Michel Caffarel, directeur de recherche au CNRS, est un des premiers utilisateurs de Curie. Il se sert de ce supercalculateur français (le plus gros), situé au CEA (Commissariat à l'énergie atomique), en région parisienne, pour ses travaux sur les mécanismes moléculaires de la maladie d'Alzheimer. Le chercheur tente de démontrer que l'agrégation de molécules bêta-amyloïdes à l'origine de la dégradation des neurones est liée à la présence de cuivre. Et pour étayer cette théorie, il fait appel au calcul numérique.
“ Avec la simulation, il s'agit de comprendre les échanges électroniques à l'origine des interactions entre le cuivre et la molécule, ainsi qu'à l'intérieur de cette dernière. Cela nous permet de mieux en connaître les comportements, mais nécessite une puissance de calcul phénoménale ”, témoigne-t-il ! Il a ainsi saturé plus de 80 000 cœurs du supercalculateur pendant quarante-huit heures ! Un petaflop par seconde pendant deux jours de calcul complets…
“ C'est indispensable pour arriver à un niveau de précision qui nous permettra d'avancer ”, lance-t-il.Pour lui, avec l'Exascale, prochain horizon de la puissance de traitement qui devrait être atteint en 2017, les chercheurs disposeront de plus de performances pour préciser les calculs, mais surtout de suffisamment de puissance à partager avec d'autres chercheurs,
“ des biologistes auront enfin la possibilité de tester leurs hypothèses ”, se réjouit-il. Toutes les impressions et les supputations des chercheurs, jusqu'à présent écartées car trop complexes à expérimenter, pourront être testées systématiquement de façon virtuelle.
Chercher de la puissance sur internet est peu rentable
Face à ces supercalculateurs, certains ont expérimenté d'autres voies alternatives. Comme le projet Folding@Home, qui exploite les capacités de calcul de milliers d'internautes ayant installé un client sur leur ordinateur personnel, lui aussi pour des recherches sur la maladie d'Alzheimer. Il annonce 290 000 processeurs actifs, et a connu une progression notable en 2007, lorsque le client pour la console grand public de Sony a fait son apparition. Ce qui a permis à 18 000 Playstation 3 de participer à ce projet. Une approche qui ne séduit pourtant pas Michel Caffarel :
“ Cette méthode demande encore beaucoup de temps : à un instant T, seuls quelques milliers de processeurs sont disponibles en parallèle. Pour obtenir un résultat, il faut donc des semaines. Alors qu'avec un supercalculateur, j'ai 100 000 processeurs tout de suite et je dispose du résultat deux jours après. Mais, cela dit, si tous les ordinateurs participent un jour à ce type d'initiative, ce sera certainement une solution pour l'avenir. ”Le calcul numérique révolutionne le travail des biochimistes, mais ses applications vont bien au-delà. Demain, un chirurgien utilisera la modélisation 3D et le calcul intensif pour l'assister lors d'une opération. C'est déjà le cas du docteur Antoine Lucas, du département de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, à l'hôpital Pontchaillou, l'un des sites du CHU de Rennes.
“ La pose d'un stent (ressort) cardiovasculaire présente un risque de restenose (reformation du rétrécissement de l'artère) selon l'endroit et la manière où il va être placé par le chirurgien, explique Thierry Marchal, Industry Director chez Ansys.
Avec la simulation 3D, le chirurgien dispose d'une réponse fiable. Pour l'heure, cependant, générer cette réponse en temps réel demande beaucoup de puissance, soit 5 000 cœurs de calcul. ” Avec l'arrivée de cœurs plus puissants, ce projet de l'ANR (Agence nationale de la recherche), baptisé Angiovision, devrait donner naissance à de nouvelles générations de traitements et bouleverser le travail des praticiens.
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