Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
Les systèmes d'exécution de la fabrication (MES) relient l'informatique de gestion avec l'automation. Les derniers obstacles à ce rapprochement sont culturels.
Pour s'adapter à un marché en constante évolution, les industriels doivent appuyer leurs décisions sur des données collectées en temps réel. Malheureusement, nombre de systèmes d'exécution de fabrication (MES) existants se révèlent
incapables de relever ce défi. ' L'informatique de production en place est souvent dépassée, estime Greg Gorbach, spécialiste des solutions de gestion d'exécution chez ARC Advisory Group. Pendant
longtemps, l'industrie a concentré ses investissements dans les PGI, et quelque peu négligé ses ateliers. ' Des centaines d'applications spécifiques se sont ainsi accumulées dans les usines, sans personnel formé à leur
maintenance, ni documentation. De surcroît, ces applications sont mal intégrées aux autres systèmes et ne permettent pas d'accéder à leurs données.Tout en organisant ce rattrapage technique, les industriels devront aussi s'attaquer à un autre problème récurrent, davantage culturel et organisationnel. ' Beaucoup d'entreprises ne disposent pas de groupe
identifié se concentrant sur l'information et les systèmes de production, observe Julie Fraser, analyste chez Industry Directions. L'informatique travaille dans son coin, et les départements en charge du contrôle-commande, dans
le leur. Ceci doit changer. 'Une situation d'autant plus regrettable que les systèmes de contrôle-commande actuels reposent désormais sur les mêmes systèmes d'exploitation et technologies réseaux que le reste de l'informatique. Pourtant, il arrive que des
automaticiens et instrumentistes dissimulent leurs postes de travail - au détriment de la productivité de l'entreprise.
Deux mondes qui se rapprochent
' Les gens de la production attendent des solutions qui ne correspondent pas forcément aux critères de la DSI, constate Richard Dolezal, responsable du marché des systèmes de contrôle-commande chez
Rockwell Automation. De leur côté, les informaticiens estiment qu'ils possèdent les ordinateurs et doivent contrôler ce qui est installé dedans. ' Sans toujours comprendre les demandes spécifiques aux systèmes de
production. De même, parmi les nombreux sujets d'incompréhension entre ces deux populations, reviennent souvent les opérations de maintenance informatiques lancées au mauvais moment ou encore des critères de robustesse non respectés.Les équipes informatiques et de production réalisent toutefois qu'elles peuvent s'entraider pour atteindre les objectifs de l'entreprise. La convergence entre l'informatique et l'automation aide les industriels à faire face à un
environnement économique difficile - réduction des coûts de fabrication et des stocks de matières, lancements de produits accélérés, production distribuée, contraintes réglementaires - et à des clients toujours plus exigeants -
cycles de fabrication réduits, exigence de qualité, fabrication sur commande, traçabilité des composants, recyclage des produits, information en temps réel sur les ordres de fabrication en cours, etc.Dans un sens, les automaticiens trouvent avec l'équipe informatique un moyen de maintenir et de standardiser leurs systèmes à moindre coût. Surtout, l'accès aux données de gestion aide les usines à aligner leur activité sur les
changements éventuels de planification de production, de matières et de quantités d'expédition. Dans l'autre sens, l'accès aux données de production améliore nettement l'efficacité des progiciels de gestion intégrés (PGI). Ces derniers se
nourrissent d'informations telles que les ordres de fabrication, les quantités produites, les problèmes rencontrés ou le rendement global. Ces données précises et minutées conduisent à une meilleure prise de décision et à une amélioration des
processus.Cependant, les systèmes de contrôle-commande produisent en temps réel d'énormes quantités de données d'une granularité extrêmement fine (démarrages, arrêts, états, etc. ), susceptibles d'engorger la plupart des PGI. De plus, les
formats de ces données diffèrent de ceux des systèmes de gestion. Heureusement, plusieurs systèmes peuvent relier le PGI aux systèmes de supervision et d'automatismes. Ces systèmes de niveau 3 (selon la terminologie ISA95) comprennent notamment ceux
d'exécution de la fabrication (MES, ou Manufacturing Execution Systems) et d'analyse décisionnel de la production (Manufacturing Intelligence, ou encore Manufacturing Performance Management).
Un système centralisé mais autonome sur site
Le MES, comme la notion élargie de solutions de gestion d'exécution, comprend une plate-forme technologique et une architecture gérant les besoins d'exécution en temps réel de l'atelier, tout en étant compatible avec l'informatique de
gestion. Il pourra se connecter à d'autres systèmes comme les solutions métier (PGI et gestion de la chaîne logistique), d'ingénierie (SGDT et PLM), de gestion d'entrepôts, de laboratoires et de maintenance. Dans tous les cas, il restera disponible
de manière locale pour l'atelier. ' Un MES représente avant tout un outil d'opérateur de production, rappelle Rémy Danière, ingénieur d'affaires chez Courbon. Cela implique d'adapter son ergonomie d'écran
à des personnes non informaticiennes travaillant debout dans le bruit et l'humidité. ' Ainsi la solution doit pouvoir être déployée et administrée de manière centralisée, tout en gérant les besoins des établissements (usines,
entrepôts) : réception, stockage et expédition de matériaux, allocation et suivi de main-d'?"uvre, déploiement d'équipements...La connectivité du MES apparaît donc déterminante pour mener à bien son intégration. Un système d'exécution de la production doit composer, produire et échanger des messages avec un PGI ou un autre système métier, en se fondant sur
des standards XML tels qu'Oagis (Open Applications Group Integration Specification) et B2MML (Business To Manufacturing Markup Language). Le MES doit également se connecter aux systèmes et aux équipements d'atelier afin d'en recueillir les données
- cycles machine, températures et pressions, arrêts, mesures de qualité, saisies manuelles... - ainsi qu'aux systèmes de conception et d'ingénierie. ' Nous travaillons actuellement à étendre notre
connectivité avec les systèmes de SAP, Oracle, Microsoft, Honeywell, ABB, Siemens... ', confirmait récemment Kevin Roach, vice-président de Rockwell Automation, lors d'un symposium utilisateurs.Les MES comportent divers processus et fonctionnalités - ordonnancement, traçabilité, qualité, maintenance... - capables de soutenir des activités comme le lean manufacturing ou encore l'analyse des performances en
temps réel. ' Un projet MES répond aux besoins métiers en fonction de la stratégie de l'entreprise et des problématiques opérationnelles ', certifie Eric Chambon, consultant chez MDT Vision, une filiale
d'IBM. Les fonctionnalités cibles sont ensuite hiérarchisées et déployées progressivement. En effet, ' ce type de projet est rarement global, souligne Rémy Danière de Courbon. L'entreprise part
généralement d'une problématique précise, comme une mise en conformité réglementaire ou le suivi de rendement d'une nouvelle ligne de production, avant de prononcer sa réception. '
Les profils doubles restent recherchés
Les équipes projet MES comprennent habituellement un chef de projet informatique et un chef de projet représentant les métiers (qualité, production, maintenance...). Une situation que condamne Olivier Dréan, directeur de
programmes et consultant d'affaires chez Apriso : ' Par manque de compétences doubles, nous confions les projets à des binômes qui compensent l'absence de passerelles entre la production et la DSI. Mais nul doute que ces
projets avanceraient mieux avec un seul chef. 'Déjà recherchés, les premiers profils hybrides se rencontrent davantage chez les éditeurs et les intégrateurs que dans l'industrie. Demain, Olivier Dréan prévoit à leur égard un succès croissant, y compris chez les utilisateurs. Les
informaticiens souhaitant s'investir dans cette direction peuvent commencer par s'intéresser aux problématiques de planification et à la gestion de la chaîne logistique. Bien sûr, un projet formalisé de MES constituera le meilleur des tremplins,
tandis qu'un projet 6 Sigma ou lean manufacturing facilitera l'apprentissage des techniques du conseil. Côté débouchés, l'éditeur se souvient parmi ses grands comptes ' d'un directeur de programme devenu directeur industriel
Europe, d'un autre directeur de programme choisi comme responsable des programmes SAP du groupe, d'un consultant interne nommé responsable de ligne de production, ou encore d'un directeur de programme promu patron d'une business
unit '.Ces chefs de projet sont souvent ingénieurs généralistes de formation. Un profil que recommande Jean Vieille, spécialiste des systèmes d'information industriels. ' Ils pourront compléter leurs compétences par un
CPIM de l'APICS (diplôme validant l'expertise et l'expérience des professionnels dans le management des flux industriels - NDLR) ou un MBA, et par un CSE (Control Systems Engineer - NDLR) de l'ISA. ' Selon le
consultant, un informaticien habitué à la gestion de production des PGI pourra aborder l'aspect fonctionnel du MES sans difficultés majeures. Il émet davantage de réserves concernant les domaines de l'automation et du temps réel.
' Pour ce type de fonction à cheval entre maîtrise d'?"uvre et maîtrise d'ouvrage, il faut à la fois apprécier les problématiques industrielles et celles informatiques ', confirme Pierre Druet, chef
de projet MES chez le champion du plat cuisiné Marie. Mais, selon lui, l'animation d'une équipe pluridisciplinaire (production, qualité, maintenance, gestion...) requiert avant tout des qualités de coordination fonctionnelle.b.mathieux@01informatique.presse.fr
Votre opinion