Les directions générales exigent de leurs DSI plus qu'un bon fonctionnement de l'informatique : une contribution à la pérennité et au développement de l'entreprise. Une exigence qui a trouvé ces dernières
années sa traduction dans la recherche d'un alignement de l'informatique sur les métiers.
' La difficulté de l'exercice met le DSI dans une perpétuelle insécurité du fait de plusieurs points de
tension ', considère Laurie Orlov.L'analyste du cabinet Forrester relève trois points d'achoppement. D'abord, la difficulté à répondre aux nouvelles demandes et à satisfaire tout le monde que doit affronter une DSI dont les budgets sont grevés
par l'entretien de l'existant. Ensuite, le problème des objectifs à se fixer. Faut-il ainsi privilégier la gestion opérationnelle ou la conduite de l'évolution des processus métier ? Ou bien externaliser la première pour
mieux aborder la seconde ? Et enfin, la question du changement : non contente de veiller quotidiennement au bon fonctionnement du SI, la DSI doit garder l'?"il sur les marchés où travaille l'entreprise, faute de quoi ses
capacités de réaction risquent de se trouver réduites, et les différentes divisions iront de l'avant sans elle.
L'alignement totale avec l'activité est impossible
' Au final, il n'existe pas de nirvana de l'alignement, et l'inquiétude des DSI ne semble pas étonnante, car ce qu'ils recherchent ne peut pas être atteint. Leurs efforts visent à
réaliser un état d'alignement, qui verrait l'accord idéal de l'informatique avec l'organisation de l'entreprise, sa stratégie, ses processus... Mais les exigences auxquelles sont confrontées les DSI ne se
trouvent pas dans un état stable, elles changent, de telle façon qu'en arriver à un alignement total de l'informatique sur l'activité est impossible. ' Et le modèle de l'alignement se retrouve mis
en cause par une évolution de la place de la technologie dans l'entreprise.
' Dans les cinq prochaines années, les entreprises atteindront un point de bascule dans l'usage des technologies. Le métier sera si
profondément incarné dans la technologie, et la technologie dans le métier, que le mode de fonctionnement actuel de l'informatique fera place à la Business Technology : un usage omniprésent de la technologie afin d'améliorer les
résultats de l'entreprise. 'Conséquence, les différentes entités de l'entreprise (directions métier, filiales, etc.) seront en mesure de court-circuiter la DSI pour se fournir auprès de prestataires SaaS ou BPO (Business Process Outsourcing).
' Ce qui exacerbera encore les tensions auxquelles sont déjà confrontées les DSI, et rendra l'hypothèse d'un alignement encore plus incertaine. En effet, gérer la demande deviendra plus complexe, puisque les
technologies arriveront avec ou sans la direction informatique, hors de son contrôle. Le focus sera plus difficile à trouver : la réponse aux besoins ne sera plus assurée par la seule DSI, mais elle devra cependant s'assurer que ces
technologies apportent des bénéfices réels sans engendrer de risques. 'Les DSI devront s'engager sur des résultats
Le rythme du changement devrait aussi s'accélérer : dans cette entreprise modulaire, les différentes branches et entités se combinent, se séparent et se recombinent facilement, multipliant les modèles économiques, les
produits et les services. Pour accompagner le mouvement, l'informatique ne devra plus se préoccuper d'alignement, mais de ce que Laurie Orlov nomme ' synchronisation '. Les choix techniques, par exemple,
seront effectués au niveau de la direction de l'entreprise, et non plus délégués à la DSI. La question de la juste mesure entre gestion en interne et externalisation ne se posera plus, du fait du recours aux prestataires SaaS et BPO
?" ce qui rendra obsolète le modèle du service informatique vertical dont la vocation était de tout fournir à tout le monde.
' Les organisations Business Technology devront continuellement orchestrer un ensemble de
fournisseurs, dont certains auront été recrutés indépendamment d'eux. ' Même les opposants les plus farouches à l'externalisation n'auront plus le choix : la décision ne dépendra plus d'eux.
Comment mesurer alors la qualité du service rendu par l'informatique ?
' Par des objectifs business : contribution à la réduction des coûts, amélioration des processus, ou augmentation du chiffre
d'affaires. Les entreprises demanderont à leurs spécialistes technologiques de s'engager sur des résultats tangibles. Même des améliorations apportées aux infrastructures seront liées aux processus et aux entités qu'elles
soutiennent. Les responsables Business Technology ne pourront plus se cacher derrière l'impossibilité de traduire des évolutions technologiques en bénéfices d'entreprise. '
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