Les 100 ans d'IBM sont l'occasion pour Michel et Thomas Chejfec, deux informaticiens, de livrer leur vision du géant américain à trente ans d'intervalle. Michel, le père, collaborateur de Bull, a toujours lutté avec acharnement contre l'“ ennemi héréditaire ”. Plongé dans l'univers du PC dès ses débuts, Thomas, le fils vit aujourd'hui la mutation d'IBM vers les services.
1960-1980 : la domination
Michel Chejfec : En 1960, IBM détient 80 % du marché, et l'industriel français Bull 10 %. Ce dernier, qui est alors très présent en Amérique du Sud (Brésil, Argentine…), concourt face à un IBM de notoriété mondiale. L'entreprise américaine évolue alors avec les grands systèmes de la série 700 et leurs tubes électroniques. Tandis que chez Bull, les machines Gamma 3 (des calculateurs) et Gamma 60 (des ordinateurs) figurent au catalogue. En tant qu'employés de Bull, nous percevons alors IBM comme une société gigantesque, dotée de ressources et d'une puissance de frappe démesurées par rapport à la nôtre. Car Big Blue a une capacité à adresser ses clients de façon très complète. Chez Bull, nous nous considérons plutôt comme des “ mécanos ” de l'informatique. Notre force repose sur la proximité.Quant il arrive sur le marché, le 1401 d'IBM rencontre un vrai succès. Cet ordinateur propose plusieurs déclinaisons de gamme. Avec ce modèle passe-partout, la stratégie d'IBM cherche à couvrir tous les besoins. Le 1401 inaugure surtout une innovation majeure : l'utilisation des transistors en lieu et place des technologies électromécaniques. Avec cette maîtrise des transistors, IBM prend un ascendant technologique incomparable.1980 : le monopole ébranlé
Au début des années 80, la bataille se poursuit sur le terrain des ordinateurs de bureau. IBM s'allie avec Microsoft, tandis que Bull s'engage sur le système d'exploitation CP/M développé par Digital Research. Une fois de plus, les Américains parient sur le bon cheval et leur collaboration avec Microsoft facilite la démocratisation du PC. Très vite, apparaissent les premiers PC compatibles, fabriqués par d'autres constructeurs tels que Nixdorf ou Univac. Le monopole d'IBM commence réellement à s'effriter à cette période.1990 : l'époque de la suprématie technologique
Thomas Chejfec : Mes premiers rapports avec IBM ont lieu par l'intermédiaire de mon père : comme lui, je perçois alors la firme américaine comme un “ ennemi héréditaire ”. A la fin des années 90, je juge que ses choix technologiques ne vont pas dans le sens de l'histoire (interface trop complexe, difficulté à s'imposer face à Windows). Mon rapport avec IBM se poursuit à la fois sur un plan historique ? la revente de la division PC d'IBM à Lenovo, au début des années 2000 ? et pratique, puisque la société où je travaille en 2004 est très “ bleue ”.2000 : la naissance d'un géant des services
Aujourd'hui, ma perception d'IBM a radicalement changé. Là où, dix ans auparavant, je ne voyais qu'un interlocuteur très orienté “ technologies informatiques ”, je reconnais maintenant un acteur incontournable des services, avec une force de proposition sur la plupart de nos problématiques majeures : logistique, production, finance, etc. Sa volonté de fournir aux entreprises des outils pour découvrir et échanger en fait un exemple de partenaire. Citons leur initiative baptisée Midmarket Advisor y Network, un groupe de travail centré sur les PME. Joyeux anniversaire, Big Blue !
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