Le renseignement économique doit devenir une priorité des services secrets

Les services secrets français doivent s'investir davantage dans le domaine du renseignement économique et participer à la défense des entreprises françaises attaquées à grande échelle, estime la Délégation parlementaire au renseignement.
Dans ce document, remis lundi à François Hollande, la Délégation parlementaire au renseignement (DPR), présidée par le président de la commission des lois à l'Assemblée, le député PS Jean-Jacques Urvoas, plaide en faveur de l'adoption d'une loi "relative à la protection du secret des affaires", qui n'existe pas en France contrairement à la plupart des pays développés. Des amendements en ce sens vont être proposés au projet de loi sur la croissance et l'activité ("loi Macron") qui doit être présentée à l'Assemblée fin janvier, a précisé M. Urvoas.
La DPR se prononce également en faveur de l'adoption d'un projet de loi encadrant l'activité des services de renseignements, dont M. Urvoas avait indiqué en septembre à l'AFP qu'il serait présenté courant 2015. « Aujourd'hui, l'information est une arme dans la bataille, nos services de renseignement doivent pouvoir servir d'appui à un certain nombre d'entreprises » dans la guerre économique, ce qu'ils n'ont pas coutume de faire pour l'instant, a assuré mercredi M. Urvoas à l'AFP.
Vol d’ordinateurs et cyberattaques
« Il n'y a pas en France de secret des affaires, le pillage de nos entreprises se fait le plus souvent de façon légale, il faut nous doter d'une législation protégeant ce secret des affaires », a-t-il ajouté. Le rapport, qui estime que « l'espionnage économique connaît une progression inquiétante », ajoute que « les pillages peuvent prendre des formes variées: vol d'ordinateur, attaques informatiques, raids capitalistiques lors d'une opération de financement, espionnage à l'occasion d'une visite, transferts de technologie indus ».
Il dénonce également l'utilisation par les Etats-Unis de procédures judiciaires, notamment la pratique du "deal of justice" et du "discovery", permettant lors de mois de tractations de disposer d'observateurs à l'intérieur des entreprises, qui font remonter vers les Etats-Unis des sommes impressionnantes de documents, dont certains contiennent des informations destinées à rester confidentielles.
Le nombre d'ingérences extérieures dans le domaine de la recherche fondamentale, communiqué à la délégation parlementaire par la DGSI, n'est pas révélé dans le rapport mais le rapport précise que 30% d'entre elles provenaient d'un pays allié. « Ces chiffres soulignent combien nos principaux partenaires peuvent aussi être nos meilleurs adversaires dans le domaine économique », estiment les parlementaires.
Le monde de l’après Snowden
Le rapport de 150 pages, qui présente 105 préconisations, « constate avec effarement qu'il n'existe strictement aucune culture de la sécurité au sein des ministères financiers ». « Les règles les plus élémentaires de sécurité sont considérées comme superflues et handicapantes, sources de coûts et de perte de temps ».
« Bercy est une invitation à qui veut venir s'y imprégner », ajoute M. Urvoas. « Ils sont sur le champ de bataille en gants blancs, mais si nous sommes les seuls, c'est un peu dommage ». Dans son 7e chapitre, intitulé « Le monde après les révélations d'Edward Snowden », la DPR souligne « l'incroyable investissement des Etats-Unis dans les moyens dédiés au renseignement technique » et « l'intensité de l'agressivité à l'égard de notre pays », tout en « validant le caractère strictement légal des actions conduites par la NSA ».
« Les groupes terroristes, renseignés par les révélations d'Edward Snowden, ont considérablement rehaussé le niveau de protection de leurs échanges », estiment également les parlementaires. Pour présenter son rapport, qui représente l'instauration d'un contrôle des activités de renseignement par le parlement, la DPR, composée de quatre députés et de quatre sénateurs, s'est réunie à 14 reprises de février à décembre 2014 au sein d'une pièce sécurisée qui lui a été dédiée à l'assemblée, où elle a conduit 31 auditions.
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