Le talon d’Achille des projets d’entreprise 2.0 : une courte vue

Pour réussir, un projet 2.0 a besoin d'une vision d'entreprise clairement définie et d'un appui suffisamment long pour achever son déploiement.

L’entreprise 2.0 transforme les usages, c’est un fait établi, et, à terme, elle transformera sans doute profondément l’organisation, comme je le soutenais dans mon dernier billet. Les entreprises sont maintenant au courant, elles comprennent le concept, considèrent l’investissement, voire le lancent. Et ce, même si la création de valeur n’est pas évidente. Pour le business case, on met encore en avant les économies de déplacements ou l’augmentation de la productivité liée à une plus grande efficacité pour trouver l’information, mais cette dernière est très difficile à chiffrer. La diminution du syndrome e-mail est, là encore, très difficile à mesurer.
Il n’empêche, le mouvement est lancé. On a dépassé l’époque des pionniers, on est maintenant dans l’ère de la majorité précoce, ou early majority, comme on l’appelle dans les cours de marketing produit. Les solutions proposées sont matures, les novateurs ont défriché le terrain, il est temps d’y aller.
Le 2.0 doit servir la vision de l’entreprise
Les entreprises ont aussi compris que la technologie ne fait pas tout, et qu’il faut un projet organisationnel. Les utilisateurs se serviront des plates-formes collaboratives, si cela a un sens par rapport à la mission de l’entreprise et à leur propre job, mais pour l’impulsion de départ, il faut plus. Idéalement, il faut que cela serve une vision : être à la pointe de l’innovation pour certains, faire de l’entreprise une vitrine technologique ou globaliser l’organisation humaine pour d’autres. Une vision qui peut être large ou pointue, comme le zéro mail d’Atos, dont on reparle ces jours-ci suite au rachat de BlueKiwi.
Les entreprises ont aussi compris qu’il est bon de se faire accompagner, d’autant plus s’il n’y a pas de sponsor fort dans l’organisation. Dans le cas contraire, le projet s’enlise dans la concurrence entre les différentes parties prenantes ou s’étouffe par manque de recul et de réflexion.
Les opérationnels seuls au coeur du changement
Pour autant, les implantations que je vois ou dont j’entends parler sont souvent exécutées à des échelons intermédiaires. Même si le comex approuve la décision, la réalisation ne se fait pas au niveau stratégique mais au niveau opérationnel : rationalisation des usages et réengineering des processus. On réalise ce qui a été chiffré dans le business case et on oublie, pour l’instant, les grandes idées sur l’entreprise de demain. Il y a déjà bien assez d’obstacles à franchir comme ça, soyons pratiques. Sauf que du coup, sans cette dimension visionnaire, le projet d’Entreprise 2.0 devient beaucoup plus sensible aux aléas de politique interne et du contexte économique général.
Un de mes contacts me disait récemment que son entreprise venait de geler quatre ans d’effort et une implémentation bien avancée à la suite d’un changement de direction. Le nouveau PDG et son équipe ont pour mission de gouverner au mieux l’organisation au sein de la crise. Un projet transversal comme le développement du collaboratif ne convient pas à leur stratégie de rigueur. La reprise en main des équipes passe par la maîtrise verticale des budgets et la possibilité de tailler dans le vif. Plutôt que de capitaliser sur l’adaptabilité et la puissance qu’acquiert l’entreprise en se maillant et en agissant comme un organisme cohérent, ils ont préféré le retour à une organisation traditionnelle en silos. Le projet d’Entreprise 2.0 n’est plus qu’un « overhead », un centre de coût indirect, cible idéal pour pratiquer des coupes.
Des changements de direction qui déstabilisent les projets
Que le changement d’orientation soit attribué à une politique de rigueur n’est peut-être qu’un prétexte. La plupart des projets transversaux ont souffert dans le même temps : besoin de contrôler les finances, voire de faire oublier les grands projets de l’équipe précédente.
Même si toutes les entreprises ne sont pas sujettes à des changements de direction aussi drastiques, on sait que le leadership des entreprises est cyclique. A une période de changement adaptif, durant laquelle des projets transversaux se déploient et où les employés adoptent en masse les nouvelles pratiques et multiplient les bénéfices par de nouveaux projets, succède une phase de changement technique qui refocalise les efforts sur d’autres défis.
Si le cycle suivant démarre avant que le déploiement soit pleinement réalisé et que le projet n’est pas protégé par une vision solide et consacrée, celui-ci risque de stagner, voire de disparaître. Les projets d’entreprise 2.0 ont besoin d’une période de changement adaptif suffisamment longue pour se déployer pleinement. Une vision à long terme est indispensable pour que la transformation de l’organisation soitréelle et pérenne.
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