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Internet s'est fait deux ennemis : les protecteurs des mineurs et l'industrie du disque. Ceux-ci demandent aux hébergeurs d'exercer un pouvoir de police. Ce qui est techniquement impossible et juridiquement aberrant.
Le plus large consensus semble régner en France sur la nécessité de développer la société de l'information. Mais les choses se compliquent dès qu'il s'agit d'en fixer les modalités. Car, suivant un travers national déjà maintes fois constaté, la volonté de bien faire finit par céder le pas à l'illusion de pouvoir faire mieux que tout le monde. On en vient ainsi à ' pondre ' des réglementations qui prétendent tout régler a priori, mais qui, dans la pratique, ne règlent rien, puisqu'elles sont inapplicables, aberrantes et sources inépuisables de nouveaux contentieux.
Des dispositions ahurissantes...
Ce travers s'est à nouveau vérifié avec le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), dernier avatar du projet de loi sur la société de l'information du gouvernement Jospin. Il s'agit d'un texte d'urgence, qui doit permettre à la France d'effacer un retard de plusieurs années dans la transposition des directives européennes. Mais, comme les retards se sont également accumulés dans d'autres domaines, nous sommes parvenus à un projet de loi fourre-tout. Outre l'e-commerce, la publication en ligne et la cryptologie, la LCEN entend aussi régler le problème du service universel, des zones d'ombre des réseaux mobiles et des prérogatives des collectivités territoriales dans les télécoms. Du coup, l'industrie du disque et les milieux soucieux de la protection des mineurs ont également cherché, en seconde lecture à l'Assemblée nationale, à la compléter de dispositions répondant à leurs préoccupations. Par électoralisme sans doute, la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (Jean Dionis du Séjour en est le rapporteur) et Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, ont suivi.Résultat : les députés ont adopté, le 8 janvier dernier, une nouvelle mouture de la LCEN, qui entend être ' le grand texte fondateur de la république numérique, initiant une démarche de qualité, tout en encourageant les investisseurs étrangers à développer l'économie numérique en France (sic) '. Pour mieux protéger les mineurs, celle-ci demande aux fournisseurs d'accès à internet d'empêcher la diffusion de tout contenu raciste, négationniste et pédo-pornographique dans les chats, les forums et les pages personnelles qu'ils hébergent. Elle leur demande aussi de filtrer au niveau de l'accès les contenus illicites d'origine étrangère, de même que les fichiers musicaux échangés en peer-to-peer. Et cela, avant même d'y être requis par un juge ! Identifier les pirates du copyright et les auteurs de contenus illicites, cela signifie également que le courrier électronique perd dans les forums son caractère de correspondance privée.
... et antiéconomiques
On s'étonne que des dispositions aussi ahurissantes puissent devenir articles de loi. Celles-ci prétendent en remontrer aux directives européennes, alors qu'elles sont juridiquement superflues, techniquement inapplicables ou, du moins, totalement antiéconomiques. L'Association des fournisseurs d'accès et de services internet (AFA) menace de fermer tous les chats, forums et pages personnelles, si ces dispositions ne sont pas corrigées en seconde lecture par les sénateurs, courant février. Nicole Fontaine a déjà promis de réparer l'impair.
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