Le réseau social complémentaire des processus de l'entreprise

Le réseau social d'une entreprise ne peut pas se couper des processus mais ne peut pas non plus s'y cantonner. C'est l'articulation des deux qui donne du sens et crée de la valeur.

On parle de plus en plus de processus en matière de réseaux sociaux d'entreprise. Ce rapprochement est surprenant pour les uns, déplacé pour les autres, mais n'est finalement rien de plus que logique. Historiquement, le réseau social d'entreprise et, plus globalement, ce qui relève de l'entreprise 2.0 ou du social business s'est construit à l'opposé, voire en opposition, aux logiques de processus. Le 2.0 était humain, conversationnel, communautaire, fluide, adaptable, là où le monde des processus était structurant, rigide. Le premier fait la part belle à l'initiative, à l'innovation, aux phénomènes dits émergents là où le second bannit tout ce qui ressemble à un écart ou une exception.
Un réseau social favorise les échanges, l'apprentissage, le partage
Cette recherche de nouveaux modes d'interactions se faisait à l'opposé des logiques de processus, car les entreprises étaient parvenues à une certaine forme d'excellence dans ce domaine. Les axes de progrès se trouvaient donc ailleurs, sur tout ce qui ne pouvait être mis en processus et sur tout ce qui avait été mis sous cette forme, alors que l'activité ne s'y prêtait pas.
De plus, l'économie et le travail mutent vers des logiques de savoir et de services, la nature de nos activités évoluent donc profondément. Aujourd'hui, la valeur ajoutée de l'humain dans l'entreprise réside dans sa capacité de résolution de problèmes, d'innovation et de décision. Tout ce qui est modélisable ayant fini sous forme de process, il ne reste plus à l'humain que ce pour quoi il est unique. Et parce qu'il favorise les échanges, l'apprentissage, le partage, le réseau social est devenu le support par excellence de ces nouvelles activités qui occupent l'essentiel de notre temps.
Comme je l'ai entendu récemment, le réseau social est l'ERP de l'entreprise de demain. Mais ne nous méprenons pas : les réseaux sociaux ne remplaceront pas les ERP, ils seront leur pendant pour les activités pour lesquels ces derniers ne sont pas adaptés. Ils viendront en plus, en complément de l'existant.
De la nécessaire articulation entre processus et réseaux sociaux
Ceci dit, la pratique a montré les limites d'une vision trop intégriste et des querelles de clocher. L'entreprise a besoin de processus, elle est structurée autour d'eux. Normal, puisque sa fonction est de produire et qu'un minimum de structuration s'impose en la matière. Déconnecter les réseaux sociaux des processus aide à l’échange de savoirs et sert, dans une certaine mesure, à recréer du lien mais de manière limitée. Dans ce cas, l'outil n'est en effet pas placé au cœur de l'activité qui continue à prendre place dans le courrer électronique, et les outils métier. Son adoption est alors longue et ne touche au final qu'une frange de la population.
Or les processus ne sont pas nécessairement synonyme de rigidité : nombre d’entre eux comprennent un grand nombre de points de flexibilité pour rester efficaces. Ce qui nous ramène aux questions de résolution de problèmes et d'innovation.
La tendance forte actuelle consiste à articuler outils métiers et réseaux sociaux, logiques de processus et logiques sociales. Tout d'abord parce que cela a du sens, ensuite parce que c'est un moyen relativement évident de s'assurer de leur double contribution à la performance de l'entreprise. Mettre la capacité à mobiliser des personnes et des savoirs au service de la prise de décision, de la résolution de problèmes, de la gestion des exceptions est indéniablement un point d'équilibre souhaitable. Loin d'être une source de trouble et d'instabilité, le social est une approche bénéfique au service des logiques de processus et de lean management. Ceux que le sujet intéresse devraient lire Processus et Entreprise 2.0 d'Yves Caseau, vice-président de Bouygues Telecom.
Bien choisir les pilotes d’un projet de réseau social
Ces quelques rappels sont indispensables pour se demander si le réseau social doit être piloté ou non par une personne ou un département proche des logiques de processus. Au vu de ce qui précède, la réponse est évidemment oui. Mais confier un projet de réseau social à de telles entités ou personnes comporte un risque significatif : celui de passer à côté de toute la dimension humaine, des bénéfices en termes de ressources humaines, d'engagement des collaborateurs qui résultent des usages de l'outil hors flux de travail. A l'inverse, confier le projet à des personnes éloignées des processus – voire leur étant profondément allergiques – limite l’impact de l'outil et les bénéfices tangibles associés.
Un réseau social est affaire de parties prenantes. A ce titre, il doit être piloté par des personnes sensibles et légitimes aux différents enjeux. L'instance de pilotage doit donc comporter des personnes légitimes sur les logiques de processus, mais également des personnes qui en sont éloignées.
Penser plate-forme sociale plus que réseau social
Le réseau social est une plate-forme protéiforme qui supporte une multitude d'activités et d'usages. Le cantonner à une approche précise revient à recréer les silos qu’il combat. Il est d’ailleurs utile de penser plate-forme sociale plus que réseau social : plus que d'un outil, c’est d’une couche fonctionnelle dont il est question. Celle-ci enrichira l'ensemble du système d'information, liant la dimension sociale au contexte de travail. Les flux des applications métier arriveront dans le réseau social, les fonctionnalités sociales d'engagement, de mobilisation des expertises seront accessibles dans les outils métier. De ce côté, et pour ne citer qu'eux, regardez ce que signifie Social Layer chez Opentext, Social Business Toolkit chez IBM, Social Ready chez Jamespot.
Le réseau social ne peut se couper des processus mais ne peut non plus s'y cantonner. C'est l'articulation de ces deux logiques qui donne du sens et crée de la valeur.
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