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Longtemps cantonnée dans les tâches de développement et de maintenance, l'Inde tourne la page du low cost. La palette de prestations s'élargit à la gestion des infrastructures, l'externalisation des processus métier, à la R&D, voire au conseil.
La mutation indienne est en cours. Pour la comprendre, il faut remonter aux origines de l'offshore indien. Dans les années 80, les Etats-Unis souffrent d'une pénurie de ressources qualifiées. Ils font appel à l'Inde, le pays formant des ingénieurs en nombre, tous anglophones. La bande passante aidant, les Indiens sont ensuite restés au pays, réduisant d'autant les coûts. Ce travail à distance a induit un effort d'industrialisation en amont pour séquencer les projets en tâches et introduire des process sur toute la chaîne de production. Ce modèle a construit le succès du “ body shopping ” à faible coût made in Bangalore, reposant sur une armée de développeurs hyperspécialisés, restreints à des tâches à faible valeur ajoutée de codage et de testing, étroitement contrôlés par une batterie de certifications qualité de type CMMi ? de niveau 5, marketing oblige ?, Lean Management et autres Six Sigma.
Maintenir la marge de 20 %
Depuis le début des années 2000, les grandes SSII indiennes tentent de se détacher de cette image low cost. Monter dans la chaîne de valeur doit leur permettre de conserver leur fabuleuse marge opérationnelle de 20 %, égratignée par l'inflation salariale. Pour cela, leur palette de prestations s'est élargie à l'externalisation des processus métier (BPO), à la tierce maintenance applicative (TMA), à la gestion des infrastructures jusqu'au conseil. Elles ont aussi commercialisé leurs solutions de cloud privé.La R&D externalisée est un autre axe de développement. TCS a reconstitué, dans ses laboratoires, une cabine d'avion pour optimiser l'information donnée aux voyageurs sur le vol ou la prochaine escale. La SSII a également établi un banc test automatisant les 500 points de maintenance d'un moteur auto utilisé par un groupe français. Le mur de téléprésence de Cisco a été, lui, codéveloppé avec Wipro.Ces nouvelles prestations représentent déjà 40 % du chiffre d'affaires de TCS, dont 12 % pour les services aux infrastructures (supervision, monitoring…). Des ratios qui s'appliquent également à la France, selon Catherine Dossot, directrice des ventes et du développement de TCS France. “ Le BPO offre aussi un bon potentiel. Notre centre de Hongrie emploie 1 000 personnes et couvre 27 langues dont le français. ”Et si la filiale française de TCS s'appuie encore sur celle du Royaume-Uni pour la partie consulting, Wipro a déjà sauté le pas à la mi-2010 en démarrant par la banque et les télécoms. “ Même si une partie de l'expertise est déportée, cela nécessite un ancrage local. ” Et une connaissance fonctionnelle accrue. Début 2011, Wipro a renforcé son organisation par lignes métier : industrie, distribution, santé, énergie, secteur public, télécoms et médias.
Lutter contre la taylorisation des esprits
Le consultant en stratégie et management, Stéphane Roche, s'interroge sur cette capacité à monter dans la chaîne de la valeur. “ Les SSII indiennes peuvent développer des expertises nouvelles recherchées sur le marché, mais le gros de celui-ci ne porte pas sur des prestations à haute valeur ajoutée. Si l'Inde n'est pas numéro un par hasard, son point le plus fort reste le staffing. A savoir monter en peu de temps une équipe avec beaucoup d'ingénieurs. ”L'industrialisation de l'ingénierie introduite par les Américains a aussi, selon lui, formaté les esprits, créant une division du travail par spécialisations et par tâches. A cela s'ajoutent l'appauvrissement du niveau général dans les écoles ? dû à une demande d'ingénieurs indiens très soutenue ? et le turnover qui décime les équipes. “ Si l'expertise technique est difficile à créer et à garder là-bas, l'expertise fonctionnelle l'est plus encore. ” Les chefs de projet français ne facilitent pas non plus la tâche des Indiens. “ Non seulement leur anglais est médiocre ? ce qui appauvrit le dialogue ?, mais ils ne savent pas détailler les process. ”
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