Les grands opérateurs vont amorcer un renouvellement de leurs infrastructures d'accès d'ici à la fin de la décennie, afin de faire face aux débits croissants. A cette occasion, deux visions de la concurrence et du futur des opérateurs se dessinent. La première met l'accent sur la réglementation existante. Cela pour parer un retour du monopole naturel des infrastructures optiques aux capacités quasi illimitées. Cette vision s'accompagne d'investissements privés-publics pour financer une infrastructure ouverte, la compétition s'exerçant au niveau des services. Ce modèle s'oppose à une seconde vision, celle des grands opérateurs qui refusent de se limiter à l'exploitation de tuyaux en étant strictement régulés. Et qui insistent sur la dynamique de concurrence à même de s'exercer au niveau des technologies d'accès à travers le câble présentes dans les grandes agglomérations, et sur les perspectives prometteuses du très haut débit sans fil. Ce débat est important dans la mesure où, en Europe ?" et bien plus qu'aux Etats-Unis qui disposent de Google, Microsoft et Hollywood ?", l'investissement efficace dans les télécoms constitue un élément décisif de stratégie pour compter dans le ' Digiworld '.
Des priorités différentes selon les acteurs
En effet, ces derniers mois, les marchés financiers ont manifesté leur défiance vis-à-vis des grands opérateurs face à l'essoufflement des mobiles, à l'impact de la voix sur IP, à l'intensité de la concurrence sur le haut débit et aux incertitudes de la régulation. D'autant que l'on observe des valorisations bien plus favorables pour les géants de l'internet. Les opérateurs sont conscients des interrogations que suscitent les ruptures majeures auxquelles ils sont confrontés. Comme ils ne sont pas sans atouts, on a vu s'esquisser des stratégies qui, sans être contradictoires, semblent se fixer des priorités différentes.BT a investi dans le service aux entreprises, a mis sous tutelle son réseau d'accès (à travers Open Reach) et a engagé le renouvellement de son c?"ur de réseau en privilégiant une stratégie d'opérateur B to B. Vodafone, qui fournissait l'infrastructure cellulaire pour le service Fusion de BT, se rapproche de ce dernier en utilisant le réseau cuivre de l'opérateur pour offrir de l'ADSL et sanctionner, ainsi, l'abandon de sa stratégie tournée exclusivement vers le mobile.France Télécom fait référence dans la convergence fixe-mobile et contenant-contenu en innovant pour fournir aux consommateurs des solutions globales assurant l'interopérabilité des équipements et le contrôle de la valeur des applications. Telefonica, grâce à son moteur de croissance sud-américain et à une concurrence plus tardive en Espagne, est l'opérateur européen qui dispose de la plus grande marge d'initiative. Si l'avenir du secteur passe par une consolidation pan-européenne, il fera probablement partie des acteurs avec qui il faudra compter.Toutes les man?"uvres ne se révèlent pas payantes
C'est pour échapper à ce qui aurait constitué la première fusion d'importance entre opérateurs historiques que Telecom Italia se trouve aujourd'hui contraint, par une cascade de holdings endettées, de vendre sa filiale dédiée à l'activité mobile. Il est trop tôt pour savoir si son projet de media company s'accompagnera d'un abandon progressif des infrastructures fixes. Outre-Rhin, Deutsche Telekom doit faire face à une forte baisse de sa part de marché sur le haut débit en Allemagne, tandis que sa filiale mobile américaine, qui assurait sa croissance, va nécessiter des dépenses importantes en termes de fréquences.Afin de regagner un leadership sur le fixe en Allemagne, Deutsche Telekom a annoncé un investissement significatif en déployant jusqu'au sous-répartiteur des accès optiques. Obligé, par Bruxelles, à ouvrir ses infrastructures aux concurrents, Deutsche Telekom devra obtenir du régulateur un prix incitatif. Mais il s'agit d'un problème qui dépasse le seul cadre de l'Allemagne.* directeur général de l'Idate depuis plus de quinze ans. L'Idate est l'un des premiers centres européens d'études et d'analyse des industries des télécommunications, de linternet et des médias.
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