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Les réseaux sociaux d'entreprise ne s'imposent pas aussi vite que prévu
Les grandes entreprises françaises et les sociétés de services sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans l'aventure du collaboratif. Dans l'idéal, elles le pratiquent en interne, avec une ouverture vers les partenaires externes (prestataires, clients), éventuellement avec l'ensemble du web 2.0. Peu d'entre elles ont mené totalement cette transformation. Quelques-unes ont un, voire plusieurs réseaux sociaux internes, qui ne concernent parfois qu'une division (comme la filière ressources humaines). Elles ont aussi créé des postes de Community Managers pour faire l'interface avec les médias sociaux comme Facebook. Mais le plus souvent, l'ensemble des salariés n'est pas impliqué et formé au web 2.0. Pourtant, si les gains de ce dernier sont importants, le changement culturel l'est plus encore, et cela, à tous les niveaux hiérarchiques.
La hiérarchie bousculée
La stratégie de l'entreprise, y compris celle orientée 2.0, continue à être portée par le top management, dont la position n'est pas remise en question. Mais la pyramide hiérarchique est mise à mal au niveau des responsabilités intermédiaires. Un réseau social d'entreprise (RSE) favorise les contacts directs entre individus, quels que soient les niveaux hiérarchiques. Tout le monde devient l'“ ami ” de tout le monde, et l'information circule plus facilement. Certains chefs ont donc le sentiment d'être trop facilement contournés par leurs équipes et de perdre le pouvoir associé à un accès privilégié à l'information. “ Ils passent d'un rôle de manager à celui d'animateur, ce qui ne demande ni les mêmes postures, ni les mêmes qualités pour gérer la performance des équipes, explique Anthony Poncier, directeur d'Useo. Il faut donc les accompagner dans la prise en charge de leur nouveau rôle ou dans leur réorientation vers des filières d'expertises. ”Dans tout projet de transformation, le middle management aide à l'acceptation de la transformation par les collaborateurs. Il relaie la communication de la direction générale et la stratégie de l'entreprise, tout en étant l'un des échelons le plus touché par la transformation 2.0, ce qui freine sa bonne volonté. L'effet réel de nivellement n'est cependant pas si évident. Antonio Casilli, chercheur en sociologie à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), pense ainsi que “ dans une entreprise 2.0, la hiérarchie n'est pas remise à plat. Les liens de subordination existent toujours, même si des groupes d'univers très éloignés sont liés grâce au collaboratif, ce qui n'était pas toujours possible avant. ”La mise en place et la promotion des usages 2.0 ne sont pas toujours faciles. La mesure d'un retour sur investissement (ROI) dans ces projets n'est pas aisée. Franck La Pinta, responsable marketing à la Société générale, explique : “ Plus que des ROI quantitatifs, nous utilisons des storytelling de réussites, qui présentent des bénéfices très concrets, donc aisément reproductibles. ” Parmi les gains, on compte l'élimination des silos, les échanges transverses évitant, par exemple, que plusieurs personnes travaillent sur des projets similaires sans le savoir.
Partage de connaissance et d'expérience
La possibilité de recherche d'expertise en interne pour résoudre un problème est aussi souvent mise en avant, ainsi que le partage d'expérience et de connaissance, voire la co-innovation avec les partenaires et les clients. La gestion de la connaissance (knowledge management) est orientée documents, alors que les réseaux sociaux sont plus axés conversations, ce qui favorise la récupération du savoir non formalisé des experts dans un document. Selon Jean-François Caenen, directeur des technologies de l'innovation de Capgemini France, “ il est difficile d'avoir une gestion de la connaissance séparée des tâches opérationnelles. Les meilleurs collaborateurs sont souvent sur plusieurs projets en même temps et n'ont pas le temps de transmettre l'expérience acquise lors des missions. Avec Yammer, le partage de connaissance est rapide et intégré à l'opérationnel. ”Même si les réseaux sociaux sont généralement faciles d'usage, leur adoption n'est pas toujours aisée, alors même que leur efficacité dépend du nombre de salariés y participant activement. Les projets portés par la direction générale, la DRH ou une autre direction métier, sont souvent plus pérennes. Pour pousser à leur adoption, quelques entreprises ne font transiter certaines données que par leur RSE. Antoine Colin de Verdière, Business Development Portal & ECM au sein de Devoteam, explique ainsi que le patron de l'antenne française de sa société fournit depuis peu certaines informations business aux managers uniquement par “ le réseau social interne, devenu indispensable pour être informé de l'état d'avancement des affaires ”.Même si le mouvement s'accélère, l'entreprise 2.0 ne séduira pas forcément tout le monde. Les organisations qui réussiront cette transformation mettront en place un fonctionnement collaboratif, en interne et avec leurs partenaires, et géreront les réseaux sociaux grand public. Elles devraient de fait avoir un avantage compétitif non négligeable par rapport à leurs concurrentes.
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