Paul-Marie Dupré est le pseudonyme du DSI d'un groupe industriel international. Chaque mois, il nous apporte son témoignage ? anonyme ? sur des thématiques sensibles. Cette semaine : la refacturation des coûts informatiques.La refacturation des coûts informatiques est souvent considérée comme un “ must ” de la bonne gouvernance informatique, car elle est supposée responsabiliser les métiers sur leur utilisation des ressources informatiques. Pourtant, l'expérience m'a prouvé que refacturer les coûts informatiques se révèle parfois très coûteux, sans apporter le bénéfice attendu.Au sein de mon groupe, malgré des calculs complexes et sophistiqués, les coûts informatiques sont perçus par les filiales comme un impôt. Dans ces dernières, la discussion du budget avec les métiers ne prend guère plus de cinq minutes par an et se résume, pour eux, à s'assurer que le budget diminue d'une année sur l'autre. Pourtant, l'organisation s'efforce de définir et d'allouer des clés de facturation pertinentes. Plusieurs raisons expliquent ce désintérêt des métiers.
Des responsables trop peu impliqués
Premièrement, les filiales, DSI et métiers confondus ne sont que faiblement impliqués dans l'établissement de leurs budgets IT, arrêtés par le siège. Les décisions s'appuient sur des souhaits d'évolution à moyen terme, décorrélés des besoins des métiers sur le terrain. La fracture entre le siège et les filiales génère un véritable désintérêt de ces dernières pour leur budget IT, alors même qu'elles reçoivent les coûts dans leurs pertes et profits.Ensuite, la facturation s'effectue en utilisant des clés de répartition. Le revers de cette technique est évident. La masse des coûts informatiques doit être répartie entre les utilisateurs du service. S'il y a moins d'utilisateurs, ceux qui restent paient davantage. Si la masse augmente parce que le service IT ne maîtrise pas ses coûts, les utilisateurs paient davantage. Ce système exonère la DSI de ses obligations, et est contraire au principe même de responsabilité qu'il est censé promouvoir.La troisième raison touche à l'opacité de la facturation. Le coût d'une application de paie, par exemple, est facturé à la DRH, qui refacture la DSI de ses propres frais de fonctionnement, paie comprise. Enfin, la DSI facture les métiers en intégrant ses dépenses de fonctionnement dans ses prix. In fine, les métiers financent la paie, via la DRH et la DSI, sans le savoir. Et la DRH est censée se sentir responsable du coût total de l'application paie ! La recherche de précision conduit aussi à réaliser des calculs complexes de répartition des coûts, souvent très approximatifs. Par exemple, lorsqu'un serveur accueille plusieurs applications, son coût est réparti entre les applications hébergées. Mais quel mode de répartition peut être “ juste ” ? Entre un calcul complexe et forcément inexact et un calcul simple (et faux !) ?Donner le contrôle aux métiers
Pour s'en sortir, il convient de se demander à quoi sert la facturation. Quel problème va-t-elle résoudre ? S'agit-il d'un besoin purement fiscal ? Les métiers peuvent-ils évaluer l'intérêt et la valeur du service facturé ? La facturation leur permet-elle de comprendre leurs moyens d'action ? Première réponse : il faut savoir rester simple. Il existera toujours des coûts à répartir arbitrairement : les bureaux, l'énergie, le prix d'un serveur partagé par plusieurs applications, le salaire du DSI… La clé de répartition ne pourra être qu'arbitraire. Alors, inutile de chercher une précision illusoire. Il faut ensuite responsabiliser les DSI des filiales en leur donnant un véritable pouvoir sur leur budget, notamment celui de discuter les services du siège, tant en coûts qu'en qualité, et de les comparer à ceux d'un fournisseur local. Plus près du terrain, ils géreront souvent mieux que la DSI centrale.Une autre solution consiste à utiliser les prix pour orienter l'usage. En rendant gratuite la vidéoconférence, on favorisera son recours et on réduira les frais de déplacement. En différenciant nettement le prix des PC selon leur équipement, on incitera à employer les moins chers… En fait, il s'agit de bâtir une véritable politique commerciale, volontariste et compétitive.Enfin et surtout, il faut donner le contrôle aux métiers. Faire que les unités d'œuvre choisies soient telles que les métiers puissent véritablement agir dessus. Rien ne sert de facturer une application Groupe dont l'utilisation est obligatoire, ou un antivirus imposé par l'informatique sur tous les PC…
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