Les projets sur lesquels travaillent les chercheurs de Microsoft et de l'Inria

Alors que l'Inria et la division de recherche fondamentale de Microsoft viennent de reconduire leur partenariat, voici quelques uns de leurs projets communs. Des drones au service de l'archéologie à l'apprentissage statistique dédié à l'imagerie médicale.
Franche poignée de main entre le représentant d’une multinationale américaine et le président d’un institut de recherche publique. Philippe Courtois, président de Microsoft International, et Michel Cosnard, président directeur général de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique) se félicitent du renouvellement de leur partenariat.
« La culture de la recherche collaborative initiée il y a quelques années, impacte notre propre stratégie de R&D et la société » se réjouit Philippe Courtois. À son ouverture en 2006, le centre de recherche commun aux deux structures avait déjà comme objectif de faire le lien entre recherche fondamentale et applications. « Ce laboratoire apporte des réponses concrètes à un monde en pleine révolution numérique », ajoute Michel Cosnard. Il regroupe 100 chercheurs et 23 laboratoires. Il peut se vanter d’avoir produit 500 publications depuis sa création, et surtout d’héberger le dernier lauréat du prix Turing, Leslie Lamport.

La signature de ce partenariat nous a donné l’occasion de pousser la porte de l’incubateur parisien de Microsoft et de découvrir quelque uns des projets et des chercheurs du centre de recherche commun à l’Inria et à Microsoft Research, division dédiée à la recherche fondamentale créée en 1991 par l’éditeur. Des projets qui vont des mathématiques fondamentales à la santé ou à la protection de la vie privée.
Des drones au service de l’archéologie

Barbe et cheveux en bataille, Yves Ubelman a la tête du parfait baroudeur. Archéologue, il a créé la startup Iconem suite à un projet du centre Inria Microsoft. L’objectif était au départ de numériser une villa du site de Pompéi menacée de disparaître. La villa a été reconstruite en 3D à partir de photographies prises au sol et avec des drones. La reconstitution donne accès à la fois à des détails et à une vision globale du site. Au final, un logiciel de reconstruction du patrimoine archéologique a été réalisé et est utilisé par Iconem notamment en Afghanistan. En quelques heures, un site entier est reconstruit en numérique. Et le résultat est impressionnant (voir la vidéo ci-dessous).
La même équipe de chercheurs travaill maintenant à l’ajout de données sur le modèle reconstruit. Des informations provenant de gravures, de dessins, de peintures sont repositionnées de manière automatique (voir l'exemple de Notre-Dame ci-contre). L’idée est d’aller plus loin que de la simple visualisation, mais de construire un outil utile aux archéologues en leur fournissant des informations sur l’histoire spatio-temporelle d’un lieu.
Protéger la vie privée dans un environnement ultra connecté

Plus technique, l’équipe suivante à réaliser une implémentation vérifiée du protocole TLS très utilisé sur internet. « Les problèmes de sécurité sur ce protocole s’accélère. Nous en sommes à une réattaque tous les six mois » explique Cédric Fournet, chercheur à Microsoft Research. Mitls.org est à la fois une implémentation du protocole, sa vérification et une plateforme pour le comprendre. Elle a notamment permis de détecter une attaque sur le protocole appelée Triple Handshakes. Seul problème : elle concerne le standard lui-même et non une implémentation. Elle est donc difficile à contrer et nécessite de revoir le standard.

Pour anticiper les problèmes, la même équipe a décidé de travailler dans l’autre sens… De prendre un problème de vie privée et de construire un protocole pour le résoudre. C’est ainsi que ZQL est né. Ce protocole permet de fournir des informations à un fournisseur de service sans lui donner accès à ses données personnelles. Dans le cas d’un compteur électrique, il s’agit par exemple de calculer une facture d’électricité sans avoir de détails sur la consommation électrique du foyer.
« Nous voulions trouver l’équilibre entre les informations que l’on garde et celles que l’on donne pour garantir la vie privée autant que la qualité du calcul » explique Cédric Fournet. Concrètement, les données issues du compteur sont transférées à l’ordinateur de l’utilisateur qui calcule sa facture et la preuve cryptographique associée puis envoie le tout au fournisseur qui peut donc être quasiment certain que le calcul est juste. Le système est déjà en test en Hollande.

L'apprentissage statistique au service de l'imagerie médicale

Pour aider les médecins, on assiste à l’émergence du patient numérique. « C’est à la fois les données numériques de l’individu et des algorithmes appliqués sur ces données pour poser un diagnostic et trouver une thérapie » résume Hervé Delingette chercheur à l’Inria. Ce dernier propose un outil pour interpréter plus rapidement, plus précisément et de manière plus objective des images cardiaques 4D (les trois dimensions spatiales et la dimension temporelle). Sont notamment proposés : une vue des mouvements cardiaques du patient, ou une reconstruction 3D des organes.
La masse d’images traitée a aussi permis de construire une cartographie des pathologies cardiaques. Juste après l’acquisition de nouvelles images, il est possible de déterminer où elles se situent sur la carte et donc d’avoir une idée des problèmes du patient. A-t-il une insuffisance cardiaque ? Vient-il de subir un infarctus ? Souffre-t-il de tétralogie de Fallot ?


Dans la même mouvance, le laboratoire travaille aussi sur l’imagerie cérébrale 4D pour comprendre le fonctionnement du cerveau. Une librairie de machine learning (i.e. apprentissage automatique) a été créée pour traiter la masse de données. Disponible en open source, « scikit-learn est très utilisées par les startups » se félicite Bertrand Thirion, chercheur à l’Inria. Elle est capable de réaliser 1015 associations statistiques en un temps raisonnable. À l’heure du Big Data, l’équipe veut aller encore plus loin et en récupérer des données d’un peu partout pour créer un modèle du cerveau.
Les mathématiques à l'épreuve des ordinateurs

Le laboratoire commun de l’Inria et de Microsoft s’intéresse aussi à de la recherche beaucoup plus fondamentale mais qui trouve aussi des applications concrètes. Georges Gonthier, chercheur chez Microsoft Research, fait ainsi des mathématiques sur ordinateur pour vérifier des théorèmes comme celui des quatre couleurs. Son outil sert notamment aux chercheurs en mathématiques à s’assurer de la validité des démonstrations de certains théorèmes, mais il est aussi utilisé pour vérifier des logiciels et certifier des logiciels critiques dans le secteur bancaire par exemple.