Le procès Apple-Samsung révèle des réflexions stratégiques croustillantes

Steve Jobs en « guerre sainte contre Google », Samsung à la recherche d’une interface « émotionnelle », Apple désemparé face au marché qui s’échappe... Les documents internes révélés à l’occasion du procès Apple-Samsung valent le détour.
Certes, les procès sur les brevets sont loin d’être passionnants. Mais celui qui vient de débuter aux Etats-Unis, et qui oppose Apple et Samsung, apporte tout un flot d’informations croustillantes sur les coulisses de ces deux mastodontes, les questions qu’ils se sont posées, les options stratégiques qu’ils avaient envisagées, etc. En effet, un certain nombre de documents internes ont été versés aux dossiers juridiques. Ils circulent désormais sur la plupart des sites d’informations américains. Voici les informations les plus étonnantes (à ce jour).
Steve Jobs, en « guerre sainte contre Google »
Dans un email datant d’octobre 2010, l’ex-patron d’Apple prépare une réunion de tous les cadres dirigeants d’Apple pour préparer l’année 2011. A l’époque, le point le plus important était la concurrence avec Google, qui avait lancé son système deux ans auparavant et commençait à sérieusement marcher sur les plates-bandes d’Apple.

Steve Jobs prend ce sujet tellement au sérieux qu’il l’intitule la « guerre sainte contre Google ». D’ailleurs, il énumère toute une série de fonctionnalités où Android a une longueur d’avance, comme les notifications, le partage de connexion, les commandes vocales et, bien sûr, les applications en ligne. Ainsi, Apple souligne qu’Android « intègre en profondeur les services cloud de Google » et que ce dernier était « largement devant » lui. Ce qui n’a pas réellement changé depuis.
L’iPhone : un prix trop cher, un écran pas assez large
Pour ceux d’entre vous qui attendent avec une infinie patience l’arrivée d’un iPhone avec grand écran, vous pouvez être rassurés : Apple vous a bien compris. Dans une présentation datant d’avril 2013, la firme à la pomme réalise, avec une certaine amertume, que son appareil fétiche ne colle plus tellement au marché. Les taux de croissance fondent comme neige au soleil. Les consommateurs veulent des smartphones moins chers et des écrans plus grands, « ce que nous n’avons pas », précise l’auteur de la présentation.

Ainsi, en 2012, les ventes mondiales de smartphones ont augmenté de 228 millions d’unités. Mais cette croissance provient essentiellement des produits d’entrée de gamme à moins de 300 dollars (+159 millions d’unités) ou des produits haut de gamme à écran large (+91 millions d’unités). Le segment qui comprend tous les autres modèles - dont l’iPhone - baisse de 22 millions d’unités. Bref, il est temps de tirer la sonnette d’alarme.
Samsung a très bien analysé l'arrivée de l'iPhone sur le marché...
En juillet 2008, Samsung fait un constat difficile : sa stratégie passée ne vaut plus un clou. Dans une présentation intitulée « Impact de l’iPhone 3G sur le marché », le fabricant sud-coréen estime que le téléphone tactile d’Apple a sonné le glas des « feature phone », les téléphones sans Internet et sans applications évolués. La grande force de Samsung était de pouvoir en produire en grande quantité, tout en proposant une grande variété de formes. « Pour les téléphones tactiles, cette capacité n’est plus pertinente. Ce qui compte, c’est la variété au niveau des applications et des expériences utilisateurs. L’innovation matérielle doit être dirigée sur des domaines plus étroits (batterie, technique graphique, isolation thermique...) », analyse avec justesse la firme sud-coréenne.

On connait la suite : Samsung a tout misé sur Android, qui équipe ses smartphone à partir d’avril 2009. En 2012, son objectif premier est clairement formulé : « Battre Apple ». Vu les parts de marché que Samsung a gagné depuis, on peut dire que la mission a été accomplie.
... mais le Sud-coréen a eu du mal à créer des interfaces «émotionnelles»
Dans sa reconquête du marché, Samsung avait un sérieux obstacle à surmonter : les logiciels de ses téléphones étaient un peu plan-plan. Leur interface logicielle était fade et sans originalité, comme le souligne une présentation Powerpoint de 2009. Celle de l’iPhone, au contraire, était perçue comme « fun », « innovante » et « émotionnelle ». Si une marque de téléphone pouvait être représentée par une personne, Samsung serait un ingénieur un peu coincé et Apple un créatif désinhibé, comme le montre le slide ci-dessous. Au passage, on découvre que Nokia avait l’image d’un vieux schnock...

Dans la suite du document, le fabricant imagine tout un ensemble de scénarios permettant de rendre le design logiciel de ses appareils plus attrayants et, surtout, plus « émotionnel ». C’est l’objectif du programme « MIEUX » (Make It Emotional UX).
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