Le réseau routier ASF suit les dépannages à la seconde près
Les Autoroutes du sud de la France ont imposé aux dépanneurs de s'équiper d'un boîtier GPS. L'exploitant du réseau routier optimise ainsi la durée des interventions auprès des naufragés de la route et vérifie leur bon déroulement en temps réel.
Stationné sur la bande d'arrêt d'urgence, le 44 tonnes ne peut pas faire un mètre de plus. L'un des pneus du tracteur a crevé, à hauteur de Lançon-Provence (Bouches-du-Rhône). Impossible pour le chauffeur du poids lourd de le changer seul. Une vingtaine de minutes après avoir signalé sa situation à la borne d'appel d'urgence orange située à une centaine de mètres de là, le conducteur reçoit sur son mobile un appel du centre de supervision des Autoroutes du sud de la France (ASF).Service ultrasensible. A l'autre bout du fil, l'opérateur indique au chauffeur que le dépanneur, géolocalisé avec précision, arrivera dans exactement quinze minutes. Il en profite pour vérifier que les règles de sécurité élémentaires ont bien été mises en œuvre. Les dépannages de ce genre sont le quotidien des salariés de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes, qui en a comptabilisé 329 798 en 2012, effectués sur les réseaux des 23 exploitants d'autoroutes et d'ouvrages à péage de France. ASF, le plus important exploitant privé (2 600 kilomètres de réseau en service), gère en moyenne près de 110 000 interventions chaque année, toutes réalisées par des dépanneurs agréés. Il garantit un délai d'assistance de trente minutes pour les véhicules légers, de soixante pour les poids lourds.Pas question de laisser traîner ce genre de situations : le dépannage est un service ultrasensible pour les sociétés d'autoroutes, soumises à une forte concurrence. “ Si nous ne respectons pas nos engagements, les clients peuvent se détourner de notre réseau ou préférer des modes de transports alternatifs ”, résume Alexandre Joubert, responsable qualité chez Vinci Autoroutes, la maison mère d'ASF, mais aussi de Cofiroute, d'Escota et d'Arcour. L'enjeu est de taille puisque, en 2012, le trafic global sur le réseau d'ASF a diminué de 1,5 %. Le chiffre d'affaires péages d'ASF a ainsi stagné à 2,5 milliards d'euros en 2012, malgré des augmentations tarifaires de 2,4 % en février de la même année. Dans tout l'Hexagone, la tendance est la même : sur l'ensemble des réseaux gérés par Vinci Autoroutes, la baisse de fréquentation atteint 1,7 %.Jusqu'à fin 2011, la société d'autoroutes gérait les interventions par téléphone. Ainsi, pour déterminer le temps que mettait le dépanneur à rejoindre un véhicule en panne, elle lui demandait d'appeler deux fois le centre de supervision d'ASF : quand il quittait sa base, puis quand il arrivait sur place. “ Le problème est que nous n'avions aucun suivi en temps réel de ce qui se passait entre ces deux appels, raconte Alexandre Joubert. Or nous avons besoin de cette visibilité pour respecter, voire améliorer le service rendu à nos clients. Il s'agit aussi de renforcer les conditions de sécurité de chacun : personnes en détresse, dépanneurs, automobilistes arrivant à proximité du lieu de la panne. ” De fait, les ASF souhaitaient mesurer plus finement la position des dépanneurs lorsqu'ils interviennent sur le réseau, ainsi que le délai d'assistance.Pour cela, la filiale de Vinci Autoroutes a décidé de géolocaliser par GPS les personnels intervenant sur son réseau. Pour leur laisser le choix, ASF a retenu deux services de gestion de flotte : Mapping Control et Masternaut, chacun répondant de façon strictement identique à un même cahier des charges.Cher agrément. Bien que disponibles par Internet (en mode Saas, Software as a service), ces solutions ont nécessité une intégration au système d'information (SI) d'ASF. “ Nous voulions voir sur un même écran nos propres véhicules d'intervention et ceux des dépanneurs, chacun étant distingué par des codes couleurs différents ”, explique Alexandre Joubert.Combien cela atil coûté ? Le responsable botte en touche. “ Nous ne communiquons pas sur le prix de ces services. En termes de sécurité, la notion d'argent n'entre pas en ligne de compte… ” Pour les dépanneurs, l'adoption du système a entraîné des dépenses supplémentaires. Car pour conserver leur agrément, ou obtenir l'autorisation d'intervenir sur le réseau autoroutier, les indépendants ont reçu l'obligation d'installer dans leurs engins, et à leurs frais, un boîtier GPS connecté au service Mapping Control ou à celui de Masternaut. Les deux fournisseurs se chargent alors de transmettre les données au centre de supervision d'ASF.Aujourd'hui, 450 dépanneurs ont obéi à cette injonction. Ainsi, BTR Dépannage, agréé depuis 1997 et utilisateur de la solution edépanne de Mapping Control depuis juillet 2012, a équipé sept de ses 14 dépanneuses de ce boîtier pour un coût total de 6 055 euros TTC, auquel s'ajoute un abonnement au service de 542 eurosTTC par trimestre. Pour ce spécialiste des interventions sur poids lourds, l'investissement est globalement intéressant. En effet, la solution de géolocalisation embarquée à bord des dépanneuses les guide dans leur travail. Elle permet aux réparateurs d'informer en quelques clics le centre de supervision d'ASF de l'état d'avancement du dépannage : réception de la mission, arrivée sur le lieu, opération en cours et fin d'intervention. “ Nous gagnons du temps et de l'argent, puisque nous pouvons organiser les interventions en fonction des positions des dépanneuses. Nous roulons donc moins souvent à vide ”, résume Hervé Barthélémy, directeur de BTR Dépannage. Les gains restent toutefois modestes, puisque cette société ne réalise que 3 % de son chiffre d'affaires sur le réseau d'ASF.Preuves intangibles. Si ce système apporte un confort supplémentaire aux intervenants, il leur fournit aussi des preuves horodatées pour les clients contestant le délai de dépannage. “ Jusqu'alors, nous notions tout sur le papier, qui se perdait parfois, se souvient Hervé Barthélémy. Aujourd'hui, tout est centralisé chez Mapping Control. J'accède à nos dossiers via Internet. ” Quant à ASF, cette géolocalisation les aide à mesurer avec précision le niveau de performance atteint : 86 % des dépannages sont réalisés en moins de trente minutes. De plus, en traçant les dépanneuses sur son réseau autoroutier (la société assure contractuellement ne les pister que sur les portions qu'elle gère), elle peut informer la personne en panne d'un éventuel retard.La solution ayant techniquement fait ses preuves, son extension aux autres réseaux opérés par Vinci Autoroute est en cours d'évaluation. Un simple copiercoller ne suffira pas. Tout dépendra notamment de la portabilité de ces solutions de géolocalisation sur les SI des autres filiales et des coûts de déploiement de chaque programme. Un bon point pour la sécurité. Les prix des péages, eux, ne risquent pas de baisser de sitôt.
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