Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
Les projets longtemps différés finissent par débuter. Quelques secteurs comme la banque et l'Administration soufflent une brise qui ravive d'abord l'intérim.
La petite lueur au fond du tunnel guettée depuis des mois serait-elle enfin en vue ? Réduction des coûts, projets en berne, explosion des intercontrats et diminution d'effectifs... Les derniers mois laissent le secteur de
l'emploi et ses acteurs en pleine déprime. Et les bonnes nouvelles, si prudentes soient-elles, sont bien-venues : les recrutements d'ingénieurs et de consultants reprennent... à pas comptés.Acteurs ou observateurs du marché de l'emploi informatique confirment le mouvement de ce début d'année. ' Nous ne sommes pas au bout du tunnel, mais le secteur s'en approche : les entreprises ne
pourront pas éternellement mettre leur informatique en veille ', estime Jean Thily, directeur général d'Alexandre TIC.' Depuis quelques semaines, la reprise est palpable, atteste Antonio Cericola, responsable du développement informatique chez Manpower. Les projets en attente se sont déclenchés, et
les demandes arrivent. ' Les sociétés d'intérim cueillent ainsi les premiers fruits du déblocage des budgets dans certaines grandes entreprises.Pour renforcer leurs équipes projets, les directions achats et ressources humaines préfèrent en effet, dans un premier temps, affecter des ressources intérimaires sur leurs projets. Une formule souple et moins onéreuse que le
recours aux sociétés de services (SSII), contraintes d'intégrer dans leurs marges le coût des intercontrats. Ce procédé évite également des recrutements directs. ' La délégation de personnel réside essentiellement dans la bonne
gestion des ressources humaines, notre c?"ur de métier ', poursuit Antonio Cericola.
Des profils pointus et confirmés
Certes, l'heure n'est pas pour autant à l'explosion. Et les candidats apprennent, depuis quelques mois, à décrypter les annonces sibyllines de SSII plutôt soucieuses de renflouer leur banque de CV que de réellement embaucher.
' Les offres des SSII sont gonflées. Elles utilisent les CV pour approvisionner leur vivier ', explique ainsi Sabine Bataille, consultante à l'Apec. Les candidats ne s'y tromperont pas.' Lorsque les termes de l'annonce sont génériques et ne donnent que peu de précisions sur les technologies recherchées, il s'agit très probablement d'une annonce " vivier ". Plus la
demande est précise, plus on est sûr qu'il s'agit d'une véritable offre ', poursuit-elle. ' Lorsqu'un besoin est exprimé par un client, plusieurs dizaines de SSII se jettent dessus. La différence se
fait sur des compétences de plus en plus spécifiques ', constate Guillaume Semblat, directeur général de RégionsJob.Atos Origin, Sopra, Logica, Sodifrance, Alten, Vistali... Grandes ou petites, généralistes ou spécialisées, les SSII recrutent essentiellement des profils pointus et confirmés. Architectes de systèmes d'information,
directeurs et chefs de projet, mais aussi techniciens réseaux ou développeurs Java trouveront actuellement un certain nombre d'offres sérieuses dans les SSII.Ainsi que, dans une moindre mesure, les consultants fonctionnels et techniques autour des progiciels de gestion intégré (PGI). Pour les débutants, la recherche s'avère toujours difficile. Même si certains, tel Unilog, reviennent
à leurs pratiques traditionnelles en privilégiant l'embauche de jeunes diplômés. ' L'an dernier, nous avons recruté neuf cents personnes, dont 60 % de confirmées. Cette année, nous comptons en embaucher à peu près le même
nombre, mais, cette fois, avec une proportion de 75 % de débutants ', indique Yves Buisson, directeur du recrutement chez Unilog. Particulièrement dynamiques, les prestataires dits d'externalisation de la R&D, comme
Alten, Coframi, Ausy, SII ou Brime Technologies, poursuivent leur croissance.A un rythme ralenti, certes, mais qui permet à la plupart de tabler sur plusieurs centaines de recrutements dans l'année. ' Depuis un mois environ, les demandes reprennent, constate également
Bernard Huvé, PDG de SII. Je me refuse à toute prévision, mais je continue de recruter une vingtaine de personnes par mois, et sur toute la France. ' Si le solde net de ses embauches plafonne à quarante-cinq postes
en 2002, c'est principalement en raison du turnover spécifique aux métiers de ces SSII particulières : les entreprises clientes finissent régulièrement par embaucher leurs prestataires.
Les banques et les assurances tiennent le haut du pavé
Car finalement et en toute logique , les maîtres du marché de l'emploi sont bien les grandes entreprises. ' La stratégie d'investissement des sociétés repose sur deux types de projets, explique
Sylvie Chauvin-Bénech, PDG du cabinet Markess International. D'une part, il s'agit du maintien en condition opérationnelle, incompressible, de projets dont on réduit les coûts par tous les moyens. D'autre part, les entreprises lancent de
nouveaux projets prioritaires par exemple, lors d'une fusion-acquisition , sur lesquels on ne peut pas faire l'impasse. Elles sont donc obligées de mettre en place les nouvelles technologies, et cela tire le marché '.En région parisienne comme en province, ' les entreprises recrutent davantage que les SSII ', constate Sabine Bataille, de l'Apec. Sans pour autant dégager de tendance lourde, Jean Thily
observe un dynamisme ponctuel : ' Il s'agit plutôt d'entreprises qui marchent bien ou sont très en retard dans leurs projets. ' Les statistiques établies par RégionsJob sur la photographie des annonces publiées
sur l'ensemble des régions françaises confirment le sentiment général : le secteur bancaire tient le haut du pavé. Les nouvelles normes comptables et le vieillissement de systèmes d'information lourds et peu réactifs se conjuguent pour pousser les
grandes banques à renouveler leurs applicatifs, et donc à étoffer leurs équipes.Les banques d'affaires et, surtout, les banques de réseau recherchent des profils plutôt matures. ' Sur cinq cents offres en janvier dernier, nous avons recensé cent quarante-cinq postes dans le secteur
bancaire, indique Sabine Bataille (Apec). Les grands établissements sont en quête de personnes connaissant bien les technologies, ayant deux à trois ans d'expérience et manifestant un véritable intérêt pour les métiers
bancaires. ' Et pour éviter de toucher aux vieux systèmes qui continuent de tourner, ' les banques sont friandes de profils d'urbanistes, chargés de mettre de l'ordre dans trente ans de couches applicatives
superposées ', explique Jean Thily. En deuxième position des secteurs porteurs arrivent les compagnies d'assurances.Plus discrètes, les grandes compagnies n'en procèdent pas moins à de profonds changements d'organisation. ' Pour mener à bien l'organisation des processus métier et, notamment, la réduction des échelons
hiérarchiques, elles demandent des compétences métier en plus des spécialités informatiques classiques ', indique Sabine Bataille. Les connaissances informatiques s'appuient non seulement sur Java, HTML, C++ et sur les serveurs
d'applications Weblogic et Web-sphere, mais aussi sur les grands systèmes ou l'aide à la décision.
La manne des grands chantiers de l'Administration
Les industries suivent de près le mouvement : l'automobile et l'aéronautique notamment Airbus à Toulouse proposent des postes techniques à des ingénieurs ayant entre trois et sept ans d'expérience. Ingénieurs de
développement logiciel ou de systèmes embarqués, les offres sont décrites avec une extrême précision et correspondent donc à un réel besoin. Il en est de même pour la défense, dont les budgets ont augmenté.Total-FinaElf poursuit régulièrement ses recrutements, notamment sur les compétences SAP. Michelin offre un éventail intéressant de postes à plusieurs niveaux d'études du bac + 2 à l'école d'ingénieurs. Grande distribution ou
services aux entreprises ne sont pas en reste. En Ile-de-France comme en région, les postes proposés concernent principalement le développement. Même s'ils ne se comptent pas par centaines.Intérim, SSII ou grandes entreprises... Le recrutement d'informaticiens concerne également l'univers de l'Administration au sens large. L'avènement de l'administration électronique et le ' retard
' si souvent invoqué ouvrent une large palette de possibilités aux techniciens et ingénieurs. C'est aussi l'Administration qui offre la plus forte croissance des budgets de dépense informatique : + 4,2 % l'an dernier.
' L'Administration est le seul secteur dont les budgets restent constants malgré la crise, explique Sabine Bataille. Et les besoins sont très importants. '
Le niveau des postes monte
Il s'agit de projets lourds, tel Copernic à la Direction générale des impôts, qui requièrent des compétences en développement et en organisation. Certes, les compétences existent en interne : ' L'Education
nationale et la Recherche, notamment, disposent de forces vives ', remarque Sylvie Chauvin-Bénech. Mais les organismes publics et parapublics sont aussi confrontés au vieillissement des effectifs et doivent rééquilibrer la
pyramide des âges. Quant aux collectivités territoriales, elles mettent en place de nombreux services aux usagers, pour lesquels les compétences techniques sont souvent recherchées.Pour autant, ces filons de recrutement ne suffisent pas, dans l'état actuel, pour fournir des emplois aux nombreux candidats lâchés par leur employeur SSII pour la plupart , qui souffrent et peinent à retrouver un nouvel
emploi. Du coup, les profils les plus élevés l'emportent. ' Les entreprises peuvent se permettre aujourd'hui d'être très goumandes en compétences, explique ainsi Bruno Sibilli, directeur de département chez Robert Half.
Le niveau des compétences requises pour un poste a nettement augmenté.'
'La compétition se déroule à un stade très élevé, et le niveau des postes monte ', confirme Guillaume Semblat, de RégionsJob. Unilog a ainsi recensé cinquante-six mille CV reçus durant
l'année écoulée ! Dans ce contexte de compétition sévère entre les postulants, chaque détail compte. Et, fait étrange dans une population de diplômés de haut niveau, nos informaticiens ne brillent pas par leurs compétences... en recherche
d'emploi ! ' Environ la moitié des postulants sont sans emploi, et ils continuent de répondre à des annonces pour lesquelles ils n'ont pas les compétences requises ', se plaint Jean Thily. Même son de cloche chez
d'autres recruteurs, dont l'Apec se fait l'écho : 'Les ingénieurs n'ont parfois jamais cherché de travail dans leur carrière. Les CV et lettres de motivation sont de très mauvaise qualité ! ' déplore Sabine
Bataille. Toute une éducation à faire...