grands éditeurs font leur mue en recrutant des ' pointures ' open source. Tandis que les start up optent pour l'approche souscription et services, moins gourmande en
investissements.
Le bazar du logiciel libre a désormais droit de cité au sein de la cathédrale propriétaire. Les ténors du logiciel montrent un intérêt toujours croissant pour ce mode de développement collaboratif et apportent aux figures reconnues du
logiciel libre les moyens de mener à bien leurs projets.Sun, qui a placé l'ensemble de sa technologie Java sous l'ombrelle de la licence GPL, vient récemment d'embaucher Charles Nutter et Thomas Enebo, les responsables du projet libre JRuby, une implémentation Java du langage de scripting
Ruby. L'objectif affiché consiste à multiplier les usages de la machine virtuelle Java, de façon à ce qu'elle exécute les codes de différents langages. ' Pour les éditeurs, gérer des écosystèmes au-delà de leur propre
périmètre s'avère nécessaire, annonce Eric Mahé, responsable des nouvelles technologies chez Sun France. La place du logiciel libre est essentielle tant sur le plan de l'image que sur celui de la
technique. '
IBM, Sun, Microsoft... recrutent tous azimuts
De son côté, Google, dont le portail Projects fédère déjà une quinzaine de projets libres, a recruté en fin d'année dernière le créateur du langage Python, Guido Van Rossum. Quant à Microsoft, il lance Codeplex, un portail qui
regroupe ses projets relevant du modèle de licence ' shared source '. La firme de Redmond a incorporé Jim Hugunin, précédemment auteur de Jython - l'implémentation Java de Python -, afin de renouveler
l'expérience sur .Net avec Ironpython.Chez IBM, miser sur l'open source est stratégique. Danny Sabbah, directeur de la branche Rational Software, décrivait lors de la conférence de ses utilisateurs les ' gated communities ',
la nouvelle organisation de sa division qui s'inspire directement de celle des communautés libres. ' Les membres publient, alimentent le flux d'informations autour des projets : c'est un modèle ouvert de gestion des
connaissances ', a-t-il déclaré. Mais l'éditeur se ménage la possibilité d'isoler les développements qu'il estime relever de son seul ressort. Aussi, ses développeurs sont poussés à contribuer à différents projets au sein de
communautés telles que la fondation Apache ou Eclipse.
Du gourou du libre au cadre respecté
' Nous souhaitons que chaque développeur étoffe un capital de réputation que nous puissions mesurer. Cela profite aux deux parties ', dévoile Philippe Bournhonesque, directeur du
développement d'IBM Software en France. Pour les projets candidats à devenir libres, IBM a constitué un comité de pilotage avec des représentants des services, du matériel et du logiciel. La démarche est engagée par les responsables de projets, et
toutes les contributions, qu'elles viennent du métier d'éditeur ou de l'activité d'intégration de systèmes, sont évaluées au niveau juridique (brevets) et commercial.Novell, en rachetant successivement Ximian et Suse, a complètement transformé son modèle économique. ' Les responsables de Suse ou de Ximian sont devenus cadres chez Novell, mais ont gardé leur aura. Ainsi Nat
Friedman apporte une fraîcheur qui fédère les autres employés ', constate Christophe Therrey, directeur général de Novell France.Un autre aspect de l'apport de l'approche libre et communautaire réside dans sa capacité à aider à la conception de standards, puis à les valider par une adoption massive et rapide. ' On ne pourra plus
développer de standards sans la collaboration des communautés open source, reconnaît Philippe Bournhonesque, d'IBM. Sur SCA, par exemple, nous avons commencé à travailler avec BEA, mais nous avons immédiatement proposé
l'implémentation de référence Tuscany afin de recueillir l'avis des communautés. '
Une nouvelle génération de jeunes éditeurs
Si les grands éditeurs ingèrent les principes du libre, de nombreux petits acteurs trouvent aussi leur voie avec un modèle libre, souvent avec la licence GPL et en misant sur la souscription pour monnayer leur expertise et leur
support. Alfresco, dans la gestion de contenu, Zimbra ou OpenXchange, pour la messagerie, ont vite su se positionner sur des marchés dominés par de puissants concurrents. Spikesource et Sourcelabs ont fait émerger une nouvelle activité liée à la
multiplicité des projets libres : la validation et la garantie des solutions libres. Le métier d'éditeur est potentiellement beaucoup plus rentable que celui de prestataire de services, les marges y sont plus grandes. Mais, pour s'implanter,
l'investissement initial reste très important. ' A l'inverse, un modèle qui s'appuie sur les services se révèle plus facile à lancer, note Olivier Bérard, responsable du conseil open source chez Uperto (filiale de
Devoteam). C'est pourquoi aux Etats-Unis, ce type de société attire davantage les financements. Si, actuellement, quelqu'un investissait le marché pour faire de la GED, par exemple, en mode propriétaire, on le traiterait de
fou. 'Le rôle d'éditeur reste irremplaçable, même dans un modèle fondé sur les services : il faut être capable de réaliser la modification demandée par le client, mais aussi avoir la reconnaissance suffisante pour la réintégrer dans le
code du projet. Le petit éditeur américain Bostech, né au début des années 90, vient ainsi de lancer Chainbuilder, un projet open source de bus d'intégration conforme au standard JBI (Java Business Integration). L'objectif, pour son président David
Bourke, consiste à établir la réputation de sa société en tant qu'expert de l'intégration, et à bâtir une communauté active. Cette démarche éditoriale se répand aussi en France auprès des sociétés de services en logiciel libre (SSLL).
' L'idée de devenir un éditeur reposait sur un constat simple, fait dès 2003. Le service autour de l'open source ne constitue pas un avantage compétitif durable face aux grands intégrateurs. Des acteurs tels Atos et Capgemini
adressent aussi ce marché, ce qui a réduit l'intérêt de s'adresser à une SSLL ', constate Olivier Guilbert, PDG d'IdealX.Constituées d'utilisateurs, les communautés libres offrent aussi aux éditeurs le moyen de se rapprocher de leur clientèle et de mieux satisfaire leurs attentes. ' On constate clairement une plus grande exigence
des clients, avance Christophe Therrey, de Novell France. La plupart du temps, ils veulent rencontrer les développeurs et acceptent à grand peine de recevoir un commercial. Cette tendance est très
saine. ' Comme le rappelle Dave Dargo, directeur technique d'Ingres, à la naissance d'Unix, ou au début des bases de données relationnelles, il existait un véritable débat technique entre les utilisateurs et les différents
éditeurs concernant les fonctions ou les choix d'architecture. ' Mais ce modèle de développement coopératif avec partage des risques a disparu au profit du marketing. Il n'y a plus qu'un très gros éditeur, et le risque s'est
déplacé vers l'utilisateur. L'open source provoque un rééquilibrage. 'p.davy@01informatique.presse.fr