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Comparer, un par un, les composantes d'un système d'information ne donne pas une vision stratégique. Les DSI veulent des méthodes de référence.
Incontesté en tant que base de réflexion pour identifier et quantifier les économies potentielles des systèmes informatiques, le benchmarking est très rarement envisagé comme un remède miracle.Utilisée, tout du moins en partie, par de nombreuses DSI, cette méthode d'analyse comparative demeure très circonscrite. A cela, plusieurs raisons. C'est d'abord une méthode très normative. Les expériences montrent, en effet,
qu'il est indispensable de s'accorder sur un modèle de référence. Ce qui suppose l'unanimité autour des indicateurs de performances et de coûts, notamment. Mais le benchmarking est aussi une approche qui considère le service informatique comme un
centre de coûts. Et qui, de ce fait, est incapable d'apporter des éléments de réponse à la question cruciale à laquelle doit savoir répondre tout DSI en 2003 : quelle est la contribution du système d'information à la performance économique de
l'entreprise ? Une faiblesse que reconnaît la société Compass Management, l'un des rares spécialistes du benchmarking informatique. ' Le DSI a tout pouvoir pour améliorer la qualité du service informatique rendu ou en
réduire le coût par poste. Mais lorsque sa direction générale lui demande de rai- sonner en termes de pertinence économique, il ne peut décider seul quel type d'activité de l'entreprise est le plus important, explique Howard Davies, son
directeur général. Le benchmarking ne suffira donc pas. 'Bon pour les économies, inefficace pour la stratégie, les avis se partagent en deux camps. Le premier est celui des chasseurs de coûts.
Des économies possibles de 15 à 20 %
A la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nice-Côte d'Azur, le benchmarking a servi de base à la direction informatique pour déterminer la procédure la moins chère pour répondre à un client :
' Nous sommes penchés sur les coûts de revient d'un appel téléphonique classique, d'un appel au call center, et des sites web ', explique Jacques Vaesken, directeur informatique et télécoms de la CCI.
Le résultat ? ' Les sites web se sont avérés les plus économiques. 'Même attitude pour le spécialiste de la restauration Sodexho : le benchmarking lui a d'abord permis d'y voir clair dans les coûts informatiques. Début 2001, l'entreprise décide de l'appliquer dans trois domaines bien
précis : les serveurs et les micros, les réseaux, et, enfin, les études et développement. ' Sur les deux premiers périmètres, les résultats ont été satisfaisants, puisque nous avons dégagé des économies de l'ordre de 15 à
20 %, explique son DSI, Patrick Gargula. Ce qui représente un gain dix fois supérieur à ce que nous avons dépensé pour cette mission. ' Après ces résultats concluants au niveau de la France, Sodexho
a élargi la pratique du benchmarking à toutes les filiales. L'objectif ? Comprendre les écarts de coût. ' D'un pays à l'autre, l'amplitude apparente du coût informatique était de l'ordre de 4 à 5. Désormais, en utilisant
des définitions et un langage communs, nos coûts sont effectivement comparables ', précise Patrick Gargula.Dans ce contexte de coûts et de charges, les méthodes comparatives du benchmarking peuvent servir de support de communication. Ce qui n'est pas inintéressant pour des DSI de plus en plus souvent confrontés à des demandes de
justification. Pour Frédéric Leconte, DSI d'Amadeus France, ' Le benchmarking sert à prouver à ma direction générale que l'argent qu'elle m'a confié est bien dépensé '. Dans la même logique, le DSI de
Sodexho y voit un outil de communication : ' Nous tentons de faire comprendre aux directions générales et aux informaticiens comment se forment les coûts, poursuit Patrick Gargula. Nous sommes en
mesure, par exemple, de connaître les charges induites par l'achat de mille PC supplémentaires. '
Le poids insuffisant de l'échantillon de référence
Reste que l'intérêt du benchmarking est fortement limité par son besoin de normalisation : ne peuvent être comparées que des choses comparables. Or, il est difficile de confronter son informatique à celles d'autres
entreprises. Même si elles appartiennent au même secteur d'activité. Les systèmes d'information dépendent très fortement de la culture, de l'organisation et de l'objectif de chacune d'elles.Ainsi, François Drouin, DSI du groupe Printemps, estime que ' comparer son entreprise à d'autres, comme Auchan ou Leclerc, ne présente pas d'intérêt particulier. En effet, le Printemps a une utilisation
bien spécifique de ses outils informatiques. ' Cependant, la comparaison avec des entreprises à l'activité différente ne le gêne pas. ' L'important est de recourir à des métriques objectives, qui soient
reconnues de tous ', résume-t-il. Même son de cloche chez Jérôme Fourmont, DSI de Christian Dior Couture, pour lequel ' une reconnaissance collégiale des indicateurs de performances est un nécessaire
préalable au benchmarking '. Mais il estime que ' l'interprétation des indicateurs est très discutable '. Et va même plus loin, soulignant que ' sans
l'existence de méthodes éprouvées, on ne valorisera toujours pas le retour sur investissement, ni le bénéfice rendu à l'entreprise '. Ce problème de la pertinence des indicateurs est particulièrement criant sur le périmètre
des études et développement. Patrick Gargula (Sodexho) en a fait l'expérience, estimant, in fine, que les résultats obtenus dans ce domaine ne sont pas satisfaisants. ' Il a fallu dépenser beaucoup d'énergie notamment
effectuer un important travail de définition des métriques , pour un résultat faible ', déplore-t-il. Un résultat en outre contestable sur ce périmètre, car, ' le choixde l'échantillon des applications
n'est pas neutre dans les résultats'. Et de conclure qu'' il est plus important de respecter scrupuleusement les bonnes pratiques connues de tous pour la gestion de projet que de faire du benchmarking en
matière d'études et développement '. Un problème que le Cigref avait déjà relevé, en 1999, dans un rapport sur le benchmarking informatique : ' Contrairement au monde de la production, le monde des
études et du développement est beaucoup plus réticent à la mesure et à la comparaison. '
Un outil qui s'adapte au ralenti aux technologies nouvelles
Entre concurrence pure et compétition, le benchmarking pose aussi la question de l'avantage concurrentiel : ' Notre marché ne nous permet pas de nous comparer à nos concurrents directs. Et bien sûr,
c'est dommage ', regrette Patrick Gargula (Sodexho). Encore plus tranché, Didier Lambert, DSI d'Essilor, remet en cause l'intérêt même de l'analyse comparative. ' Se comparer à des moyennes, c'est se
condamner à la médiocrité. ' Un problème d'autant plus crucial pour un groupe ' qui est leader mondial et sans industrie comparable ', ajoute-t-il.Outre les questions de concurrence et de leadership, l'autre problème posé par le benchmarking est celui du temps de constitution d'une base de référence de qualité, qui s'étale sur plusieurs années. Il est donc très difficile
d'employer cette pratique sur des technologies, des architectures ou des méthodes récentes ou innovantes.Un constat que soulevait déjà, là aussi, le Cigref en 1999 : ' Les modèles proposés [pour le benchmarking de production, NDLR] sont en partie obsolètes en ce qu'ils ne
permettent pas toujours la prise en compte des plates-formes plus récentes. ' Un point de vue que reconnaissent à demi-mot les consultants de Compass : ' La couverture des problématiques liées aux
nouvelles technologies est partielle ', admet Francis Capdepuy.Dominique Loos, responsable des opérations actions du Crédit Lyonnais, en a fait l'expérience : ' Récemment, lors du choix de notre logiciel d'EAI, nous avons dû lancer un appel d'offres auprès de
huit fournisseurs pour comparer leurs propositions, car le benchmarking sur ce type de solutions n'existe pas vraiment aujourd'hui. Ces technologies sont trop récentes sur le marché ', précise-t-il. Aujourd'hui, le problème
peut se poser de façon encore plus aiguë : ' Quelle pertinence peut-on accorder à une base de référence intégrant une société de services qui, par exemple, aurait disparu ? ' argumente
François Drouin, DSI du Printemps.Pour rester significative, cette base de références doit également être mise à jour régulièrement. ' La base de clients Transpac de Compass était suffisamment importante au moment du lancement du
benchmarking. En revanche, elle ne l'était pas pour ce qui concerne les autres fournisseurs concurrents, tels Cegetel et LDCom', explique Frédéric Leconte, DSI d'Amadeus France.
Améliorer la pertinence économique
Résolument dans le camp des irréductibles, Didier Lambert (Essilor) n'accorde aucun crédit au benchmarking en matière de gouvernance informatique : ' L'expression " benchmarking des
directions informatiques " est une escroquerie. Elle tend à faire croire que notre métier est suffisamment mature pour disposer de points de comparaison indiscutables. Ce qui est faux. Le partage d'expériences et l'analyse des succès et
bonnes idées des autres constituent des pistes beau- coup plus intéressantes. 'Cet intérêt pour le partage d'expériences est également mis en avant par Jérôme Fourmont (Christian Dior Couture), qui s'est orienté tout naturellement vers les autres filiales du groupe LVMH :
' J'ai recherché des indicateurs extérieurs pour pouvoir me comparer aux autres DSI du groupe. Après de nombreux échanges fructueux, j'ai trouvé des mesures communes et des " manières de faire " pour
conduire certaines opérations spécifiques. 'Economies d'un côté, stratégies d'innovation de l'autre : peut-être faudrait-il, pour concilier les deux, être capable d'associer aussi les méthodes et les outils, c'est-à-dire identifier les bonnes pratiques afin de
pouvoir les partager.
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