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Référencer les compétences, c'est aller bien au-delà de la simple gestion de personnel. Cette mission devient cruciale pour les DSI et les SSII.
La gestion des compétences traîne une mauvaise réputation. Les entreprises redoutent ces chantiers titanesques qui accouchent d'usines à gaz. Selon une étude publiée en 2006 par l'organisme de formation Demos, 42 % des sociétés interrogées (pour moitié des entreprises de plus de 1 000 salariés) n'ont aucun outil pour informatiser cette démarche, et 33 % reconnaissent ne se servir que d'Excel. Seules 15 % d'entre elles utilisent le module spécialisé de leur progiciel de gestion intégré et 7 % un logiciel dédié.Toutefois, depuis janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi Borloo sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, bon nombre de sociétés se penchent sur la mise en place de tels systèmes. Rien d'étonnant, car le besoin de cartographier les compétences, notamment informatiques, devient vital ! ' Dans les métiers de l'infogérance, il nous faut tenir compte de l'évolution rapide des technologies et des ruptures de contrats, déclare Brigitte Boursier, DRH de l'activité infogérance de Capgemini en France. Lorsqu'un client ne renouvelle pas son contrat ou consacre une part importante à l'offshore, nous devons reconvertir rapidement certains informaticiens à des nouvelles techniques et les doter de nouvelles compétences. '
Pilotage : pas seulement l'affaire des RH
Première démarche : formaliser précisément les objectifs. Or cette étape, primordiale, s'avère bien souvent bâclée. L'Unedic, l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage, s'est doté d'un référentiel de compétences pour profiter d'une vision globale de tous ses métiers. A cette fin, il a impliqué chaque direction. La DSI a ainsi réalisé une cinquantaine de ' fiches fonctions ', regroupées en vingt fiches emplois. Chacune d'elles décrit une mission, les activités inhérentes à celle-ci et les compétences requises. ' En possédant une vue complète sur les métiers de la DSI, il est plus facile de faire évoluer les compétences des collaborateurs. Lesquels, de leur côté, peuvent mieux se situer au sein de leur département ', détaille Hélène Rambourg, spécialiste des démarches compétences au sein de l'Unedic.Dans la pratique, les projets de gestion des compétences doivent être portés par le DRH ou un membre du comité de direction, et associer de nombreux acteurs. A l'Unedic, pas moins d'une centaine de personnes ?" collaborateurs, managers, personnels des relations humaines, de la communication et de la DSI ?" ont participé à la mise en place du référentiel de compétences de la DSI. Chez GFI Informatique, par exemple, le projet piloté par la direction des ressources humaines a fortement impliqué la direction qualité, qui bénéficiait d'une réelle légitimité sur le terrain. ' De nombreux collaborateurs de mon équipe ont réalisé plusieurs audits auprès des entités du groupe. Du coup, ils connaissent très bien les différents métiers, précise Alain Muselet, le directeur qualité du groupe, lui-même ancien manager de division. En mettant les mains dans le cambouis, ils se montrent plus à même de créer un référentiel de compétences. ' Très tôt, il s'agit que les managers, les collaborateurs, les RH, sans oublier les instances représentatives du personnel, soient informés du projet pour en comprendre l'intérêt, les enjeux et, éventuellement, se sentir rassurés.En effet, ces outils contiennent des données très sensibles concernant les acteurs de l'entreprise. Il s'avère donc judicieux d'inscrire noir sur blanc les règles d'usage dans un document et, pourquoi pas, dans une charte éthique. Les managers, soucieux de recruter un candidat en interne, s'engagent entre autres à ne pas solliciter directement les collaborateurs, mais à bien respecter le processus défini par le service des ressources humaines.
Cartographie : renoncer à répertorier tous les métiers existants
Avant de s'attaquer aux compétences, s'appuyer sur des grandes familles de métiers représente un bon point de départ. Cap Gemini a ainsi cartographié les métiers de sa division infogérance en attribuant à chacun d'eux un niveau de risque : 1, pour les métiers qui ne seront pas soumis à des évolutions majeures dans les dix-huit prochains mois, 2, pour ceux qui devront évoluer durant la même période, et 3, pour les postes les plus sensibles.Parvenir ensuite à bâtir un référentiel de compétences digne de ce nom reste une opération délicate. Surtout dans le secteur high-tech, où la palette de compétences complique la tâche. La nomenclature des métiers du Cigref sert souvent de point de départ, mais sa personnalisation impose de respecter quelques règles essentielles. D'abord, il faut à tout prix éviter de se noyer dans le descriptif des métiers et des compétences. Certaines DSI répertorient jusqu'à 5 000 compétences. C'est beaucoup trop ! ' Il ne faut pas chercher à être exhaustif en termes de technologies existantes, au risque de se voir très vite dépasser ', affirme Sylvain Letourmy, directeur HCM (Human Capital Management) chez Triviumsoft, éditeur de logiciels spécialisés dans la gestion des ressources humaines. L'une des solutions consiste à associer les utilisateurs dans le travail de description des compétences. ' Ils n'ont aucun mal, en groupe, à parler de leur métier de façon très concrète, assure Pierre-Antoine Hermange, consultant en ressources humaines chez Demos. En plus, ils prennent de la distance sur leur travail et acceptent ensuite plus facilement d'être évalués par leur manager avec cet outil. '
Référentiel métier : décrire les postes selon la culture maison
D'un pays à l'autre, parfois même d'une entreprise à l'autre, il existe des divergences importantes dans le libellé des fonctions ou de leur contenu. Du coup, il faut dégager un consensus. ' La plupart des SSII et des DSI s'appuient sur le référentiel du Cigref, qui décrit notamment les compétences requises pour des emplois types. Elles le déclinent ensuite selon les spécificités de leur métier, leurs valeurs et leur culture d'entreprise ', énonce Sylvain Letourmy, de Triviumsoft. Ainsi, le groupe GFI Informatique a lancé sa première expérience pilote dans son entité banques, finances et assurances. La société de services a conçu une fiche détaillée de deux pages pour décrire chacun de ses métiers, avec trois niveaux de compétences (débutant, confirmé ou expert). Pour cela, elle a évalué plusieurs référentiels externes, dont ceux du Cigref et de l'Apec. ' Nous nous sommes aperçus que les définitions de compétences ne collaient pas parfaitement à nos métiers, témoigne Alain Muselet. Du coup, nous avons décidé de suivre principalement le document du Cigref en simplifiant le nombre de métiers décrits. 'L'Unedic, de son côté, a complété la liste des métiers répertoriés par le Cigref, en ajoutant, par exemple, ceux qui n'y figuraient pas pour des questions d'organisation (la postproduction, entre autres). Un référentiel utile doit apparaître de façon compréhensible aux yeux des managers et des collaborateurs. Les termes utilisés revêtent donc une importance certaine. ' Nous avons aussi adapté le vocabulaire du référentiel. Ainsi, le terme business ne fait pas partie de notre culture. En revanche, nous avons introduit des notions utilisées quotidiennement par les collaborateurs de l'Unedic ', souligne Hélène Rambourg.
Exploitation de l'outil : mettre à jour la base tous les deux ou trois ans
Inviter le collaborateur à s'autoévaluer par le biais de l'intranet peut vite tourner à l'échec. Surtout s'il doit cocher une liste interminable de compétences. L'interface de l'outil se doit d'être soignée et ergonomique, afin de ne pas décourager l'utilisateur. Aider ce dernier à prendre en main sa propre carrière représente le meilleur argument pour l'inciter à employer un tel outil. Ainsi, au travers des arbres de compétences proposés par l'éditeur Triviumsoft, le collaborateur visualise le nombre de personnes qui détiennent les mêmes compétences que lui, de fait, il a la possibilité de mieux percevoir sa contribution dans l'entreprise ou dans son équipe.Pour faire vivre l'outil, un rafraîchissement régulier de son contenu se révèle indispensable. A la DSI de l'Unedic, le service des ressources humaines se charge de ce travail de réactualisation pour lequel il sollicite aussi quelques managers. ' En 2007, nous avons revu tout le référentiel de l'Unedic afin de nous assurer de la cohérence des emplois. Cela nous a conduits à réduire le nombre de métiers répertoriés et à repérer les métiers émergents au sein de la DSI ', relève Hélène Rambourg. Dans le secteur informatique, les mises à jour les plus lourdes ont lieu tous les deux ou trois ans. Les collaborateurs gardent toutefois la possibilité d'intégrer eux-mêmes des changements dans le système, dans des zones de commentaires libres prévues par certains outils.Afin de faire preuve d'efficacité, l'utilisation d'outils de cartographie doit s'insérer dans les autres processus de l'entreprise. Ainsi, l'accueil des nouveaux arrivants constitue l'occasion d'intégrer tout de suite leurs compétences dans la base de données. Les entretiens d'évaluation, en cours ou en fin d'année, sont de même des moments opportuns pour refaire un point sur les compétences. Mais l'outil informatique, il va de soi, ne doit pas remplacer ces moments de dialogues privilégiés des collaborateurs et des managers.s.chicaud@01informatique.presse.fr
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