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Bogues, développements stoppés, conflits… A l'issue de projets mouvementés, le Laboratoire central de la préfecture de police a déployé une plate-forme de gestion documentaire et de suivi d'activité. A la satisfaction de certains de ses utilisateurs.
Comment automatiser et orchestrer des flux documentaires entre 20 services aux activités particulièrement diversifiées ? C'est la question que le Laboratoire central de la préfecture de police (LCPP) a résolue. Et ce à travers plusieurs chantiers à rebondissements, mais qui ont fini par porter leurs fruits. Cette branche de la police scientifique intervient dans des domaines aussi différents que l'hygiène publique, les intoxications au monoxyde de carbone, la salubrité, l'ingénierie du feu, etc. De la même façon, elle compte des métiers très variés : démineurs, laborantins analysant les échantillons prélevés, experts chargés d'assister les officiers de police judiciaire sur les scènes d'incendie…Problème : les 20 sections et laboratoires étaient historiquement isolés les uns des autres. Les échanges d'information entre services s'opéraient la plupart du temps par le biais de flux papier. “ C'était le cas à chaque fois qu'une section devait produire un rapport global sur une intervention. Elle récupérait alors les résultats des autres sections intervenues sur l'affaire traitée ”, précise Xavier Bossaert, responsable informatique du LCPP.Il y quatre ans, naît l'idée d'un socle informatique commun à tous les services, au-dessus duquel seraient orchestrés des flux documentaires. Un audit est réalisé par un prestataire externe. Il conclut qu'aucune solution du marché n'est en mesure de satisfaire des besoins aussi variés. Car chaque service utilise son vocabulaire et ses conventions de nommage, et exploite des objets métier qui, selon les sections, ne recouvrent pas la même criticité. Ainsi, la notion d'échantillon est primordiale pour les laboratoires, mais elle l'est nettement moins pour d'autres sections. Décision est alors prise de recourir à des ressources internes afin de modéliser et développer une application de gestion de suivi d'activité, appelée Sial (système d'information des activités du laboratoire).
Une infrastructure solide mais difficile à bâtir
Mais Sial a besoin d'un socle documentaire pour stocker et gérer les documents partagés par les services. Un appel d'offres est lancé en 2009 afin d'équiper le LCPP d'une GED (gestion électronique de documents). Cette dernière doit soutenir les systèmes de documentation et de management qualité, dans le but de diffuser réglementations, articles et référentiels qualité dans les sections, tout en maîtrisant le cycle de vie des contenus (rédaction, correction, révision, validation de documents, etc.). La solution Freedom d'Anakeen est retenue. “ Aujourd'hui, le lien entre la GED et Sial permet à l'utilisateur de récupérer automatiquement le modèle de rapport dont il a besoin pour traiter une prestation ”, explique Muriel Bonnin, responsable de la documentation.Pourtant, aucun des deux projets ne se déroule comme prévu. En ce qui concerne la GED, l'éditeur open source retenu endosse la casquette d'intégrateur sans disposer des ressources suffisantes. Lors d'une tentative de mise en production, à la mi-2010, sa plate-forme souffre de bogues à répétition. “ Il y avait sans cesse des problèmes de régression. Certains documents ne pouvaient pas être validés ”, se rappelle Muriel Bonnin. Plus gênant encore, les équipes de l'éditeur ne sont pas sur le pont pour résoudre ces dysfonctionnements. L'application est immobilisée jusqu'en octobre 2010. Il faudra attendre une mise en production progressive avec l'éditeur pour corriger les anomalies. Sial s'embourbe aussi. Après un an de développements internes, le projet, trop lourd à gérer, est finalement stoppé net. Le LCPP change son fusil d'épaule et s'en remet à un intégrateur.Côté logiciel, Anakeen est encore sollicité, mais cette fois pour son workflow. “ Sa plate-forme Freedom, rebaptisée Dynacase, présente suffisamment d'ouverture et d'interfaces pour bâtir une véritable application. Par ailleurs, la solution repose sur des standards ouverts (Linux, PHP et PostgreSQL) préconisés par le cadre de cohérence technique du ministère de l'Intérieur ”, rapporte Xavier Bossaert.L'application commence à être déployée en avril dernier. Mais là encore, un imprévu vient gripper la machine : pour des raisons commerciales, l'éditeur et l'intégrateur se brouillent. Ce froid complique la tierce maintenance applicative (TMA), prévue pour 2012. “ L'intégrateur accepte d'assurer cette TMA sur l'évolution des développements qu'il a réalisés. Mais il refuse celle liée au noyau de la plate-forme, pour laquelle des échanges avec l'éditeur sont indispensables. Nous devrons donc recourir à un autre acteur, dont la prestation nous coûtera sûrement plus cher ”, regrette le responsable informatique du laboratoire.Ces différentes déconvenues ne doivent pourtant pas ternir le bilan largement positif des deux chantiers. Sial remplit bien sa première mission, puisqu'il offre, en temps réel, une vue exhaustive sur l'état d'avancement des demandes en cours. “ Jusque-là, il fallait mener une recherche poussée pour regrouper les informations relatives à une affaire, indique Xavier Bossaert. Désormais, avec un simple identifiant, nous savons où en est l'offre des prestations, si elle a été retenue par le client, combien elle coûte, si elle est facturée, l'état d'avancement des prestations qui l'accompagnent, etc. ”
Quelques défauts à l'utilisation, mais des gains incontestables
Du point de vue des opérateurs, le bilan de Sial est plus mitigé. L'audit, qui insistait sur la spécificité des différents métiers, avait donc vu juste : sections et laboratoires regrettent de ne pas disposer de vues personnalisées. Tous les utilisateurs, quel que soit leur profil, sont soumis à l'enchaînement des mêmes écrans. Ce qui défie parfois la logique… “ Les démineurs, par exemple, n'ont qu'une prestation à saisir : l'objet de leur déplacement. Tout ce qui est lié aux échantillons est plus occasionnel pour eux. Mais même avec peu de choses à renseigner, ils doivent le faire à travers de multiples écrans. ” Cette uniformisation, parfois gênante, n'est pas imputable à l'éditeur. Elle incombe aux priorités définies et aux spécifications à implémenter. “ Si le projet était à refaire, nous exigerions plus de contraintes et demanderions moins de détails ”, admet Xavier Bossaert. Toutefois, la TMA devrait régler ces problèmes.Côté GED, en revanche, malgré les bogues initialement rencontrés, les gains sont incontestables. Ils riment avec une réduction drastique du papier. Ainsi, au service qualité, la production des fiches traduisant les procédures à suivre a été entièrement dématérialisée à l'aide du workflow. De la même façon, au service documentation, toute l'information scientifique (références, articles, conférences, revues, etc.) est partagée par l'ensemble des sections.Autre point de satisfaction, le bilan financier. Le coût des deux projets reste imbattable : 270 000 euros. D'ailleurs, le choix de Dynacase résultait avant tout d'une logique économique. Et pourtant, le LCPP n'a pu réellement profiter du volet open source de la plate-forme. “ Le code est ouvert, mais l'environnement est si complexe que l'on reste autant attaché à l'éditeur que s'il s'agissait d'un système propriétaire. D'un autre côté, c'est le prix à payer pour disposer d'une plate-forme documentaire robuste, facilement intégrable et se prêtant au développement d'applications riches. ”
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