Impossible, lorsque l'on conçoit un sous-marin nucléaire ou un paquebot, de valider un prototype. Des expérimentations et, aujourd'hui, la simulation numérique, servent donc à en optimiser le design avant sa construction. Ces techniques sont de plus en plus exploitées par les architectes navals. La marine bénéficie d'une longue tradition en ce domaine. Le premier bassin d'essais des carènes a été construit à Paris (boulevard Victor) dès 1906. Là, des modèles réduits y ont été tirés pendant des décennies. Désormais, la simulation numérique est devenue un complément indispensable de ces essais.
“ La science hydrodynamique est la mère du calcul numérique : nous avons mené nos premiers calculs sur ordinateur dans les années 60… A l'époque, la petite musique des ordinateurs à lampes nous accompagnait, se souvient Alain Bovis, directeur de DCNS Research.
Si nous continuons à faire des tests en bassin, depuis vingt ans, nous développons parallèlement nos capacités en simulation numérique. C'est ce que nous avons appelé le bassin numérique. ” Et Alain Bovis de citer en exemple le SNLE (sous-marin nucléaire à lanceur d'engins) :
“ Si on remonte au programme de seconde génération, mené dans les années 90, il fallait encore 50 000 heures d'essai sur maquette. Pour la génération à l'étude, on va diviser le nombre de ces tests par cinq. C'est un moyen d'améliorer le time to market des projets et diminuer le coût des programmes. ”Le groupe DCNS compte 1 500 ingénieurs, dont au moins 300 se consacrent au calcul. Pour des raisons de secret défense, l'entreprise s'appuie sur son propre supercalculateur (équipé de 300 processeurs) pour mener ses simulations.
Maîtrise du poids et optimisation de l'industrialisation
Du côté des chantiers de l'Atlantique (désormais STX), la simulation numérique s'est imposée dans le calcul des structures de navire dès les années 80.
“ Le premier objectif de la simulation, c'est le respect réglementaire du navire, précise Joseph Pineau, responsable du secteur technique structure de STX.
Viennent ensuite la maîtrise du poids puis l'optimisation de l'industrialisation. Nous cherchons à homogénéiser au maximum la conception du navire afin d'avoir un minimum de pièces à la tonne. ” Un bateau de croisière, tel que ceux conçus actuellement à Saint-Nazaire, représente 30 000 tonnes d'acier avec, en moyenne, 9 pièces par tonnes. Les modèles 3D sont donc très lourds.
“ Contrairement à ce qui se pratique dans le secteur automobile, nous ne pouvons mener de multiples simulations pour améliorer le design d'une coque. Cet outil sert plutôt à valider nos hypothèses : nous calculons deux structures et évaluons ainsi le gain réalisé ”, conclut-il.Ce que les géants industriels réalisent en termes de modélisation 3D, les chantiers navals plus petits y viennent aussi. Comme TLB Architecture navale.
“ La simulation numérique est très coûteuse, mais j'y ai notamment recours pour concevoir les bateaux professionnels, explique Tanguy Le Bihan, le dirigeant de TLB.
Je dois m'engager sur une vitesse (par exemple 35 nœuds) en deçà de laquelle j'ai des pénalités. Avec la simulation, je m'assure que le navire pourra l'atteindre. Sur ce type de projets, le budget est conséquent et je peux en consacrer une part au volet simulation. C'est aussi le cas des bateaux construits en grande série. ” Peu à peu, les entreprises de ce secteur comprennent les gains qu'ils peuvent tirer de la simulation.
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