Les avocats font encore trop l'impasse sur le numérique

Au moment même où les avocats descendent dans la rue pour protester contre la loi Macron, une étude britannique annonce qu'une partie de cette profession sera remplacée d'ici à 2030 par des systèmes d'intelligence artificielle. Nouvel exemple d'une profession incapable de percevoir les bouleversements liés à l'arrivée du numérique.
Barreaux en grève, avocats dans la rue, les professions juridiques protestent bruyamment aujourd’hui contre la loi Macron. S’il est légitime qu’une profession se batte pour son avenir, il serait aussi temps pour ses représentants de se tourner un peu plus rapidement vers les prochains bouleversements liés notamment à l’arrivée du numérique.

Une récente étude du cabinet londonien de conseil juridique Jomati Consultant, reprise par le site spécialisé Legal Futures, affirme ainsi que d’ici à 2030, des systèmes d’intelligence artificielle remplaceront le travail des plus jeunes avocats. Ce rapport intitulé « Civilisation 2030 : le futur proche des sociétés juridiques » précise ainsi qu’un seul robot pourra effectuer des tâches de base, réalisées aujourd’hui par une douzaine de jeunes associés. « Ce ne sont pas seulement les jeunes avocats qui sont menacés mais l’ensemble de la profession. On voit apparaître aujourd’hui tout un écosystème de startups spécialisées dans le domaine du juridique. Celles-ci proposent des services autour des bases de données prédictives, des prévisions sur la législation ou encore du profilage de magistrats », souligne Frédéric Pelouze, ancien avocat et fondateur d'Alter Litigation et du think tank L’Incubateur.
Et pour les entreprises qui sauront prendre ce virage, l’arrivée des robots, des systèmes d’intelligence artificielle, des moteurs de recherche sémantiques et des solutions big data ouvre de nouvelles perspectives que refusent de voir les professions traditionnelles. A l’instar des taxis, si les professions juridiques tardent à se transformer, la menace de voir une partie du métier disparaître est forte.
Le numérique va démocratiser le droit auprès du grand public

« Les enjeux de cette transformation sont doubles, juge Frédéric Pelouze. Les clients vont bénéficier d’un accès au droit plus simple. Les systèmes numériques intelligents sauront ainsi parfaitement répondre aux besoins du grand public. Les machines vont en quelque sorte démocratiser le droit. Ce que les avocats n’ont aujourd’hui pas su faire. Le deuxième enjeu porte lui sur l’avenir de la profession. S’ils continuent à s’arcbouter sur leurs positions sans chercher à intégrer le numérique, les avocats ainsi que d’autres professions juridiques vont se tirer une balle dans le pied ».
La responsabilité de cet accompagnement vers les technologies repose aujourd’hui sur les représentants de la profession. Les premières mesures à prendre sont assez simples comme la mise en place de solutions de relations clients. « Nous sommes une profession qui ne démarche jamais ses clients et qui n’utilise du coup aucun des outils à notre disposition pour élargir notre clientèle », clame Frédéric Pelouze.
La profession d’avocats pourrait également s’ouvrir aux financements extérieurs et en profiter pour accélérer le déploiement de plateformes numériques. L’intelligence artificielle, les moteurs de recherche sémantiques, les systèmes big data, peuvent être perçus comme des opportunités pour les avocats. Plutôt que de subir leur arrivée déjà programmée, il faut que dès aujourd’hui les avocats cherchent à les utiliser pour accroître plus rapidement leur expertise. « Il faudra faire avec le numérique, c’est inéluctable. Les experts juridiques de demain sont sans doute en train de naître en ce moment. A nous d’en faire partie », conclut Frédéric Pelouze.