L'identification par radiofréquence (RFID) a perdu son modèle. Après quatre années de marche forcée, le déploiement RFID du géant américain Wal-Mart marque le pas. Grâce à la technologie de traçabilité, la progression du niveau de stocks du premier distributeur mondial devait se limiter à la moitié de l'augmentation de ses ventes. C'est l'inverse qui s'est produit au cours du premier trimestre. Les stocks ont connu une poussée de 9 % alors que le chiffre d'affaires suivait, lui, une croissance tranquille de 5,6 %. Au deuxième trimestre, la situation s'est légèrement améliorée, tout en restant loin de l'objectif.Il est à noter que deux échéances importantes ont été manquées. Le programme visant à contraindre un millier de ses 20 000 principaux fournisseurs à s'équiper en systèmes RFID ?" étiquettes, lecteurs, logiciels ?" d'ici au mois d'avril 2007 ne sera pas atteint avant plusieurs semaines et seuls 5 des 12 déploiements prévus parmi ses 130 centres de distribution sont achevés.Souhaitant éviter une dynamique analogue sur le Vieux Continent, l'Allemand Metro a prévenu les fournisseurs récalcitrants à son programme qu'ils seraient sanctionnés financièrement. A ce jour, le distributeur a équipé 180 magasins et centres de distribution, mais il n'a convaincu que 70 fournisseurs.
La collaboration plutôt que la contrainte
Pourtant, l'époque des programmes coercitifs ou ' mandates ' semble toucher à sa fin. Moins pressé de déployer, Wal-Mart s'attache désormais à convaincre ses fournisseurs des avantages économiques de la technologie. Ainsi, le distributeur lance trois initiatives RFID visant à améliorer des processus métier particuliers. Un premier pilote incite les fournisseurs à taguer les palettes envoyées vers l'un de ses centres de distribution. Moins coûteux que l'étiquetage de cartons du mandate, cette expérimentation a déjà convaincu 73 distributeurs. Une deuxième expérimentation tente d'améliorer l'efficacité des promotions. Les distributeurs taguent les cartons et les palettes à promouvoir tandis que Wal-Mart se charge d'installer des étiquettes RFID sur les emplacements de promotion (comme en tête de gondole). De cette manière, les lectures RFID permettront aux directeurs de point de vente et aux fournisseurs de vérifier que les approvisionnements sont bien effectués aux bonnes dates et au bon emplacement, afin d'améliorer jusqu'à 38 % l'efficacité de leurs promotions. Un troisième projet aidera un distributeur à vérifier s'il peut accroître les ventes d'une catégorie de produits en réduisant les ruptures de stocks par l'envoi de caisses et de palettes tagués aux bons points de vente (essai sur un désodorisant). Wal-Mart entend ainsi augmenter son chiffre d'affaires de quelque 300 millions de dollars grâce à l'amélioration de la gestion de ses stocks grâce à la RFID.D'autres distributeurs américains et britanniques, comme Target, Albertson's ou Tesco, avaient un temps annoncé des stratégies agressives de déploiement RFID. Ils ont finalement tous réduit leurs ambitions ou s'en tiennent à des pilotes supplémentaires. Depuis le 26 septembre dernier, Best Buy et Wal-Mart participent ainsi à un test ponctuel de huit semaines d'étiquetage de DVD avec cinq autres acteurs (20th Century Fox, Technicolor, Handleman, etc. ) de la filière. Tous partagent les données de lecture des tags via un annuaire basé sur le standard Electronic Product Code Information Services (EPCIS), d'EPCglobal.Carrefour multiplie les initiatives
Chef de file de la distribution française, Carrefour s'est lancé après ses grands concurrents internationaux. Le premier distributeur européen reste toutefois prudent et s'en tient à des pilotes. L'objectif est d'évaluer les bénéfices métier liés à l'utilisation de la RFID sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Le groupe évalue ainsi les gains de la technologie dans la gestion des produits ' culturels ' (logiciels, jeux, consoles, accessoires, etc. ). Des études de cas sont également menées dans le magasin, avec le suivi des expéditions de palettes en épicerie et dans l'entrepôt avec les produits EPCS (imprimantes, caméscopes, portables, etc. ) tagués par les fournisseurs. Originalité pour les produits textiles, l'expérimentation se déroule à la fois dans l'entrepôt et en magasin. Utilisateur des standards RFID, Carrefour est aussi le seul distributeur français présent dans les instances internationales de normalisation de la technologie et dans le groupe de R&D européen Bridge.Finalement, des enseignes comme Carrefour, Casino (bijoux) ou Décathlon (textile) multiplient les expérimentations autour du marquage des produits eux-mêmes alors que les experts du marché s'attendaient à ce qu'ils s'intéressent surtout à létiquetage des palettes et des bacs plastics. Mais dans tous les cas, les pilotes devraient se prolonger encore quelque temps. Désormais, la plupart des analystes et distributeurs ne prévoient pas de généralisation des déploiements avant cinq ans.b.mathieux@01informatique.presse.fr
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