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Difficile de ne pas céder à la tentation de la virtualisation tant ses atouts semblent nombreux. Mais sa jeunesse incite les DSI à la prudence.
' Données, applications, serveur, réseau, stockage... La virtualisation, c'est la possibilité d'exploiter de façon homogène, l'hétérogénéité des situations ', débute Nicolas Sekkaki,
vice-président de la division systèmes et technologies chez IBM. C'est un constructeur qui le dit ! Cette technologie sert à créer sur une infrastructure (réseau de stockage, serveur, PC) des espaces virtuels où cohabiteront, de façon
indépendante, divers systèmes d'exploitation. La promesse d'une simplification drastique des architectures. ' On attend d'un système d'exploitation qu'il masque l'hétérogénéité des matériels. Windows ou Linux ne le permettent pas. La virtualisation, si ', se réjouit Robert Eusèbe, DSI de la
chaîne de télévision Arte.Utilisateurs, constructeurs et éditeurs s'accordent sur un point : un serveur physique est sollicité, au maximum, à 10 ou 15 % de ses possibilités. Faire fonctionner plusieurs machines virtuelles sur un même serveur ne
présenterait que des avantages : consolidation du parc, simplification de la maintenance, optimisation des performances et, même, réduction des coûts. La virtualisation, une solution magique ? Peut-être, mais elle n'est pas très répandue.Pragmatiques, les entreprises l'adoptent en priorité pour remédier à la balkanisation du système d'information et pour en simplifier l'administration. Opportunistes, elles adaptent leur plan de marche au renouvellement de l'existant.
Prudentes, elles progressent par étapes, simplification ne rimant pas forcément avec simplicité de mise en ?"uvre. Mais, apparemment, le jeu en vaut la chandelle.
Ne plus réserver un serveur à une application unique
Un serveur par application, ça suffit, semble devenu le mot d'ordre au sein des DSI. Ainsi, Robert Eusèbe se désolait que sa solution antivirus immobilisât un serveur utilisé à 10 % de son potentiel. ' Nous
devions faire face à une multiplication du nombre de serveurs, non par besoin de capacités, mais à cause de l'instabilité des applicatifs devant cohabiter dans le même environnement d'exécution. ' Le DSI d'Arte a choisi de
virtualiser une partie de ses serveurs d'applications. Il compte ramener leur nombre de cinquante à sept. Depuis la fin décembre 2005, vingt machines virtuelles ' tournent ' sur deux serveurs ESX de l'éditeur américain
VMWare.Chez Aviva, la limitation du nombre des serveurs représente une étape obligée de la modernisation de l'infrastructure. Avec divers systèmes d'information hérités de multiples fusions, l'assureur exploite environ 180 serveurs
(Unix, NT et AS/400), sans compter la partie grands systèmes, déjà consolidée. ' Avec trois machines physiques très propres, on passera à une architecture très simple à exploiter. Fini, la tuyauterie façon
spaghettis ', s'enthousiasme Stephan Chraibi, responsable architecture, méthode et qualité chez Aviva.C'est également l'objectif poursuivi à l'Association générale de prévoyance militaire (AGPM). La plupart des 90 serveurs, sous Windows, migreront d'ici à la mi-2006 dans une ferme de serveurs-lames Fujitsu-VMWare, à raison de six
à huit machines par lame. ' Nous voulons optimiser et industrialiser l'administration de nos serveurs ', déclare Robert Candela, le DSI de la mutuelle. Ici, la consolidation semble presque naturelle et
facilitée par un système tout Windows. ' Nous avons toujours eu une culture de l'ordinateur central. ' C'est en étudiant le plan de reprise de l'activité que l'idée d'une architecture virtualisée a
germé. ' Avec une architecture plus homogène, le plan de reprise de l'activité est plus simple à mettre en place. Sinon, c'est un plan par type de serveur. 'La virtualisation peut aussi accroître la disponibilité du système d'information. ' C'est une solution que nous avons adoptée pour résoudre l'équation liant la disponibilité totale de nos applications de
production à un coût acceptable ', explique François-Xavier Enderlé, ingénieur systèmes d'information industriels chez Renault Trucks.
Une rationalisation favorisée par l'inflation du nombre d'applications
Si les raisons ne manquent pas pour virtualiser, c'est souvent l'occasion qui fait le larron. Avec ses différentes implantations dans le monde, le groupe de chimie Rhodia observe une inflation de ses applications de type extranet,
intranet et pour les sites Internet. Cette situation découle de la croissance du nombre des utilisateurs, mais également du fait que les solutions existent en plusieurs langues. En tout, il existe une centaine d'applications, réparties sur une
cinquantaine de serveurs. ' Deux raisons principales ont poussé au déclenchement de notre projet, expose Jacques-Benoît Le Bris, le directeur e-business. Le premier facteur naît d'une volonté de disponibilité
24 h/24 et 7 j/7 non négociable, quelle que soit la criticité de l'application. Le second vient du fait de changer d'hébergeur. ' Jacques-Benoît Le Bris voulait absolument éviter de se retrouver avec une sauvegarde
par serveur. ' Après un audit, je me suis aperçu que 80 % des serveurs avaient une valeur comptable nulle et une valeur d'utilisation quasi nulle. 'La rationalisation du système d'information est décidée vers la mi-2004. ' Nous avons essayé VMWare sur un coin de table. ' Depuis, le groupe exploite une plate-forme composée de trois
serveurs ESX sur lesquels fonctionnent trente-cinq applications en production. Le renouvellement du matériel peut en effet constituer, si ce n'est la raison majeure, du mois un facteur favorable pour virtualiser en partie son architecture. Et une
fois la décision prise, en jalonner le déroulement. ' Les paliers sont définis par l'obsolescence des matériels, les lots à virtualiser selon la vétusté des serveurs ', précise Robert Candela.Dans tous les cas de figure, ou presque, la prudence reste de mise. ' La virtualisation, c'est assez nouveau. Nous sommes un peu comme saint Thomas, nous attendons de voir ! Nous avons débuté avec une
application que nous maîtrisions entièrement ', nuance François-Xavier Enderlé. Même attitude chez AGPM : ' Notre souci principal était que cela ne soit pas trop lourd à mettre en place. Nous avons
opté pour une solution try and buy avec la réalisation en quatre mois d'un prototype par Fujitsu. Et, en 2005, une trentaine de machines virtuelles ont été installées, détaille Robert Candela. Nous ne
disposions pas de beaucoup de référentiels concernant le nombre de machines virtuelles supportées par une lame. '
Un obstacle parfois inattendu : les réticences des équipes
Les projets de virtualisation se conçoivent donc par étapes. Un peu comme au poker, on paie pour voir. Les directions informatiques doivent souvent calmer l'inquiétude d'une partie de leurs équipes. Alain Boyer, responsable des
infrastructures informatiques chez Nextiraone, SSII spécialisée dans l'intégration de réseaux, confirme : ' Notre approche est très pragmatique. Maintenant que nous avons passé le cap de la crainte de la virtualisation en
production, nous raisonnons de la façon suivante : cette nouvelle application peut-elle être virtualisée ? 'Mais il a fallu du temps avant d'en arriver là. Il y a trois ou quatre ans, Alain Boyer a essayé VMWare dans le dessein de mettre en place très rapidement des environnements de tests sans déplacer beaucoup de machines. Après un essai
concluant de l'outil GSX, toutes les nouvelles maquettes sont passées sous VMWare. ' J'ai ensuite été confronté à l'inquiétude des ingénieurs systèmes, qui ne voyaient pas d'un bon ?"il le passage en production,
convient Alain Boyer. Il y a deux ans, nous sommes passés en production avec des applications maison, peu consommatrices de ressources, mais exigeantes en termes d'environnement. ' Une expérience qui a démontré aux
ingénieurs la fiabilité de la solution. ' Notre infrastructure compte désormais douze serveurs accueillant 60 ou 70 machines virtuelles, dont la moitié sont en production ', se réjouit Alain Boyer. Qui envisage avec
circonspection les étapes suivantes, notamment la gestion automatique des incidents et le redémarrage autonome des machines virtuelles. ' Nous n'aimons pas beaucoup que les choses se déroulent sans que l'on sache vraiment le
pourquoi du comment. Nous allons commencer par des applications secondaires. '
Des premiers bilans satisfaisants
La virtualisation peut se révéler très complexe à mettre en ?"uvre. Outre le manque de recul sur la technologie, la cohabitation entre les environnements physique et virtuel semble délicate. Et les compétences en interne manquent.
' C'est le support niveau 5 de VMWare aux Etats-Unis qui nous a aidés pour mettre au point les lames dans l'architecture désirée ', déclare François-Xavier Enderlé. ' Nous avons
été jusqu'à Austin pour voir les fellows ' (la plus prestigieuse des distinctions techniques chez IBM), renchérit Stephan Chraibi.Au-delà des difficultés, le pari de la virtualisation semble judicieux. Si la plupart des projets restent en phase de déploiement, les premières étapes ont été franchies et les premiers bilans semblent satisfaisants. Sur le plan
économique, tout d'abord. ' En termes financiers, le retour sur investissement est réel ', affirme Robert Eusèbe. Il évalue un gain à partir de quatre serveurs d'applications virtualisés sur une machine
physique. Mais, nuance-t-il, ' au niveau des licences (système d'exploitation et applications), l'opération reste neutre '. Dans son cas, Jacques Benoît Le Bris pense atteindre le retour sur
investissement en deux ou trois ans, ' mais avec un niveau de qualité de service immédiat, ou presque '.Plus que l'aspect financier, le côté opérationnel séduit les responsables informatiques. ' Les objectifs sont tenus, on arrive rapidement à quelque chose d'opérationnel, sans effet
tunnel ', s'étonne presque Robert Candela. ' Un serveur virtuel, en fait, c'est un fichier. Le sauvegarder est très simple. Dans le cadre de notre plan de reprise d'activité, nous avons réduit de douze
mois à un mois/homme la charge de rédaction et celle des tests et procédures ', détaille Robert Eusèbe. Si riche qu'elle soit en qualités, la virtualisation ne constitue qu'un des éléments de la modernisation des
architectures. Et, si convaincantes soient-elles, les expériences paraissent trop récentes pour en tirer tous les enseignements, positifs comme négatifs.