Apple et Google vont-ils faire main basse sur l’automobile ? Pas sûr


Après Google et avant Apple, le chinois Baidu a annoncé une voiture autonome d’ici la fin de l’année. Les géants de la tech ont-ils vraiment les moyens de se lancer dans l’industrie automobile? L’analyse de Jean-François Belorgey, analyste automobile chez EY
L’automobile va-t-elle être bouleversée par la Silicon Valley. C’est la question que tout le monde se pose depuis quelques mois. Avec en ligne de mire le concept de voiture autonome, sans chauffeur. Les constructeurs vont-ils être dépassés ? La crainte des fabricants c’est que la voiture devienne une sorte de commodité, des produits interchangeables qui ne se distingueront que par leur logiciel et leur intelligence artificielle. Car l’objet voiture va se simplifier avec la transformation du tableau de bord en écran, la disparition du moteur à explosion au profit du moteur électrique (qui est de facture bien plus simple). Les fabricants craignent que l’automobile devienne un marché similaire à celui de l’informatique où l’essentiel du business se fait sur l’OS et le logiciel, pas sur le matériel.
Leur crainte est-elle fondée?
Avant d’y répondre, il faut rappeler qu’il y a plusieurs niveaux d’autonomie : le GPS, le démarrage automatique à l’arrêt, le régulateur de vitesse qui s’adapte en fonction du rythme des voitures alentours… Ces technologies sont des premières étapes d’autonomie et elles sont déjà disponibles sur le marché. Les constructeurs ont déjà la main sur ces technologies.
La voiture c'est plus dangereux qu'un smartphone
Je ne suis pas aussi pessimiste pour eux. D’abord parce que toutes les marques travaillent sur le sujet: les constructeurs premium comme Volvo et BMW mais aussi les grands publics comme Renault et PSA. Ils ne sont peut-être pas aussi avancées que les électroniciens mais ils assurent que leur technologie sera plus fiable. Ce qui sera un élément clé : si son smartphone a un bug, on l’éteint et on le rallume, c’est plus compliqué avec un voiture lancé à 130 km/h sur l’autoroute… Ensuite je persiste à penser que la voiture, même si les gens en ont de plus en plus une vision fonctionnelle, restera un objet émotionnel avec des marques puissantes. Les constructeurs selon moi garderont la main mais ils seront simplement un peu moins autonomes car contraints par les électroniciens.
En réalité, je suis persuadé qu’aucune de ces sociétés de la high-tech ne va s’embêter à fabriquer une voiture car c’est compliqué. Il faut maitriser le design, la mécanique, le process industriel, les normes et surtout le prix. Vous remarquerez d’ailleurs qu’il n’y aucun nouvel entrant sur ces marchés depuis des décennies ! Il y a certes Tesla mais ils ne vendent pas beaucoup de leurs voitures à 80.000 euros… En revanche, il va y avoir une vraie lutte pour le contrôle du cerveau de la voiture entre les fabricants historiques et les sociétés technologiques.
Les fabricants responsables de tous les accidents?
Mais tout cela dans le fond mettra du temps à voir le jour. Car si les voitures intègrent aujourd’hui des éléments d’autonomie, la voiture sans chauffeur ce n’est pas pour demain. Il faudra déjà que la technologie soit au point, mais ce n’est pas, quoi qu’on en pense, le plus difficile ça. Il faut surtout que les infrastructures routières soient équipées de capteurs, là ça prendra plus de temps car les Etats n’ont pas trop les moyens actuellement de se lancer dans de tels chantiers. Et enfin il faudra qu’une bonne partie du parc soit équipé car selon les études, les véhicules autonomes devront représenter au moins 30% du parc roulant pour que la technologie puisse réellement fonctionner. En gros il faudra que les gens s’équipent avant de pouvoir utiliser leur véhicule autonome…
Enfin, il y a un dernier point d’ordre juridique qui n’est pas réglé, celui de la responsabilité. Un jour Louis Schweitzer, l’ancien patron de Renault m’a dit sur le sujet qu’il ne voulait pas être le chauffeur de 2 millions de véhicules. Il pointait là la question de la responsabilité en cas d’accident d’un véhicule autonome. Qui sera responsable ? Le fabricant automobile ? Le fournisseur de technologie ? Autant de questions qu’il faudra trancher avant de savoir qui va gagner la bataille. Si bataille il y a un jour…
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